Photojournalisme professionnel et amateur : le public voit-il la différence?

Photo: Poynter Institute
L’exercice de la photographie, comme mode de documentation du présent, a beau se démocratiser, il semble en être tout autrement du talent et de l’art de bien capter et faire parler ce présent dans un cadre.
 
C’est en tout cas ce que souligne une étude américaine qui vient de soumettre les univers professionnels et amateurs du photojournalisme à l’œil du public, avec une conclusion qui devrait plaire aux Jacques Nadeau et Bernard Brault de ce monde : la photo de presse est encore largement appréciée et même reconnue du premier coup par le consommateur d’informations, et ce, peu importe la concurrence et le mélange des genres induit par les mutations en cours.
 
Au total, 100 photos produites par des pros de l’info et 100 autres issues de ce qu’on appelle le journalisme citoyen ou le réseautage social ont été présentées à 52 consommateurs ordinaires de nouvelles par Sara Quinn, spécialiste de la recherche en information visuelle au Poynter Institute. L’exposition à ces clichés s’est jouée en mai dernier à l’Université du Minnesota dans un cadre technique très particulier : le mouvement des yeux des cobayes sur ces photos était mesuré et enregistré en temps réel par un système de suivi oculaire, ce que les Anglos appellent «Eye Tracking Device».


Et le bilan ne laisse guère de place à l’interprétation…

Ainsi, dans 90 % des cas, les participations ont discriminé du premier coup les photos provenant du monde professionnel de celles issues de l’univers «citoyen», résume la scientifique qui, il y a quelques jours, a revisité son étude dans le cadre d’un atelier tenu au festival hybride et techo-tendance South by Southwest. C’est également sur les photos de pros que les yeux sont restés posés le plus longtemps — en moyenne, le double du temps consacré aux autres photos —, comme pour mieux les contempler.
 
L’étude a tout pour faire plaisir aux photojournalistes puisqu’elle nous apprend également que les 20 photos mémorables sur les 200 présentées ont toutes été produites par des pros. Mieux, dans l’ensemble, le fruit de leur travail et l’inclinaison particulière de leurs regards a davantage séduit le public qui a partagé plus facilement les images des pros avec des amis en ligne que celles des amateurs, indique l’étude.
 
Une étude qui une nouvelle fois révèle, comme du chimique dans le grand bac des temps qui changent, que si la technologie permet aujourd’hui à un grand nombre de faire des photos qui montrent, une minorité seulement reste en mesure de se servir de cette même technologie pour faire des photos qui racontent.

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