Une inconnue à la Cour suprême

Le premier ministre Jean Chrétien a annoncé hier la nomination de la juge québécoise Marie Deschamps à la Cour suprême du Canada, en remplacement de Claire L'Heureux-Dubé, qui avait quitté son poste en juin dernier après 15 ans à Ottawa.

À 50 ans à peine, Mme Deschamps devient la plus jeune juge du tribunal suprême du pays. Elle a accueilli sa nomination avec beaucoup de joie. «C'est LA cour au Canada où se discutent les grands enjeux légaux et sociaux, alors c'est un accomplissement», a-t-elle déclaré à la Presse canadienne. «Il y a des questions de droit passionnantes».

Parmi ses anciens collègues, la magistrate est considérée comme un bourreau de travail. «C'est une femme extrêmement intelligente, extrêmement travaillante», confirme son ami de longue date, l'avocat montréalais Pierre Fournier.

Outre le droit, Marie Deschamps affirme que sa famille et le sport sont ses autres passions. Elle est la conjointe de l'homme d'affaires Paul Gobeil, ancien président du Conseil du trésor et ancien ministre des Affaires internationales dans le gouvernement de Robert Bourassa, entre 1985 et 1989. Le couple a deux enfants.

M. Gobeil est actuellement président des conseils d'administration de l'Université de Sherbrooke et d'Exportation et développement Canada (EDC), une société de la Couronne, en plus d'être vice-président du conseil d'administration des épiceries Métro. Il a également présidé la campagne de financement de la candidature de Jean Charest au poste de chef du Parti libéral.

La juge affirme cependant qu'il n'y a pas de lien entre les activités politiques de son mari et la décision du premier ministre. «Lorsque mon conjoint était en politique, je ne participais pas du tout à cette partie de sa vie», a-t-elle ajouté.



Parcours classique

Après avoir obtenu sa licence en droit à l'Université de Montréal, Marie Deschamps a exercé successivement dans plusieurs grands cabinets comme spécialiste en litiges commerciaux et administratifs avant d'être nommée à la Cour supérieure de Montréal en 1990, puis à la Cour d'appel du Québec, deux ans plus tard.

Au cours des dix dernières années, elle a notamment rendu des décisions dans le dossier du boxeur Dave Hilton — à qui elle a refusé une réduction de peine — ainsi que dans celui de l'avocat montréalais Claude F. Archambault. Elle a aussi statué sur la constitutionnalité des loteries vidéo et sur l'affaire des caisses de retraite des employés de Singer et Simonds.

La nouvelle juge du plus haut tribunal du pays demeure cependant très peu connue du grand public. «Ce n'est pas étonnant», estime Me Fournier. «C'est une juge qui ne fait pas beaucoup de vagues parce qu'elle rend les jugements auxquels on s'attend et non des jugements qui renversent».

Le choix du gouvernement fédéral a même surpris plusieurs observateurs de la scène juridique. «Je n'avais pas entendu son nom», a déclaré le bâtonnier de Montréal, Allan Stein. «Je m'attendais plutôt à ce que Louise Otis ou Morris Fish (deux autres juges de la Cour d'appel) soient nommés».

De son propre aveu, elle résiste aux étiquettes. «J'aime aborder les questions de la façon la plus ouverte possible», souligne-t-elle. «Je n'ai pas de mission personnelle en allant à Ottawa. J'aime le droit. Et pour moi, c'est l'occasion d'en faire».

Pour Me Fournier, sa nomination à la Cour suprême devrait être bien accueillie par le public ainsi que par les avocats. «Elle n'a aucun parti pris politique. Elle n'essaie pas de changer le droit; elle se contente de l'appliquer», insiste-t-il. En agissant ainsi, elle rend la justice plus accessible. «Quand le droit est plus certain, les avocats peuvent mieux conseiller leurs clients. Il y a donc moins de procès et cela coûte moins cher».

La Constitution canadienne réserve au Québec trois sièges sur neuf à la Cour suprême. À Ottawa, Mme Deschamps rejoindra donc Louise Arbour et Louis Lebel. Ces trois magistrats sont les seuls à se prononcer dans tous les cas de poursuites civiles impliquant le Québec. Dans tous les autres dossiers, ils siègent avec leurs collègues des autres provinces.

Avec la Presse canadienne

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