La FTQ débarque dans le taxi

La Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) repart à la conquête de l'industrie du taxi. Le Fonds de solidarité de la FTQ a été le premier à sonner la charge, hier, en annonçant l'investissement de 50 millions dans une société de financement visant à aider les chauffeurs à acheter des permis. L'initiative, qui se veut une réponse à l'un des plus graves problèmes dans le secteur, sera bientôt suivie d'une série d'autres annonces.
«Ça fait plusieurs années, à la FTQ, que nous travaillons avec le Syndicat des métallos pour réorganiser l'industrie du taxi au Québec, a rappelé hier le président de la FTQ, Henri Massé. Les problèmes y sont immenses.» Outre l'état pitoyable de la flotte et un niveau de revenus qui force les chauffeurs à travailler de trop longues heures, il note les taux de financement «exorbitants» qui sont imposés à ceux qui veulent acheter un permis.Il en coûterait présentement entre 80 000 et 140 000 $ pour acheter un permis de taxi et l'automobile qui s'y rattache à Montréal. Dans le meilleur des cas, les institutions bancaires n'acceptent de financer que 75 % de cette somme, obligeant le chauffeur de taxi à s'en remettre, pour le reste, à un «obscur» financement privé qui prend trop souvent la forme de prêts usuraires dont le taux peut atteindre 25 % et qui aggrave d'autant les conditions financières, et donc les conditions de travail des chauffeurs.
Dans un pareil contexte, la nouvelle société en commandite FINTAXI créée par le Fonds de solidarité n'aura pas de mal à améliorer le sort des chauffeurs tout en présentant de bonnes perspectives de rendement aux actionnaires, explique son p.-d.g., Pierre Genest. On s'attend d'ailleurs à connaître un tel succès avec ce fonds qu'on laisse entendre que la mise de départ de 50 millions pourrait bien être multipliée par cinq durant les prochaines années et atteindre 250 millions si des institutions bancaires acceptent de se joindre au projet.
Celui-ci, explique-t-on, vise particulièrement à venir en aide aux chauffeurs-locataires considérés comme «les plus exploités dans l'industrie» du fait qu'il leur est tellement difficile de se constituer un capital. Il ne pourra toutefois pas avoir d'impact sur le nombre total de permis émis, qui reste sous le coup d'un moratoire gouvernemental.
Selon les plus récentes statistiques, il y aurait environ 18 000 chauffeurs de taxi au Québec, dont 68 % seraient locataires. On compterait 7035 permis réguliers de taxi, dont 5157 détenus par des titulaires n'ayant qu'un seul permis. Il se transigerait entre 700 et 800 permis en moyenne par année.
D'autres mesures
La mesure annoncée hier par le Fonds de solidarité ne tardera pas à être suivie par d'autres initiatives tout aussi intéressantes pour les chauffeurs, a tout de suite fait savoir le directeur québécois du Syndicat des métallos (FTQ), Michel Arsenault. Profitant de la création de la toute nouvelle Association professionnelle des chauffeurs de taxi du Québec (APCT), le syndicat se prépare notamment à offrir à ses membres un programme d'achat collectif leur permettant d'acheter à rabais leur voiture, les pièces de rechange ou l'essence. On pense également à un programme d'assurance collective, à un service d'aide juridique et même à des cours pour devenir de meilleurs guides touristiques.
Après plus de 15 ans de lutte, les Métallos disent avoir maintenant fait leur deuil du rêve de syndiquer le monde du taxi au Québec. Ils affirment vouloir aujourd'hui améliorer le sort des chauffeurs par tous les autres moyens à leur disposition. «On comprend que les chauffeurs de taxi ne seront jamais des syndiqués dans le sens du Code du travail, explique Michel Arsenault. Mais on croit être capable d'être le convoyeur de services pour l'Association professionnelle des chauffeurs de taxi.»
Créée à l'automne dernier par la loi 163 en dépit de l'opposition virulente des 57 ligues de propriétaires de taxi aujourd'hui démantelées, l'APCT doit réunir l'ensemble des chauffeurs, aussi bien propriétaires que locataires, dans le but de favoriser une meilleure coordination. Un peu plus de 4000 chauffeurs s'en seraient jusqu'à présent volontairement faits membres.
Les projets annoncés hier n'ont rien révolutionnaire, dit-on à la FTQ. La société FINTAXI sera confiée à un entrepreneur, Serge Masse, dont la compagnie Crédit-Bail Findeq offre déjà depuis une dizaine d'années ce genre de service aux camionneurs-artisans du Québec. Quant au programme d'achat collectif ou d'assurance collective, les Métallos les offrent déjà aussi aux camionneurs.
Campagne électorale
«Ça m'apparaît loin d'être de mauvaises initiatives, commente André Descôteaux, l'un des trois administrateurs nommés par le gouvernement à titre provisoire à la tête de l'APCT. Le taxi est une industrie très individualiste. Ce genre de projet de mise en commun peut certainement l'aider.»
Tout comme les annonces d'hier ne manqueront probablement pas d'aider les candidats identifiés à la FTQ dans l'élection des premières associations régionales et du premier conseil d'administration de l'APCT, qui doivent se tenir en septembre, note-t-il le sourire en coin.