Marché de l'emploi: le curriculum vitæ déclassé par le portrait numérique des candidats

Scène du film Working Girl (TCF)
Photo: Scène du film Working Girl (TCF)

Ça devait arriver! En matière de recherche d'emploi, le bon vieux curriculum vitæ vient de prendre un coup de vieux. À preuve, cette récente campagne de recrutement pour combler un poste d'analyste financier au sein de la compagnie d'investissement Union Square Ventures (USV) aux États-Unis. Particularité de la démarche: les candidats n'étaient pas invités à envoyer leur CV, comme dans le bon vieux temps, mais plutôt de transmettre une série de liens aptes à définir le «portrait numérique» qu'ils se sont construit au fil du temps dans le cyberespace. Les temps changent et les preuves en sont parfois étonnantes.

C'est le Wall Street Journal qui lève le voile sur cette mutation. En prise directe avec son présent, USV — qui connait bien l'économie numérique et les transformations sociales qu'elle induit pour avoir investi dans Twitter, Foursquare, Zynga et autres jeunes pousses technologiques — veut en effet connaitre de plus en plus l'état de la présence sur la Toile de leurs futurs employés, plutôt que les détails de leurs expériences de vie sur papier.

Outre les liens Internet pour témoigner de sa «présence sur le web», comme son compte Twitter, sa page Tumblr et autres lieux d'expression en format binaire, une petite vidéo dans laquelle les aspirants analystes devaient motiver leur candidature était également réclamée.

Sur son blogue, Christiana Cacioppo, employé de l'Union Square Ventures résume d'ailleurs très bien la nouvelle stratégie d'embauche de son employeur en expliquant que le curriculum vitæ ne livre pas assez «d'informations en profondeur sur un candidat». La jeune femme s'est d'ailleurs pliée elle-même à l'exercice en présentant son blogue personnel, son fil Twitter, sa page LinkedIn, ses collections de photos en ligne, dont plusieurs témoignant de ses vacances passées, comme arguments de vente pour décrocher son emploi au sein d'USV. «Nous sommes aujourd'hui plus intéressés par l'image des personnes, par ce qu'ils pensent», écrit-elle.

Entre l'être et le paraître, l'époque confirme de plus en plus le choix qu'elle est en train de faire. Un choix étonnant d'ailleurs à l'heure où le politique cherche dans certains coins du globe à mieux baliser les frontières entre l'espace public et l'espace privé, frontières que la numérisation des rapports sociaux tend à déplacer, voire à faire disparaitre.

L'Europe cherche d'ailleurs à donner le ton en la matière avec le dépôt aujourd'hui d'un projet de directive et de règlement qui vise à redonner aux citoyens le contrôle sur leur vie numérique et surtout à mieux régir l'usage des informations personnelles fait par les entreprises privées.

Signe des temps, le document propose d'interdire la collecte et l'utilisation de photos personnelles puisées sur Facebook et autres réseaux sociaux par des employeurs, rapporte la RTBF. Les autorités européennes veulent également institutionnaliser le «droit à l'oubli» où la capacité pour un internaute de demander à une entreprise qu'elle efface toutes les informations personnelles collectées sur lui. Une chose impossible à l'heure actuelle et qui finalement pourrait bien couper court à une mutation en train d'éclore dans le monde de l'emploi.


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