Dichotomie entre le marché boursier et l'économie
Il ne se passe pas deux jours sans que le mot «récession» soit mentionné dans l'un ou l'autre de nos journaux. L'économie au sud de notre frontière ralentit. Surtout le secteur immobilier. L'appréciation des propriétés a été le principal catalyseur aux États-Unis de la croissance des dépenses de consommation au cours des cinq dernières années. Maintenant, la vapeur se renverse. Plusieurs régions du pays enregistrent un recul des prix des propriétés. Un tel recul menace le pouvoir d'achat des Américains. Effet d'ailleurs déjà perceptible alors que les dépenses de consommation aux États-Unis n'ont crû que de 0,1 % en août, elles qui, le mois précédent, avaient bondi de 0,8 %.
Au Canada, l'économie montre aussi des signes d'essoufflement. Le PIB n'a progressé que de 0,2 % en juillet. Sur une base annuelle, cela donne une progression de 2,5 %, ce qui est en deçà du taux de croissance potentiel à long terme du pays.Des indices près de leurs sommets
Une chose est curieuse cependant: le marché boursier semble faire une tout autre lecture de l'activité économique. Les indices boursiers flirtent en effet avec leurs sommets d'il y a six ans. C'est ainsi que le Dow Jones a clôturé la session de la semaine dernière à 11 850, soit à moins de 60 points de son sommet de tous les temps de 11 908, atteint en 2000. L'indice plus large S&P 500 (il comprend les titres de 500 entreprises) a terminé la semaine à 1350, alors que son sommet de tous les temps est de 1498.
Mais que voit donc le marché boursier pour se comporter de la sorte? Certes, il constate comme tous les experts le ralentissement de l'activité économique en Amérique du Nord. Mais il voit également les baisses de taux à venir advenant que le ralentissement économique s'accentue. Déjà, les taux hypothécaires ont amorcé une nouvelle tendance à la baisse. Le rendement des obligations à long terme est passé en quelques semaines de plus de 4,9 % à 4,7 %.
Le marché boursier voit également la baisse du prix du baril de pétrole et de l'essence. Ces baisses de prix sont de nature à stimuler la consommation. D'ailleurs, l'indice de confiance du consommateur mesuré par l'Université du Michigan est passé de 82 en août à 87 en septembre.
Enfin, le marché immobilier semble se stabiliser. Après avoir enregistré de forts reculs sur tous les fronts, voilà que les ventes de maisons neuves ont bondi de 4,1 % en août.
Certes, le ralentissement économique au sud de notre frontière est bien tangible. Mais de là à dire que récession il y aura, il y a un grand pas à faire que le marché boursier ne semble pas prêt de franchir.
Des firmes américaines riches en liquidités
Au-delà des statistiques et données précédentes, il y a peut-être une autre raison qui explique cette dichotomie entre le marché boursier et l'allure plutôt morose de l'économie: la solidité des grandes compagnies américaines composant l'indice Dow Jones. Des compagnies comme Pfizer, Groupe Altria, General Electric, Johnson & Johnson, Exxon Mobil, etc., tirent de leur exploitation des flux de trésorerie gigantesques. Leur bilan affiche une encaisse dans certains cas riche de plusieurs dizaines de milliards de dollars américains.
Avec autant de liquidités, plusieurs de ces grandes compagnies ont amorcé depuis plusieurs années le rachat systématique de leurs actions pour des fins d'annulation. Elles ont dans bien des cas augmenté leur dividende beaucoup plus rapidement que l'inflation. En fait, sur les 30 grandes compagnies composant l'indice industriel Dow Jones, 27 accordent un taux de dividende annuel de plus de 1 % à leurs actionnaires. À titre de comparaison, parmi les 60 grandes firmes composant l'indice TSX 60, seulement la moitié versent un taux de dividende de plus de 1 % à leurs actionnaires alors que 12 d'entre elles ne versent rien.
Un dernier facteur pouvant expliquer cette dichotomie: la croissance de l'économie mondiale. Certes, elle décélérera au cours des douze prochains mois. Mais elle demeurera tout de même autour de 4 %, alors que les économies des pays asiatiques, de l'Europe de l'Est et de l'Inde maintiendront une bonne cadence. Or plusieurs grandes firmes composant le Dow Jones tirent près de la moitié, et parfois plus, de leurs ventes des exportations. Ces entreprises sont donc en mesure de faire face au ralentissement de l'économie interne de leur pays, surtout si le dollar américain doit reculer davantage sur le marché des changes.
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