Cri du coeur pour le CSSDM en manque de personnel

Charles-Édouard Carrier
Collaboration spéciale
Les jeunes qui songent à devenir enseignants ont droit à un bien triste portrait de la profession en ce moment, déplore la présidente de l’Alliance des profs.
Graham Hughes La Presse canadienne Les jeunes qui songent à devenir enseignants ont droit à un bien triste portrait de la profession en ce moment, déplore la présidente de l’Alliance des profs.

Ce texte fait partie du cahier spécial Syndicalisme

Le sujet a été largement abordé lors de la récente rentrée scolaire. Et si le problème est relativement nouveau dans certains centres de services, il est connu et documenté depuis plus d’une dizaine d’années à Montréal. Dans un contexte électoral, où l’on assure faire de l’éducation une priorité, force est d’admettre que pour le moment, le milieu est touché de plein de fouet par une pénurie qui ne semble pas être sur le point de se résorber.

« Les rentrées sous le signe de la pénurie se sont aggravées au fil des ans. On sait qu’on débutera l’annéeavec des classes sans professeurs.C’est récurrent et c’est une réalité qui a des conséquences sur les élèves et le personnel. Pourtant, ça ne semble pas sonner de cloche du côté du gouvernement. On n’a pas encore vu de réelle volonté politique de changer les choses ni d’actions concrètes pour qu’on puisse freiner l’hémorragie », explique Catherine Beauvais-St-Pierre, présidente de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal (APPM).

Montréal, peu attractive ?

Selon elle, la métropole est victime de son insuccès : le problème d’attraction en enseignement général, auquel s’ajoute un défi encore plus grand : celui de la rétention. Si des gens quittent la profession enseignante dans toutes les régions, à Montréal, ils partent aussi pour d’autres régions.

« Ils continuent d’enseigner, mais ailleurs. Et il faut se demander pourquoi. C’est qu’il y a une réalité qui est différente à Montréal : élèves allophones, élèves HDAA (en situation de handicap ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage), milieux défavorisés. On a de grands défis à relever. Tout ça dans un contexte où l’on enseigne dans de vieilles écoles, alors que plus de 80 % sont vétustes. » Fontaines condamnées en raison de la mauvaise qualité de l’eau, bouts de plafonds ou de murs qui se détachent, de la brique qui tient avec de la broche ; c’est dans ce contexte que les professeurs de Montréal travaillent, rappelle-t-elle.

La pénurie de personnel s’inscrit donc dans un cercle vicieux : moins il y a de gens, plus c’est difficile pour ceux qui sont en place. Et face à cette réalité, on tente comme on peut de garder les gens. « Nos patrons du centre de services cherchentdes moyens de limiter la pénurie, et ça passe souvent par le refus d’accepter des disponibilités à temps partiel ou des retraites progressives, alors que c’est accepté ailleurs », résume Mme Beauvais-St-Pierre.

À l’heure actuelle, les élèves vivent avec plus d’instabilité en classe causée par les mouvements de personnel. Au quotidien, ce sont les plus vulnérables qui paient le plus cher dans ce contexte de pénurie.

Conséquences à long terme

« Chaque rentrée, c’est le jour de la marmotte. C’est une panique, on cherche des profs non légalement qualifiés, jusqu’au point d’avoir au moins un adulte responsable par classe […]. Il y a des gens au gouvernement qui n’ont pas le goût de voir la réalité en face. C’est assez inquiétant. » Mais ce qui dérange le plus, outre cette impression de déjà-vu, c’est l’effet à long terme qui risque de se faire sentir sur toute une génération de futurs professeurs.

Les jeunes qui songent à devenir enseignants ont droit à un bien triste portrait de la profession en ce moment, et c’est ce qui préoccupe la présidente. « La situation actuelle n’est pas propice à attirer des gens. On risque d’avoir des écoles avec de moins en moins de profs formés. Je salue les gens qui acceptent de venir prêter main-forte au milieu de l’éducation, mais le fait est que lorsque l’on fait un baccalauréat de quatre ans pour enseigner, on arrive en classe avec un bagage et des outils. »

De 2018 à aujourd’hui

Dans un bulletin d’information syndicale datant du 5 février 2018 disponible sur le site Web de l’Alliance des profs, on qualifiait la crise de pénurie de personnel au Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) de « problème grave » et « du jamais vu ». Cet éditorial, signé par Catherine Renaud, prédécesseure de l’actuelle présidente, aurait pu être écrit aujourd’hui.

Qu’est-ce qui a changé, outre une pandémie, entre 2018 et la rentrée de 2022 ? Peu de choses. Aux yeux de Mme Beauvais-St-Pierre, certains gains de la plus récente convention collective sont un pas dans la bonne direction, mais elle doute que le gouvernement actuel réalise l’ampleur du problème.

Voir l’éducation autrement

Valoriser la profession et respecter l’autonomie professionnelle sont des pistes de solutions à privilégier, selon elle. « Ça prend plus qu’un bon contrat de travail, ça prend une vision politique qui est différente de celle qu’on a actuellement. Mais pour l’instant, on ne voit pas la lumière au bout du tunnel. »

Parmi les solutions, elle parle également de se donner les moyens pour que l’école publique soit à la hauteur de ce à quoi les élèves, les professeurs et le personnel devraient avoir droit comme milieu d’éducation et de travail.

D’un point de vue national, on cherchera cette année à obtenir des gains qui s’orchestreront autour des conditions d’exercice des professeurs. Mais plus spécifiquement pour l’APPM, où le problème de rétention et d’attraction est encore plus grand, Catherine Beauvais-St-Pierre espère que l’on amène des avantages auxquels d’autres centres de services ont droit, tels que des retraites progressives ou des mandats à temps partiel.

« Il faut aussi reconnaître l’école montréalaise pour ses besoins différents. Pour y arriver, le gouvernement doit démontrer sa volonté de rendre non seulement la profession attra-yante, mais de la rendre attrayante à Montréal. Faute de quoi la pénurie pourrait se résorber ailleurs au Québec, mais pas au CSSDM. » 

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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