Prêt record de 30 milliards $US - Le Brésil danse
Rio de Janeiro — Le ballon d'oxygène apporté par l'annonce de l'octroi, par le Fonds monétaire international (FMI), d'un nouveau prêt de 30 milliards de dollars américains au Brésil a plongé les marchés dans l'euphorie, avec un dollar en forte baisse passant sous la barre des trois réaux hier.
Le facteur principal de l'optimisme affiché par les marchés n'est pas tant l'annonce du prêt — déjà largement anticipée — que son montant, bien plus élevé que prévu par les spécialistes.Le réal a clôturé hier en hausse de 3 % par rapport à la veille, coté à 2,91 le dollar, retombant pour la première fois depuis le 26 juillet sous la barre des 3 unités pour un billet vert. Il s'agit de la troisième hausse consécutive de la devise brésilienne, après une semaine de dérapages dus aux incertitudes sur le contenu des négociations avec les responsables du FMI.
L'annonce du prêt du FMI a amené le président de la Banque centrale, Arminio Fraga, à suspendre l'injection quotidienne sur le marché de 50 millions de dollars pour soutenir le cours du réal. La mesure, prise début juillet, devait rester en vigueur jusqu'à la fin d'août. La Banque centrale se réserve cependant le droit d'intervenir en fonction du comportement du marché.
De son côté, la bourse des valeurs de Sao Paulo a terminé la journée en forte hausse de 4,5 % par rapport à la veille, son principal indicateur, l'Ibovespa, remontant au dessus des 10 000 points, à 10 315 points.
L'octroi de ce prêt «spectaculaire», selon les termes de M. Fraga, interprété comme un signe de confiance dans l'économie brésilienne, n'est en outre que peu contraignant. Il n'impose pas de contreparties draconiennes au Brésil, notamment en ce qui concerne les objectifs d'inflation — il lui donne même une marge de manoeuvre — ni en matière de déficit public. Le déficit primaire (différence entre les recettes et les dépenses, à l'exclusion des intérêts de la dette) ne devra pas dépasser, selon le FMI, 3,75 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui était déjà l'objectif que s'était fixé Brasilia.
En accordant un prêt important au Brésil, dont l'essentiel ne sera effectivement versé qu'en 2003, c'est-à-dire après la prise de fonctions d'un nouveau président, le FMI envoie un signal très clair aux investisseurs: les fondamentaux de l'économie brésilienne sont solides et le prochain président, quel qu'il soit, ne se lancera pas dans une aventure en matière économique.
La cause principale des turbulences qui agitent depuis deux mois les marchés brésiliens est en effet la crainte de l'arrivée au pouvoir de la gauche au Brésil. Luiz Inacio «Lula» da Silva, candidat du Parti des travailleurs (socialiste), est actuellement en tête des sondages devant Ciro Gomes, du Front travailliste (coalition de petits partis de gauche), qui fait une ascension spectaculaire.
Le candidat de la continuité, José Serra, du Parti social-démocrate brésilien, ancien ministre de la Santé, reste très loin derrière les deux premiers.
Malgré un discours très modéré, «Lula» continue d'effrayer les marchés, qui n'oublient pas que, lors de précédentes campagnes, il avait condamné sans appel les politiques imposées par le FMI. Hier, il a été le premier des candidats à approuver — sous réserve d'un examen détaillé — l'accord signé mercredi à Washington. Selon Lula, dont la candidature éloigne les investisseurs du Brésil en raison de ses positions autrefois hostiles au FMI et de ses menaces de moratoire sur la dette, ce prêt «tranquillise le Brésil, le système financier et les marchés».
L'annonce de cette aide record au Brésil et la confirmation d'une assistance multilatérale de 3,8 milliards à l'Uruguay ont soulagé une région très affectée par la volatilité financière et l'instabilité politique, l'Argentine étant toujours cependant dans l'attente d'une assistance similaire. Avant ce virage du Fonds monétaire international et des États-Unis, qui semblaient avoir opté pour la fin de l'octroi d'aides financières multilatérales aux pays en difficulté, la région, en proie à d'importants problèmes financiers, avait paru très proche de l'explosion.
Au Brésil, le réal avait perdu depuis janvier 25 % de sa valeur face au dollar. Avec une dette publique de 300 milliards de dollars et des investisseurs de plus en plus inquiets, le pays s'enfonçait dans l'incertitude suscitée par l'élection présidentielle d'octobre prochain.
L'Argentine n'a pas échappé hier à ce regain d'optimisme, au lendemain de la visite à Buenos Aires du secrétaire au Trésor américain, Paul O'Neill, qui s'était rendu auparavant au Brésil et en Uruguay. L'Argentine parviendra à un accord avec le FMI «le 7 ou 8 septembre», qui constituera «le signal le plus manifeste que nous sommes en train de sortir de la tourmente», a estimé le président Eduardo Duhalde.
M. Duhalde a écarté toute possibilité pour son pays d'entrer en «défaut» de remboursement sur sa dette internationale de quelque 40 milliards de dollars, alors que l'Argentine a déclaré en décembre dernier un moratoire sur ses bons d'un montant de 100 milliards de dollars. «Je pense qu'au cours des premières réunions du FMI, nous obtiendrons l'aide que nous espérons, le 7 ou le 8 septembre», a ajouté M. Duhalde, qui a qualifié de très positif son entretien, mardi, avec Paul O'Neill. Celui-ci l'a assuré de l'appui des États-Unis, «comme de celui du G7 pour accélérer l'accord» avec le FMI.