Garderie bio

L'engouement pour l'alimentation biologique qui frappe actuellement le Québec risque sous peu de faire de «nouveaux petits». Des petits et petites frimousses, s'entend. La raison? Dès septembre, sous la houlette d'Équiterre, une garderie de Montréal va en effet succomber à la vague du manger sain et écologiquement correct en offrant à ses chères petites têtes blondes — et brunes! — une cuisine 100 % certifiée biologique.
Une première au Québec pour une initiative qui, espèrent les défenseurs de l'agriculture bio, devrait très vite séduire le reste des Centres de la petite enfance (CPE) ailleurs dans la province... «même s'il n'existe aucune garantie que les enfants qui participeront à ce projet-pilote soient certifiés bio pour autant un jour», dit en plaisantant Denise Goulet, directrice de la garderie Harmonie.L'idée est dans l'air du temps et semble également faire école dans plusieurs garderies en... Allemagne comme en Californie. «Mais au Québec, le virage bio dans les établissements scolaires ou préscolaires est encore bien loin d'être négocié», lance Frédéric Paré, coordonnateur du programme agriculture biologique chez Équiterre. Plus pour longtemps. Et Mme Goulet, dont la garderie est installée en plein coeur du Plateau Mont-Royal, en est très fière.
Normal. Car dès la rentrée prochaine, les poivrons farcis, les gratins de courgettes, les salades à l'orange et autres «cassolettes du jardin» quotidiennement servis à ses 75 bouches, affamées par des sessions intensives de bricolage ou de «peinture sur soi»,auront une nouvelle saveur. Une saveur certifiée biologique.
«C'était inévitable, explique-t-elle. Comme garderie, nous avons un rôle important à jouer dans l'enseignement des bonnes habitudes alimentaires comme du respect de l'environnement. Et puis nous offrons déjà le midi un régime 100 % végétarien. Depuis 1984. C'est d'ailleurs notre marque de commerce. Le changement ne devrait donc pas être trop difficile à assumer.»
Équiterre, l'organisme à l'origine de ce projet, est confiant. «Nous sommes en train de ficeler les derniers fils», explique M. Paré. Et les fils sont nombreux. Car pour être approvisionnée régulièrement en légumes bio, la garderie va devoir être jumelée — sur le principe de l'agriculture soutenue par la communauté (ASC) cher à Équiterre — avec une ferme certifiée biologique des environs de Montréal. Pour les fruits et les légumes de saison, soit de juin à février. «La période creuse, elle, devrait être comblée par d'autres maraîchers qui produisent sous serre ou encore par des produits importés. En dernier recours toutefois, car il faut avant tout encourager la production locale», poursuit-il.
Une production qui ne se retrouvera pas uniquement dans les assiettes des bambins, mais aussi au coeur de leur programme d'éducation. «Car le bio, c'est bien plus que dans les cuisines que ça se passe», dit Mme Goulet. Équiterre acquiesce. Son projet de «garderie bio» comprend aussi un volet éducatif important afin d'informer les jeunes comme leurs parents des tenants et aboutissants de cette ancienne forme d'agriculture, nouvellement remise au goût du jour. Au grand bonheur des enfants qui, régulièrement, devraient aller se «mettre au vert», à l'automne et au printemps, dans les fermes et les champs pour voir pousser ce qu'ils mangeront plus tard. «Mais aussi pour se sensibiliser au fait que le lait ne pousse pas dans des boîtes en carton à l'épicerie», lance Frédéric Paré.
Le projet est ambitieux. «Nécessaire aussi à l'heure où l'usage massif de pesticides soulève une multitude de questions sur la santé de nos enfants», indique M. Paré. Le «tout bio» fera-t-il une différence? «C'est ce que nous allons tenter d'évaluer une fois que le projet aura pris son envol, poursuit-il. La Direction de la santé publique de Montréal-Centre [DSPMC] devrait d'ailleurs participer pour voir si ce régime a un impact sur la santé des enfants ou encore sur les allergies alimentaires.»
Outre la DSPMC, Santé Canada et le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) ont également été approchés pour contribuer au financement de ce programme dont la facture totale est évaluée à 300 000 $ sur deux ans et pour lequel plusieurs autres garderies de Montréal ont manifesté leur intérêt.
En attendant, les loupiots de Mme Goulet, eux, vont jouer dans les prochains mois le rôle de cobayes pour cette première expérience. Tout comme leurs parents d'ailleurs, qui pourront également profiter de la garderie pour s'approvisionner en légumes et même en viandes certifiés biologiques au moment de récupérer leur progéniture. Histoire de poursuivre l'enseignement des bonnes habitudes alimentaires en dehors des heures normales de garde...