Perspectives - L'intégration des régions
Après le choc forestier, la crise dans la transformation agroalimentaire? Olymel vient illustrer qu'une fois de plus, il n'y a rien d'acquis dans les régions. Certes, la reprise de l'activité minière agit tel un baume, mais si les prix des métaux venaient à ne plus tenir...
Choc forestier, crise dans les abattoirs, plongeon du revenu net des agriculteurs, remise en question au fédéral du système de gestion de l'offre... Les régions vivent désormais à l'heure de l'intégration économique. Certes, la Côte-Nord peut compter sur la présence d'alumineries et la Gaspésie, sur un peu d'éolien. Mais n'eût-été une reprise de l'activité minière nourrie par un triplement des prix de base depuis 2002, nombre de ces régions afficheraient des statistiques donnant l'image de zones économiques sinistrées.Les données de l'Institut de la statistique du Québec sont parlantes. Le taux de chômage moyen au Québec est de 7,9 %. Il s'inspire d'un taux d'activité de 65,5 % et d'un taux d'emploi de 60,3 %. Dans l'Outaouais, le taux de chômage n'est plus que de 5,9 %, avec un taux d'activité de 68,9 % et un taux d'emploi de 64,8 %. La Côte-Nord fait également bien avec un taux de chômage de 7,4 %, un taux d'activité de 62,6 % et un taux d'emploi de 57,9 %. L'Abitibi parvient à s'en tirer, avec des résultats de 8,7 %, de 64,3 % et de 58,7 % respectivement, de même que la Mauricie, avec 8,7 %, 56,5 % et 51,6 %.
Suit le Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui affiche un taux de chômage de 11,9 %, mais qui se veut un peu plus dynamique que la Mauricie, avec un taux d'activité de 59,6 % et un taux d'emploi de 52,5 %. Reste cette Gaspésie qui souffre, avec un taux de chômage de 19,2 %, un taux d'activité d'à peine 50 % et un taux d'emploi de 40,3 %.
On le voit, le choc forestier se fait sentir, une crise à peine compensée — dans certaines régions comme en Abitibi et, dans une moindre mesure, en Gaspésie — par le regain du secteur minier. Une reprise de l'activité qui se concentre dans l'exploitation davantage que dans l'exploration, plus à risque et aux retombée plus lointaines. Le triplement des prix de base depuis 2002 a eu pour effet de prolonger la durée de vie de certaines mines, d'aller plus en profondeur et de rendre viables, économiquement, des gisements actuels moins concentrés. Mais pour la suite des choses, tant que les prix tiendront...
La crise qui frappe les régions se veut structurelle, et moins conjoncturelle ou saisonnière. Dans le secteur forestier notamment, le gouvernement a déjà identifié «à risque» 15 % du millier de petites localités québécoises. Et en prenant le virage valeur ajoutée ou transformation, on favorise à la fois la mobilité de la main-d'oeuvre, la consolidation des infrastructures et l'émergence de scieries, de fonderies ou d'usines de transformation de plus grande taille. On privilégie leur éloignement des lieux d'extraction ou de production, pour encourager leur installation près des villes centres et des grands réseaux de transport. Les avancées technologies et les préoccupations environnementales grandissantes viennent changer la donne.
Olymel devient donc, ici, la dernière illustration en liste de cette vague de consolidation qui déferle sur l'économie des régions. L'entreprise est le leader au Canada dans l'abattage, la transformation et la distribution de porc et de volaille, avec des installations au Québec, en Ontario et en Alberta. Elle compte 11 000 employés, a un chiffre d'affaires de 2,5 milliards et exporte près de la moitié de sa production dans 60 pays.
N'empêche, la société en commandite, filiale de la Coop fédérée, doit s'adapter à des conditions de marché particulièrement difficiles dans le secteur du porc au Québec. «L'appréciation du dollar canadien face aux autres devises, nos coûts d'exploitation plus élevés, notamment au chapitre de la rémunération, l'arrivée de nouveaux compétiteurs tels que le Brésil et enfin une décroissance de la production liée entre autres au moratoire adopté en 2002 sont autant d'éléments qui ont affecté nos résultats», avait résumé Réjean Nadeau, président-directeur général d'Olymel.
Chez les fournisseurs, la Fédération des producteurs de porcs du Québec compte 4011 membres travaillant dans 2500 fermes. Selon un article publié le 11 novembre, dans le quart de ces fermes, on a cessé de faire des paiements; dans un deuxième quart, on a procédé à un refinancement auprès de la Financière agricole et d'institutions financières. Pour ce qui est du reste, c'est-à-dire les leaders et les plus forts de la production, leur situation financière se détériore. Pendant ce temps, les banquiers sont aux aguets et tout le monde est nerveux.
C'est donc symptomatique d'un ajustement nécessaire à plus grande échelle. Olymel se retrouve dans un passage obligé. Il lui reste à bien faire les choses.