Et puis euh - Des trucs dans ma bière

Alors voilà, si on se résume: Ben Johnson se trouvait dans la zone où se déroulent les tests antidopage peu après sa victoire à l'épreuve de 100 mètres aux Jeux olympiques d'été de Séoul, en 1988.

Johnson y prenait une bière en compagnie d'un joueur de football, car il est bien connu que toute bonne zone de tests antidopage qui se respecte un peu comporte un bar salon.

Le joueur de football en question est un ami personnel de Carl Lewis, qui a terminé au deuxième rang dans la même épreuve.

Le footballeur a subrepticement glissé du stanozolol dans la bière de Johnson.

Ce qui a donné lieu à ce qu'on pourrait appeler un panaché.

(Note à soi-même: il est quand même extrêmement intéressant de songer qu'il est possible de se sculpter des maudites grosses mosselles et de courir le 100 m en 9 sec 79 simplement en buvant de la bière, car Johnson n'avait jamais pris de dope avant. Ne surtout pas oublier une telle corrélation la prochaine fois que se posera le dilemme cornélien: alors, ce soir, on va au gym ou prendre un coup avec les copains?)

Que faisait là le joueur de football — dont l'histoire ne dit même pas s'il s'agissait de soccer, de football américain ou de football canadien —, qui n'avait pas d'affaire là? Selon l'avocat de Lewis, qui dit que Lewis n'a rien à voir là-dedans, le footballeur était là pour voir si Johnson allait s'administrer un produit masquant et le photographier le cas échéant.

Johnson a dit que son avocat à lui lui avait dit de ne pas trop en dire pour le moment alors qu'ils essaient de voir s'ils ne pourraient pas faire parler le footballeur/photographe/panachiste. On devrait avoir des nouvelles en juin.

Et avec tout ça, on doit quand même souligner deux ou trois trucs assez fascinants dans cette histoire fascinante: 1- si l'avocat de Lewis dit vrai, c'est qu'ils croient Johnson assez cruche pour aller se prendre un produit masquant a) juste avant son test, à moins qu'il ne soit possible de se barrer les pieds dans le bar salon pendant une période prolongée, et b) en pleine zone d'administration des tests, là où la surveillance doit être assez relâchée merci; 2- si Johnson dit vrai, c'est qu'il n'y a rien de plus facile que d'entrer du stanozolol dans la zone antidopage prohibée de tests de détection de pipi obtenu en faisant boire de la bière dans le bar salon.

En tout cas, c'est très compliqué. Mais qui a dit que le sport était simple? Oui, je sais, vous. Ça vous apprendra.

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Une petite histoire, même s'il y a des choses beaucoup plus importantes dans la vie, par exemple ceci: pourquoi n'y a-t-il pas plus d'amateurs de hockey à Nashville (Tennessee), bondance?

Comment être le joueur le plus utile à son équipe lors d'un match où on ne met pas les pieds sur le terrain une seule seconde? En connaissant le chemin, voilà comment.

Le 25 novembre dernier avait lieu une rencontre de la Football League d'Angleterre (deuxième division) opposant les visiteurs Coventry City aux Queen's Park Rangers, une équipe de Londres. Jusque-là, rien pour faire un DVD-souvenir, sauf qu'environ 90 minutes avant l'heure prévue du début du match, les dirigeants de Coventry ont appris que l'autobus devant les mener au stade Loftus Road était coincé dans un de ces célèbres bouchons de circulation londoniens et qu'il ne pourrait vraisemblablement pas rallier leur hôtel à temps.

Or, comme un entraîneur est payé pour prendre des décisions, celui de Coventry, Micky Adams, n'a pas tardé à faire preuve de leadership en période de crise: OK les gars, on va y aller en métro, qu'il a dit à ses joueurs (quoique en anglais).

Ils ont donc acheté 23 tickets individuels à la station Hanger Lane. Mais quiconque est déjà allé à Londres sait que pour le non-initié, le Tube n'est pas chose aisée à maîtriser. Tenez, à cet égard, vous permettez que je vous découpe une tranche de vie? En transit dans la capitale britannique il y a une dizaine d'années, je logeais chez l'habitant et j'avais fait part à mon hôte d'emprunter l'Underground le lendemain pour aller à la gare de trains, d'où je me rendrais ensuite à l'aéroport. «Oh no. Don't take the Tube, avait-il répondu. You'll feel miserable.»

Bref, les gars de Coventry embarquent, ce qui leur vaut quelques railleries de la part de supporters locaux de Fulham et West Ham qui les croisent. Et un seul d'entre eux sait que, pour arriver à Shepherd's Bush, il faut changer de ligne à Hammersmith. (Vous me suivez? Non? C'est pas grave. Même sur une carte, ce trajet-là ne marche pas, et chaque dépêche relatant l'incident donne des informations différentes. Mais peu importe, on les croit sur parole.) Ce joueur, c'est Jay Tabb, un ancien du club Brentford, situé en banlieue de Londres.

Si Tabb n'avait pas indiqué la voie, ses coéquipiers et lui seraient donc peut-être arrivés en retard et auraient peut-être dû déclarer forfait. «Il est notre héros obscur, a dit Adams. Je me sens mal de ne pas avoir inscrit son nom dans la formation.»

L'équipe de Coventry City s'est donc présentée au stade 40 minutes avant le début de la rencontre et a remporté une victoire de 1-0. Micky Adams en a tiré une leçon, à laquelle je vous invite par ailleurs à réfléchir la prochaine fois que vous entendrez des analyses savantes sur le mental à l'occasion d'un événement sportif télévisé: «Cela prouve que tout ce qu'on raconte à propos de la préparation d'avant-match, c'est de la foutaise.»

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Hier, 6 décembre, marquait le 50e anniversaire du «bain de sang», le match de water-polo le plus célèbre de toute l'histoire. Jeux olympiques de Melbourne, 1956: quelques semaines après l'entrée des chars soviétiques dans Budapest, une rencontre du tour final met aux prises la Hongrie et l'URSS. On peut se douter que ce fut considérablement laid, et cela finit effectivement avec une certaine quantité de sang (et une victoire de 4-0 de la Hongrie en guise de justice immanente). Or un film documentaire sur l'événement, Freedom's Fury, produit par Lucy Liu — qu'on a pu voir dans Ally McBeal — et Quentin Tarantino, vient de sortir. Je mets la main là-dessus et vous fais rapport.

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jdion@ledevoir.com

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