Un pruneau dans le buffet

Un réseau de télévision canadien public de langue anglaise a eu la brillantissime idée de réaliser une série portant sur la Crise d'octobre 1970 dans laquelle les membres du Front de libération du Québec se parlent entre eux en anglais.

«Pas juste entre eux. À un journaliste de CKAC et à la police aussi», a tenu à rectifier un porte-parole de la télévision canadienne publique de langue anglaise. «Il ne faut pas oublier qu'avant le bill one-o-one, les choses se passaient en anglais au Québec, comme il se doit, y compris les dialogues entre des terroristes séparatistes.»

L'idée est d'autant plus géniale qu'elle permet au téléspectateur canadien public de bien voir que cet épisode trouble de l'histoire du pays avait la langue pour fondement fondamental, les felquistes étant frus parce qu'ils n'arrivent à parler l'anglais qu'avec un accent gros comme le gras.

Selon un spécialiste, on a déjà vu auparavant des films et des téléséries se déroulant dans une langue n'ayant rien à voir avec la réalité. «C'est vrai pour les versions originales, c'est aussi vrai pour les traductions. Par exemple, j'ai récemment visionné une production états-unienne doublée en France où un gangster du ghetto de Detroit s'exclame: "Putain, tu allonges le pèze ou je te loge un pruneau dans le buffet, fumier." Cela a de quoi décoiffer, mais bon, on se dit qu'il faut que les gens comprennent et, en général, les commerçants d'oeuvres pensent que leurs clients sont trop paresseux pour vouloir et trop niaiseux pour pouvoir lire des sous-titres. Vous savez, j'ai eu une grosse journée au bureau, et là j'ai besoin de décrocher, et je vais pas commencer à faire des affaires comme lire, surtout que ça va ben trop vite», a commenté le spécialiste.

Cependant, a-t-il poursuivi, il est plus rare qu'on fasse parler des personnages dans une autre langue que la leur à 98 % tout en conservant des bribes dans leur langue naturelle dans une proportion avoisinant les 2 %. «C'est rare, parce que cela rend l'ensemble complètement ridicule», a déclaré le spécialiste. «Deux gars qui se parlent pendant cinq minutes en anglais puis qui disent "Nous vaincrons" en français, ça ne fait pas sérieux. En revanche, c'est peut-être ça, le bilinguisme officiel dessiné par Ottawa: un mot de français au quart d'heure pour éviter que les gens veuillent se séparer.»

Au réseau de télévision canadien public, on a fait valoir que le titre même de la série October 1970 est bilingue «puisque "1970" est un mot français».

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Le lancement cette semaine d'un nouveau magazine de filles a mis en lumière une réalité consternante: il manque cruellement de magazines de filles sur le marché.

«En raison du nombre largement insuffisant de magazines de filles sur le marché, les filles sont victimes de discrimination car elles sont moins informées que les autres catégories de population», a dit une fille. «Et ce qui est très grave, c'est qu'elles sont moins informées sur des sujets extrêmement importants: quelle couleur de cheveux sera à la mode à l'automne 2009, pourquoi les gars ne parlent pas, le pouvoir amaigrissant de la volonté, les conseils beauté, les difficultés sentimentales de Julia Roberts et pourquoi les gars ne parlent pas pour rien dire autant que les filles.»

Selon une source, le marché serait capable d'accueillir et de faire vivre jusqu'à 500 000 magazines de filles en raison de la diversité des sujets qu'ils abordent. Mais il y en a beaucoup moins — environ 499 000 — pour des motifs difficiles à cerner.

«En tout cas, ce n'est sûrement pas parce que le marché publicitaire est saturé», a ajouté une autre fille. «N'oublions pas qu'il n'y a que dans les magazines de filles qu'on trouve le sommaire en page 93 parce que le magazine commence, après la couverture où on retrouve le mot "sexe", par 91 pages d'annonces, dont les trois quarts de mascara.»

Selon une source, le prochain magazine de filles à voir le jour, dans une semaine ou deux, s'appellera Fille extrême et dira aux filles comment être encore plus des filles en achetant plein de patentes inutiles.

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Un gouvernement fédéral s'est engagé à réduire le taux de pollution général tout en ne faisant strictement rien.

«Parfaitement, nous allons réduire le taux de pollution tout en augmentant la croissance économique, en n'écoeurant pas nos amies les entreprises qui produisent de la richesse et en pratiquant le laisser-faire, une doctrine qui a plus qu'éloquemment fait ses preuves au cours des derniers millénaires», a déclaré le gouvernement fédéral avant d'annoncer qu'il allait créer à ce sujet un comité consultatif provisoire transitoire chargé de gosser jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour s'attaquer à la pollution anyway.

Selon le gouvernement fédéral, il est tout à fait possible de réduire la pollution tout en ne faisant rien. «Prends par exemple une cheminée qui fait de la boucane. Quand la cheminée fait de la boucane, au début, ça fait un maudit gros nuage de boucane. Puis, au bout de quelques secondes, tu ne vois plus la boucane. Ça, mon chum, ça veut dire que la boucane a disparu. Ça veut dire que là où l'air était sale, l'air est maintenant propre. L'air est capable de se dépolluer tout seul, mon chum. Y a pas besoin de nous autres. Même qu'on pourrait lui nuire si on s'en mêlait, je te dis. Le mieux, c'est de ne rien faire. La nature montre une capacité formidable à s'occuper

d'elle-même», a dit le fédéral.

Le gouvernement fédéral a ajouté que personne ne devrait se surprendre de cette approche puisque, dans une foule d'autres domaines, il ne fait rien non plus. «En huit mois d'exercice, nommez-moi une seule chose que j'aie faite. Vous voyez bien que vous n'êtes pas capable. À part laisser nos gars mourir pour la paix en Absurdistan et ne pas savoir à quoi sert au juste le bois d'oeuvre, on n'a rien foutu. Et c'est correct de même: les gens n'aiment pas que le gouvernement se mêle de ce qui ne le regarde pas. Les compagnies qui créent de la richesse non plus», a-t-il dit.

Cela n'empêche cependant pas le gouvernement fédéral de travailler en diable de la caboche. Ainsi, en matière de pollution, il a élaboré un tout nouveau concept évoquant le fait qu'il sommeille sur l'interrupteur: l'environronnement.

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