Et puis euh - Un tour de machine

Reconnaissons quand même qu'ils savent être divertissants quand ils s'y mettent, nos libéraux fédéraux. Un suspense de tous les diables, qui met plus de temps à se dénouer que la dernière minute d'un match de basketball (environ trois heures). C'est pas mêlant, on avait l'impression qu'à tout moment l'action était sur le point de reprendre et que quelqu'un arrivait et criait «time out», et que tout le monde allait se rasseoir, et qu'on gossait encore juste pour le plaisir de gosser. En plus, ils savent même pas compter: 4605 votes valides au dernier tour, et ils ont dit que la majorité absolue était de 2304, alors qu'elle était de 2303. On ne les laisserait pas s'occuper d'un match en prolongation, nos libéraux fédéraux.

Mais ils ont terminé juste à temps pour le match de hockey, ce qui tend à montrer qu'ils possèdent un certain savoir-vivre, à moins que, comme il s'agissait d'un affrontement Toronto-Montréal, il ne s'agisse d'une autre preuve de ce que l'Ontario et le Québec contrôlent tout dans cette foutue fédération (l'Ouest jouait seulement à 22h, vous voyez bien). Et le plus marrant, c'est qu'ils se sont fourvoyés d'aplomb, nos libéraux fédéraux. Non pas que le nom Dion ne soit pas un irréfragable sceau de qualité apposé sur une oeuvre quelconque, mais il y avait un seul candidat dont la personnalité, l'expérience, les états de service, le courage dans l'adversité et la prestation générale auraient dû emporter l'adhésion. Il est évidemment question ici de Ken Dryden, avec un dossier de 225 victoires, 50 défaites et 61 nulles, six coupes Stanley, et le seul joueur de hockey, ancien ou actuel, à écrire un livre sur le hockey qu'il a vraiment écrit lui-même, ce qui n'est pas peu dire en cette ère de déplorables «propos recueillis par» et autres «tel que raconté à».

(Remarquez, peut-être que Dryden aurait connu plus de succès s'il avait tout du long emprunté l'approche hockey, le hockey étant, n'est-ce pas, le ciment en béton de l'identité canadienne, la Crazy Glue intermulticulturelle, l'agar-agar qui fait prendre la grande gélatine sur glace de nos espoirs collectifs en tant que nation(s). Une approche semblable à celle-ci. Il s'approche du micro, une serviette autour du cou, le visage en sueur: «Écoute eee, c'est sûr qu'eee, j'pense qu'eee, et puis eee, faqu'eee, ouan eee.» Nos libéraux fédéraux auraient sûrement aimé ça, eux qui détestent qu'on fasse dans la doctrine et préfèrent les grands principes généraux qui plaisent à tout le monde parce qu'ils ne veulent rien dire.»)

Mais bon, on n'est pas ici pour parler politique, hum? Non, chers amis, quoiqu'il eût été intéressant de poursuivre dans cette voie en songeant qu'un seul ministre conservateur s'est tenu debout comme un seul homme fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui en démissionnant du cabinet sur la question de la nation, et qu'il s'agissait du ministre des Sports. Pas celui de la finance, messieurs dames, ni de l'héritage canadien, ni du transport, ni de la porte d'entrée de quelque chose, non, le ministre des Sports. Certes, vous ne saviez pas jusque-là et moi non plus que Michael Chong était ministre des Sports, mais comme départ fracassant, c'était quelque chose à voir. Vous dire, ça m'a rappelé un autre Dion, Michel celui-là, le gardien des Nordiques qui, lors de la saison 1980-81, avait quitté son filet au beau milieu d'un match face au Boston parce qu'il était écoeuré. Comme quoi toute est dans toute.

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O.K., assez de politique, voyons plutôt ce qu'il se passe de sérieux sur la planète, en commençant par l'Idaho. Il y a quelques jours, deux employés de l'aréna Idaho Ice World, situé dans la capitale Boise, ont été congédiés parce qu'ils se sont rendus au service à l'auto du Burger King local... en pilotant chacun une Zamboni.

Il était minuit trente le 10 novembre dernier lorsque les deux lurons, des employés temporaires dont l'identité n'a pas été révélée, ont décidé d'utiliser les célèbres surfaceuses pour s'aller procurer un petit Whopper. L'histoire ne dit pas si les compères ont été servis au restaurant, mais toujours est-il qu'un citoyen qui faisait le plein à une station-service située non loin du Burger King s'est étonné du spectacle et a immédiatement communiqué avec les autorités.

Au total, ils ont parcouru environ deux kilomètres et demi à une vitesse de huit kilomètres/heure. Selon des sources, les machines Zamboni n'ont pas été endommagées — le remplacement d'une lame peut coûter jusqu'à 10 000 $US —, mais les loustics, qui voulaient semble-t-il simplement s'amuser, pourraient, en plus de leur mise à la porte, être accusés de conduite d'un véhicule non immatriculé sur la voie publique.

Le directeur du service des parcs de Boise, Jim Hall, a indiqué qu'«en 35 ans de service, c'est l'une des cinq choses les plus stupides qu'il m'ait été donné de voir». Il n'a cependant pas précisé en quoi consistaient les quatre autres.

Si vous me permettez au passage un léger commentaire, ce n'est cependant pas si fou que ça. Personnellement, c'est un rêve de toujours que de prendre le volant d'une Zamboni et de la lancer dans la circulation urbaine à l'heure de pointe, juste pour écoeurer les gens et pour rappeler toute l'importance symbolique du hockey dans notre culture plurinationale. Et ne venez pas me dire que vous n'avez pas aussi un jour songé à ça, tout en notant alors que vous étiez à l'aréna que le chauffeur de la surfaceuse avait omis de passer à un certain endroit et que cela laissait un spot usé qui ne faisait pas propre et ça vous énervait.

Cela étant, les services à l'auto de restauration rapide semblent avoir un ascendant foudroyant sur la fibre délinquante du monde du sport. En août dernier, l'entraîneur de la ligne défensive des Lions de Detroit, Joe Cullen, a été arrêté après qu'il se fut présenté au comptoir à l'auto d'un Wendy's dans sa Ford Explorer... flambant nu. Il n'a émis aucun commentaire obscène ni n'a fait aucun geste inapproprié, a témoigné la jeune fille qui travaillait là ce soir-là, il était juste tout nu. Cullen, qui a été accusé d'indécence, n'a pas encore expliqué pourquoi il a fait cela.

Mais la Zamboni, reconnaissez que c'est tentant...

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jdion@ledevoir.com

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