Ma cabane perchée

Une cabane perdue dans les cimes. Une vraie, là où l'on pourrait se retrancher, faire la sieste et même passer la nuit. L'idée est un peu folle mais elle fait son chemin. Au confluent de deux grandes sensibilités très en cours ces temps-ci — le retour à la nature et le fantasme nostalgique —, la construction d'une maison perchée dans un arbre reste un caprice hors de prix, mais c'est aussi la réalisation d'un vieux rêve qui ne laisse pas indifférent. L'Intitut français d'architecture (IFA) coordonne des actions liées à l'univers des cabanes et dispose d'une cellule d'information (www.archi.fr/IFA).

Ancien publicitaire, Alain Laurens, fasciné par la lecture du Baron perché d'Italo Calvino, a créé La Cabane perchée (www.la-cabane-perchee.com), une PME qui a installé son atelier à Bonnieux, près d'Apt (Vaucluse), et achève sa seizième réalisation. «Mes clients sont des originaux, pas des bourgeois-bohèmes, assure-t-il. Certains font de gros sacrifices pour s'offrir un abri dans les arbres, au fond de leur jardin. Tous sont excités comme des enfants lorsqu'on leur en dévoile le plan.»

Alain Laurens fabrique «des cabanes, pas des maisons». Nicher dans un arbre impose un certain ascétisme, pour des raisons pratiques, mais aussi de principe. Ses constructions suspendues, logées entre 4 et 15 mètres d'altitude, ne dépassent pas 12 mètres carrés de superficie, dont la moitié est occupée par une terrasse.

Les plus sophistiquées reçoivent un lavabo et une douche, voire une petite installation électrique alimentée par un capteur solaire capable de fournir un courant de 12 volts pendant quatre heures par jour. Rien de plus.

Une cabane est faite pour se couper de son monde, affecter de prendre de la distance avec la société des hommes, jouer à Robinson Crusoé, revenir au temps des sarbacanes et des gourdes en plastique transparent remplies de grenadine. Ces cabanes réalisées par des compagnons-charpentiers sont autant de créations uniques, adaptées à l'arbre qui les accueille.

Du coup, elles sont presque facturées au prix d'une vraie maison. Presque la moitié de la dépense de La Cabane perchée est imputable au joli escalier en colimaçon qu'il faut déployer autour du tronc pour y grimper.

Les modèles les moins chers sont ceux qui reposent sur pilotis, comme cette grande maison de 220 mètres carrés construite par le cabinet d'architecture bordelais Lacaton-Vassal sur une dune du bassin d'Arcachon. Hissée entre 2,5 mètres et 4 mètres au-dessus du sable, cette résidence face à la mer est traversée par six pins, dont les troncs, afin de pouvoir se balancer, s'articulent dans le toit à travers des manchons de caoutchouc.

Bien choisir l'arbre

Le plus important est de choisir les bons arbres. Sont largement déconseillés le bois et les branches du peuplier, de l'aulne rouge ou du noyer, trop cassants. Pour installer la plate-forme, composée de poutres, de solives et de lames de plancher, les espèces les plus accueillantes sont le chêne, l'érable sycomore, le tilleul, le marronnier ou le hêtre, mais aussi les conifères (cèdre, pin).

Dans leur livre Cabanes perchées (éd. Hoëbeke, 224 pages), récemment traduit en français, Peter et Judy Nelson, grands spécialistes américains de la maison juchée dans les branches, conseillent, pour plus de sécurité, de ne pas construire à plus d'un huitième de la hauteur totale de l'arbre. Soit à pas plus de trois mètres pour un chêne haut de 24 mètres, par exemple. Il faut aussi éviter d'installer son repaire dans une forêt trop dense qui l'exposerait à l'humidité, voire aux champignons.

En tout état de cause, mieux vaut s'en remettre à un expert charpentier pour déterminer l'emplacement le plus sûr.

Pour ses constructions, relativement légères, La Cabane perchée se fait un devoir de n'utiliser que des anneaux métalliques molletonnés qui enserrent le tronc, ainsi que des liens pour maintenir la plate-forme, aux allures de parapluie à l'envers. Ce mécanisme permet de soutenir l'édifice sans prendre appui sur une branche et se veut plus élégant et plus respectueux de l'arbre.

De ce côté-ci de l'Atlantique, les constructeurs préfèrent opter pour de solides points d'ancrage avec clous ou vis, qui, d'ailleurs, n'abîment guère le bois, mais apparaissent moins «écolos». Il faut dire que la plupart des réalisations américaines sont du genre imposant. Comme cette tour biscornue de trois étages, cachée au fin fond d'une forêt de l'État de Washington, qui servit longtemps de repaire à un braqueur de banques, ou cette cabane de 28 mètres carrés agrippée à 12 mètres de hauteur à un pin rouge d'une forêt californienne et dont l'accès s'effectue grâce à une passerelle suspendue.

Ou encore ce nid d'aigle auquel on accède grâce à des pitons d'alpiniste fichés sur le tronc, ou ce très cosy cabanon de pêche du Minnesota accroché à un gros chêne huit mètres en surplomb d'une rivière à truites.

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