Nouvel obstacle dans la lutte contre le sida

Nouvel obstacle dans la bataille contre le sida. Les virus qui s'attaquent à de nouvelles victimes sont de plus en plus souvent des mutants qui résistent à l'assaut des médicaments. L'infiltration de ces nouveaux intrus inquiète médecins et chercheurs, qui se retrouvent dépourvus face à l'échec des traitements anti-rétroviraux et laisse présager un sursaut de la maladie dans les pays occidentaux.
La résistance aux médicaments anti-rétroviraux que développent les patients après deux ou trois années de traitement est un phénomène connu et très répandu qui touche la grande majorité des personnes infectées. Par contre, le fait que des individus n'ayant été soumis à aucune médication contractent des virus déjà armés pour échapper aux poisons qu'on leur destine constitue un nouvel écueil qui anéantit tous les espoirs de rémission qu'offre normalement la thérapie anti-rétrovirale.Mais ce qui est particulièrement alarmant est que le nombre de ces personnes s'est grandement accru au cours des dernières années dans les pays qui ont accès aux médicaments, apprend-on dans un article publié dans la dernière édition du New England Journal of Medicine. En Amérique du Nord, le pourcentage de leur nombre serait passé de 3,4 % (entre 1995 et 1998) à 12,4 % (entre 1999 et 2000).
L'étude qui fait l'objet de la publication a en effet porté sur 377 personnes récemment infectées par le VIH et recrutées dans 10 villes nord-américaines, dont Montréal. «Une personne sur dix est aujourd'hui infectée par un virus déjà résistant à un ou plusieurs médicaments alors qu'elle n'a jamais été traitée elle-même», résume l'hématologue Jean-Pierre Routy du Centre universitaire de santé McGill, qui est l'un des principaux auteurs de l'étude.
Comment explique-t-on cette transmission croissante de nouveaux virus ayant subi de multiples mutations qui les rendent inattaquables? «Les malades sous traitement ont des relations sexuelles ou échangent leurs seringues avec des copains, qui héritent alors de virus qui sont déjà résistants à plusieurs médicaments, explique le chercheur. Alors que si le partenaire n'a jamais été exposé aux médicaments, il transmettra un virus sauvage n'ayant pas subi de mutation.»
L'étude révèle par ailleurs que la prévalence des mutations induisant la résistance aux médicaments s'est accrue de 15 % (passant de 8 à 22,7 %) entre 1995 et 2000. Pour modifier ainsi leur conformation, les virus auraient profité de deux facteurs. D'une part, les médicaments actuels n'éliminent pas complètement tous les virus et d'autre part, les patients n'auraient pas suivi assez rigoureusement leur médication. Deux situations qui auraient permis à certains virus d'échapper à la mort. Ces rescapés se seraient ensuite multipliés sous des formes diverses dont certaines étaient insensibles aux médicaments. Ces nouveaux virus seraient ensuite devenus maîtres des lieux.
«Il y a trois ou quatre ans, les malades devaient absorber entre 25 et 30 comprimés par jour, et ceux-ci occasionnaient de multiples effets secondaires. Découragés, plusieurs ne se conformaient pas aux doses prescrites, commente le Dr Routy. Or, depuis un ou deux ans, de nouvelles formules plus concentrées — deux à quatre gélules par jour — facilitent le traitement. On espère ainsi que le taux de mutation diminuera.»
Face aux nouveaux barrages qu'élabore constamment le VIH contre les molécules anti-rétrovirales, les chercheurs n'ont d'autre choix que de se tourner vers d'autres approches thérapeutiques qui ont d'autres cibles que ces pernicieux virus, avance l'hématologue. L'une d'elles vise à renforcer le système immunitaire du patient à l'aide de vaccins. Pour l'instant, ceux-ci ne sont pas encore suffisamment efficaces pour guérir les personnes infectées.
Une autre stratégie qui est par contre contestée par certains chercheurs consiste à traiter le patient plus tard qu'on ne le fait actuellement afin de repousser l'occurrence de la résistance. «Toutefois, l'immunité du patient risque de dépérir inexorablement», précise le Dr Routy avant d'ajouter qu'on espère également découvrir «des molécules qui bloqueront complètement le virus afin qu'il n'ait plus aucune chance d'échapper à la thérapie.» Actuellement, la meilleure thérapie demeure la combinaison de diverses molécules antivirales et d'interleukine II, une substance qui stimule le système immunitaire.