Roy Dupuis se fait acheter par un robot

C'est le cynisme et la superficialité numérique poussés à leur extrême. Depuis novembre, un jeune programmeur de la région de Boston, aux États-Unis, demande à un bot informatique — un robot virtuel — d'effectuer pour lui, au hasard, des achats en ligne sur le site Amazon. La chose vise à démontrer pas grand chose, mais surtout la futilité qui accompagne souvent la surconsommation, y compris quand elle s'exprime dans les univers numériques. Une surconsommation qui d'ailleurs lui a permis de mettre la main, grâce à son robot, sur l'exécrable DVD du film de science-fiction Screamers mettant en vedette Roy Dupuis. Entre autres.
L'aventure, baptisée Random Shopper, s'expose bien sûr dans les univers numériques. Elle est pilotée par Darius Kazemi, l'homme derrière ce bot qui chaque mois est chargé de dépenser 50 $ sur Amazon, dans la section des livres, disques et DVD uniquement.Comment ça marche? Le robot virtuel, gère tout seul son compte Amazon et choisit chaque mois des produits en lançant des recherches à partir de mots clefs choisis au hasard dans l'API Wordnik, un dictionnaire en ligne.
Dans la liste des propositions qui se présentent à lui, le bot achète le premier item qui entre dans son budget. S'il reste de l'argent, un deuxième produit est alors acheté et ainsi de suite. Le tout est envoyé par la poste à Kazemi qui découvre alors les «choix» faits par sa «machine, en ouvrant ses colis.
Et qu'est-ce que ça donne? La première livraison a été troublante, raconte-t-il sur son site, le bot ayant commandé La linguistique cartésienne de Noam Chomsky, un recueil qui rassemble les textes de conférences données par le grand penseur américain en 1965. Il y a avait également dans une autre boite une compilation de deux oeuvres d'Ákos Rózmann, un musicien hongrois majeur, mais franchement dans la marge, spécialiste du minimalisme, de l'aléatoire et des boucles sonores. Bref, un auteur «connu pour avoir modélisé l'esprit humain et une musique terriblement mécanique», choisis par un robot virtuel. «Ça fait peur», ajoute-t-il.
En décembre, la même procédure lui a rapporté The Oxford History of World Cinema, un dictionnaire respectable, le film de série B qui l'est moins Screamers — dans lequel Roy Dupuis s'est perdu en 1995 — ainsi qu'un guide religieux et protestant de préparation à la communion religieuse.
Et ce délire de consommation se poursuit. La commande de janvier a été passée par le robot le 4. Le résultat, tout en exposant la même dérive du web et des nouvelles pratiques numériques que les achats précédents, peut malgré tout être découvert ici.