Chiffres du chômage au Canada - L'emploi tient le coup
La création d'emplois a fait une pause au Québec en juillet, après un premier semestre historiquement vigoureux. Ce répit s'inscrit toutefois dans un ensemble canadien poursuivant sur une lancée favorisant l'augmentation du nombre de personnes se mettant à la recherche d'un emploi. Ce faisant, la détérioration du taux de chômage observée le mois dernier vient masquer un dynamisme qui a permis au marché du travail canadien de prendre ses distances par rapport aux États-Unis pour la première fois en dix ans.
Selon la dernière lecture de Statistique Canada, le Canada a inscrit une création nette de 23 000 emplois en juillet, l'essentiel des gains ayant été enregistré dans deux grands secteurs, celui de la santé et le secteur manufacturier, et dans le segment à temps plein. En revanche, le nombre de personnes se mettant à la recherche active d'un emploi a progressé de 39 300, ce qui a eu pour conséquence de faire passer le taux de chômage de 7,5 à 7,6 % entre juin et juillet.Cette donnée de juillet gonfle à 326 000 le nombre d'emplois créés au pays depuis le début de l'année, soit un rythme mensuel de 47 000 emplois. «Cela tranche nettement avec la situation observée aux États-Unis, où l'emploi stagne depuis cinq mois», a souligné l'agence fédérale. En fait, sur une base annuelle, le taux de croissance de l'emploi se chiffrait à 2,2 % au Canada le mois dernier, comparativement à une contraction de 0,8 % au sud de la frontière. De plus, «depuis octobre 2001, la proportion de la population active sur le marché du travail au Canada a bondi de un point pour atteindre un taux d'activité de 66,8 %. Il s'agit de la plus forte hausse sur dix mois depuis 1984. Par contraste, le taux américain a chuté. Il est maintenant inférieur au taux canadien pour la première fois depuis plus de dix ans», a renchéri Statistique Canada.
Parmi les segments ayant retenu l'attention le mois dernier, Statistique Canada a fait ressortir une hausse de 14 000 emplois dans la fabrication, ce qui porte les gains des sept premiers mois à 128 000, ou à 5,8 %. Ainsi, le secteur manufacturier employait 2,3 millions de personnes le mois dernier, un record, a mis en exergue l'économiste Stéfane Marion, de la Financière Banque Nationale.
De plus, la création nette de juillet a été comptabilisée dans l'emploi à temps plein (+36 000), contrastant avec un repli dans l'emploi à temps partiel. «Depuis le début de 2002, l'emploi à temps plein a augmenté de 235 000 (+1,9 %) et l'emploi à temps partiel s'est accru de 91 000 (+3,3 %).»
Ce dynamisme canadien ne s'est pas poursuivi au Québec, où le marché du travail a fait une pause le mois dernier après un premier semestre particulièrement vigoureux. Ainsi, l'agence fédérale a inscrit une perte nette de 15 000 emplois qui survient après six mois consécutifs de hausse qui ont produit 128 000 emplois. Le recul de juillet a principalement touché les jeunes et s'est concentré dans les commerces de gros et de détail. Ce repli, combiné à une contraction similaire du nombre de personnes à la recherche d'un emploi, a engendré une augmentation de 0,5 point du taux de chômage québécois, de 8,2 à 8,7 % entre juin et juillet, et une légère augmentation du taux d'activité chez les 15 ans et plus de 65,2 à 65,3 %. «Malgré le recul de juillet, l'emploi au Québec est demeuré en hausse de 3,2 % par rapport au début de l'année», a précisé Statistique Canada, soit un taux de croissance toujours supérieur à la moyenne canadienne (+2,2 %).
L'emploi a également peu varié en Ontario, une croissance de 28 000 emplois à temps plein s'opposant à une perte de 21 000 emplois à temps partiel. Compte tenu de la variation de la population active, le taux de chômage ontarien est passé de 7,1 à 7,2 % entre les deux mois de comparaison. «Jusqu'à présent en 2002, l'emploi en Ontario a affiché une tendance à la hausse (+1,2 %) qui demeure toutefois inférieure à la moyenne nationale.»
Bond du dollar
Les données de juillet ont surpris les analystes par leur vigueur. On pointe, notamment, en direction du secteur de la fabrication, qui ne semble pas encore subir les contrecoups de la reprise hésitante au sud de la frontière. N'empêche, le rythme mensuel de 47 000 emplois créés depuis le début de l'année ne pourra perdurer, les économistes anticipant un retour à une croissance plus modérée, avec des gains mensuels d'emplois revenant à 10 000 ou 20 000. «Le vacillement de l'économie américaine pourrait en effet finir par porter ombrage au secteur manufacturier canadien», a fait ressortir Hélène Bégin.
L'économiste du Mouvement Desjardins s'en remet cependant à la vitesse de croisière de l'industrie de la construction. «La tendance haussière des permis de bâtir laisse entrevoir que l'expansion de ce secteur se poursuivra, ce qui produira des retombées importantes dans le reste de l'économie. La construction résidentielle enregistre la plus vive croissance, alors que les mises en chantier se maintiennent au-dessus des 200 000 unités en juillet.»
L'attente d'une baisse de régime dans la création d'emplois, à une cadence plus soutenable, se vérifie dans les indicateurs précurseurs. Ainsi, l'indice de l'offre d'emplois de Statistique Canada, dévoilé jeudi, était en hausse de 0,5 % en juillet, mais en baisse de 13,9 % par rapport à juillet 2001. Il s'agissait d'un sixième mois consécutif de faible progression à la suite de 15 diminutions mensuelles observées de novembre 2000 à janvier 2002.
Si les données sur l'emploi de juillet ont surpris par leur tonus, elles ont été accueillies par un bond immédiat de 25 centièmes du dollar canadien. Vers midi, l'avancée du dollar face à sa contrepartie américaine atteignait 34 centièmes, à 63,65 ¢US. Ce bond traduit le contraste qui s'accentue entre l'activité économique des deux pays. Il s'inspire également de ces anticipations grandissantes relatives à une nouvelle détente monétaire aux États-Unis.
Sans être unanimes, les économistes se font plus nombreux à accorder une forte probabilité à une réduction des taux directeurs lors de la réunion de la Réserve fédérale de mardi afin de redynamiser une économie américaine balbutiante. Le taux sur les prêts interbancaires de la Fed se situe présentement à 1,75 % et un tel scénario, s'il se concrétisait, viendrait creuser l'écart avec le taux correspondant canadien. Le taux sur le financement à un jour de la Banque du Canada est passé à 2,75 % après trois hausses consécutives cette année. Les analystes pensent toutefois que, malgré la vigueur affichée par l'économie canadienne, l'hésitation au sud de la frontière forcera la banque centrale à faire une pause et à maintenir le statu quo lors de sa réunion du 4 septembre prochain.