Théâtre - Guirlandes de saison

La neige a enfin neigé et voilà que la dernière vague de spectacles va bientôt elle aussi se briser sur le banc de neige encombré du temps des Fêtes. Quelques semaines encore et tout s'arrête. Enfin, presque tout.

On arrive en fait à la première zone d'accalmie, à la première pause depuis le début de la saison; pas trop tôt. Ce qui ne veut pas dire que tout est déjà rangé sous les cintres: au contraire, il reste encore plein de choses à voir. D'autres, à placer. Certaines à préparer déjà. Profitons-en pour accrocher quelques guirlandes...

Faire le pont

Dans la série «nouvelle agréable» de circonstance, il faudrait d'abord souligner une tendance qui commence à prendre de plus en plus d'ampleur d'une année à l'autre: celle de «faire le pont».

Le pont, c'est bien sûr celui des congés de fin d'année. Alors que, depuis des temps immémoriaux, le moindre spectacle de théâtre prenait fin à pas plus de dix jours de Noël, c'est de moins en moins le cas. Les compagnies ne ferment plus unanimement boutique de la mi-décembre au 15 janvier. Au contraire: on passe maintenant volontiers la barrière du temps des Fêtes avec un spectacle.

Et pourquoi «faire le pont»? Pour rencontrer un public, évidemment. Un public que la majorité des directeurs de compagnies et des diffuseurs de spectacles ne prennent pas encore le risque de solliciter. Un public bien là pourtant depuis que l'observance stricte des traditions de fin d'année en prend pour son rhume et que les différents types de familles reconstituées ont contribué à faire évoluer le paysage. Ce sont d'abord certains producteurs privés qui ont saisi la perche avant tout le monde et multiplié l'offre de spectacles dits familiaux... qui ne se limitent plus maintenant à Casse-Noisette ou au dernier Walt Disney en pixels ou sur patins. Bravo, il était temps. Puis d'autres ont suivi et voilà que ça y est; on se met à faire le pont de plus en plus...

Cela se fait depuis quelques années à la compagnie Jean Duceppe, et le Rideau Vert de Denise Filiatrault a vite retrouvé la voie royale des revues de fin d'année. D'un côté, les représentations de 2006 revue et corrigée s'étendent jusqu'à la mi-janvier, de l'autre, Le Dernier Don Juan de Neil Simons, jusqu'en février. Au TNM, on ne fait pas encore le même genre de calcul, mais le changement commence à se manifester sous la forme de ce Malade imaginaire (du 7 au 23 décembre) qui avait séduit tout le monde l'an dernier et que l'on ramène en rappel; il faut bien commencer quelque part...

En théâtre pour les jeunes publics, la même tendance est aussi visible. Depuis quelques années, Les Petits Orteils de Louis-Dominique Lavigne et du Théâtre de Quartier ont pris la bonne habitude d'aller rôder du côté du Théâtre d'Aujourd'hui dès qu'arrive la fin décembre. Et pour la deuxième ou troisième année déjà, la Maison Théâtre fait aussi le pont (jusqu'au 7 janvier avec des arrêts stratégiques, on le devine) avec un spectacle destiné aux tout-petits qui est l'archétype même de l'«activité familiale avec les tout-petits dans le temps des Fêtes». La chose est d'autant plus intéressante que le spectacle à l'affiche, Petit monstre, est absolument irrésistible. Mais même dans ce secteur où la chose semble aller de soi puisque le congé scolaire a lieu durant celui des parents, ce ne sont pas tous les diffuseurs qui ont fait le saut. Ainsi, aux Gros Becs, à Québec, on stoppe les machines du 23 décembre jusqu'à la fin janvier, allez savoir pourquoi... Reste que la tendance devrait continuer à s'affirmer puisqu'il serait étonnant, même avec le nouveau pape que vient de se donner le PLC, que l'on revienne en arrière. Faisons donc le pont, yeah...

Histoire de tapis

Raymond Pollender dirige depuis plus de 20 ans (22 en fait) une bizarre de compagnie de théâtre qui porte le nom de Petit Chaplin. Pourquoi bizarre? Parce que Pollender fait un théâtre axé sur la vulgarisation scientifique, un théâtre qui s'adresse aux enfants de 6 à 14 ans, ce qui est assez spécial, on en conviendra; depuis la fondation de la compagnie, plus de 500 000 enfants ont assisté à ses productions. Pollender a littéralement inventé ce «théâtre d'inspiration scientifique» et ses réussites au fil des années l'ont même amené à participer aux Entretiens Jacques Cartier à Lyon dans le cadre du colloque «Quand la science se fait culture». C'est lui aussi qui, avec son équipe, a redonné vie à la magnifique salle Henry-Teuscher du Jardin Botanique. À son répertoire, quelques succès impressionnants (Le Cadeau d'Isaac, Émilie et l'été de toutes les histoires, Encore une lettre du bout du monde) qui ont valu à la compagnie des invitations dans plus d'un festival international et à Pollender une nomination aux Prix Siminovitch de théâtre en 2005 aux côtés de Wajdi Mouawad. Pas tout à fait un deux de pique, Raymond Pollender...

Mais voilà que rien ne va plus. Le Petit Chaplin est en crise; on lui coupe les vivres, et les subventions n'arrivent plus qu'au compte-gouttes à cause du zèle de certains fonctionnaires et malgré les ententes convenues avec trois ministres. Conséquence directe: ses dernières productions sentaient à plein nez le bout de ficelle et l'huile de bras. Les problèmes de la compagnie ont commencé en 2003 alors que les programmes touchant la culture scientifique sont passés du ministère de la Culture et des Communications à celui du Développement économique, Innovation et Exportation... où les aides pour une compagnie de théâtre faisant la promotion de la culture scientifique ne sont pas légion, disons. Depuis ce moment, c'est la croix et la bannière, et toute l'équipe du Petit Chaplin rue dans les brancards pour faire reconnaître ses droits à l'existence. La bonne nouvelle, c'est que Pollender et son équipe refusent se faire tirer le tapis de sous les pieds. Ils ont plein de projets en chantier, sont en pleine campagne de financement et ils organisent une soirée-bénéfice la semaine prochaine, mercredi 13 décembre à 21h, au Petit Medley. L'événement se tiendra sous la présidence d'honneur de Christian Bégin et de Sylvie Legault et réunira des noms prestigieux comme ceux de Jamil, Luc de Larochelière, Gilles Vigneault, Nancy Dumais, Richard Desjardins et plusieurs autres. Vous êtes, bien sûr, chaudement invités à venir entendre tout ce beau monde. On peut obtenir plus d'informations au 514 845-8921.

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En vrac

- L'événement Becket se poursuit au Théâtre français du CNA. Après le colloque Becket de l'Université d'Ottawa et la présentation de Comédie, cette fantasmagorie de Denis Marleau sur le texte du dramaturge irlandais, voilà que l'on présente Prisonniers de Becket du cinéaste Michka Saäl, le vendredi 8 décembre à 18h et que, du 12 au 16 décembre, En attendant Godot du Théâtre de la Bordée s'amènera dans la mise en scène fort acclamée de Lorraine Côté. Tous au CNA!

- Les choses vont très bien pour le Théâtre Galiléo qui vient de rajouter une série de six représentations supplémentaires de Monsieur Malaussène au théâtre, de Pennac, dans la petite salle intime du Prospero. On se renseigne au 514 526-6582.

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