Le pouvoir de la serviette

Pour la troisième année consécutive, les Canucks de Vancouver et les Blackhawks de Chicago ont rendez-vous en séries. Les deux dernières fois, les Hawks l'ont emporté en 6 matchs. 

Mais une grande tradition est née à l'occasion d'une autre série entre les deux clubs. En 1982, Vancouver et Chicago sont d'étonnants participants à la finale de l'Ouest.

Pour suivre le fil des événements, il faut remonter à une joute de fin de saison régulière présentée à Québec, les Nordiques accueillant les Canucks. Pendant le match, une échauffourée survient lorsqu'un spectateur s'en prend physiquement au dur à cuire des Canucks, Dave «Tiger» Williams, qui participe à une mêlée le long de la rampe. L'entraîneur-chef Harry Neale et quelques-uns de ses joueurs sur le banc vont dans les gradins et se mêlent à l'altercation (vidéo du bas).

Résultat: Neale est suspendu pour huit matchs par la Ligue nationale, les quatre derniers de la saison régulière et les quatre premiers des séries. Il confie donc les rênes à son adjoint Roger Neilson.

Les Canucks font très bien sous la gouverne de Neilson, balayant notamment les Flames de Calgary au premier tour, de telle sorte que Neale, qui s'apprête à prendre le poste de directeur général, décide de le laisser poursuivre le travail même si sa propre suspension est terminée. Sous Neilson, les Canucks éliminent ensuite les Kings de Los Angeles pour se retrouver face aux Hawks en demi-finale.

Vancouver gagne le premier match à Chicago, mais lors de la deuxième rencontre, les choses se gâtent. En deuxième période, l'arbitre Bob Myers inflige quatre punitions de suite aux Canucks. À un moment donné, Neilson en a assez. Derrière le banc de son équipe, il place une serviette blanche au bout d'un bâton et brandit celui-ci dans les airs en signe de reddition... et de dérision. Quelques joueurs l'imitent.

Ce geste lui vaudra d'être expulsé du match et mis à l'amende. Mais Neilson ne sait pas encore qu'il vient de donner naissance à un véritable phénomène.

Les Canucks perdent cette partie, mais leur esprit de corps, et celui de leurs partisans, est décuplé par l'incident. À leur retour à Vancouver, les joueurs ne tardent pas à constater que les serviettes blanches pullulent dans la ville. Et au match suivant, des milliers de spectateurs en sont munis et les agitent dans les gradins.

Gonflés à bloc, les Canucks sortent les Hawks en 5 et s'en vont en grande finale, où ils s'avoueront vaincus en 4 par les puissants Islanders de New York, qui mettent la main sur leur troisième coupe Stanley consécutive.

Mais le Towel Power — qui a ses limites, puisque l'équipe n'a jamais gagné la coupe — était là pour rester, et près de 30 ans plus tard, les partisans des Canucks le vénèrent encore (vidéo du milieu, dernières secondes du match d'hier). Le phénomène s'est d'ailleurs répandu dans plusieurs autres amphithéâtres à travers la ligue, parfois avec des serviettes de couleur.

Quant au geste du regretté Roger Neilson, il a été immortalisé la semaine dernière avec l'inauguration d'une statue à proximité du Rogers Arena (photo ci-haut).

Et tout ça ne serait jamais arrivé, devait dire plus tard Harry Neale, s'il ne s'était porté au secours d'un gars (Williams) qui était bien capable de se défendre tout seul...






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