Des profs qui font l'école buissonnière

Les enseignants «sans le sou» se sont réunis hier autour de quelques crudités et quelques bières importées.
Photo: Jacques Grenier Les enseignants «sans le sou» se sont réunis hier autour de quelques crudités et quelques bières importées.

La récréation a assez duré. En attente de leur paye depuis le 18 juillet dernier, la quarantaine d'enseignants ainsi que le personnel d'encadrement du Collège supérieur de Montréal (CSM) — anciennement le Collège de secrétariat moderne — ont décidé de faire l'école buissonnière hier, forçant du même coup leurs étudiants à profiter du soleil d'août. L'arrêt de travail collectif et spontané, décidé en réunion la veille, est valable pour une durée indéterminée, «jusqu'à ce que l'employeur délie les cordons de sa bourse», a résumé Maryse Perreault, présidente du syndicat des enseignants du CSM.

Le ras-le-bol du corps professoral était palpable en après-midi hier, au bord d'une piscine privée du quartier Rosemont où les enseignants «sans le sou» se sont réunis autour de quelques crudités et quelques bières importées. «Histoire de se remonter un peu le moral», a commenté Marie-Josée Vigeant, professeure de comptabilité. Pour cause. Comme ses nombreux collègues, Mme Vigeant attend avec impatience et un brin de désespoir le versement de son salaire pour le travail effectué dans les dernières semaines. Une attente qui fait mal, «surtout au début du mois», précise-t-elle.

Normalement prévu pour le 1er août dernier, l'émolument n'a en effet toujours pas résonné dans les comptes en banque des formateurs de secrétaires. «Et nous ne sommes pas assurés d'être rémunérés pour les périodes de paie suivantes», a précisé Mme Perreault. En guise de chèque, c'est plutôt une lettre laconique qu'ils ont reçue, leur indiquant que le versement de leur rémunération serait retardé... jusqu'au 6 août. Sans autres explications.

«À 16h30, mardi, nous n'avons rien reçu. C'était la petite goutte qui a fait déborder le vase. Nous avons donc décidé de ne pas nous présenter au travail aujourd'hui. Et ce jusqu'à ce que l'on soit payés», dit Patrice Janelle, enseignant en comptabilité. «En 21 ans de carrière au CSM, c'est la première fois que je suis confrontée à une telle situation», déplore pour sa part Marie-Lise Hêtu, enseignante de français.

Problème de gestion? Ou de liquidité, en raison de la saison estivale — alors que le nombre d'étudiants diminue inéluctablement? Rien de tout ça, a tenu à préciser Rod Plante, président et fondateur du collège, rencontré hier dans les couloirs de l'établissement. Un collège bien vide où la tension et l'agitation, de la réception aux bureaux de la direction, étaient faciles à percevoir. «C'était prévu. Les enseignants sont aujourd'hui en journée d'études. Ils vont tous revenir demain», a-t-il indiqué.

Car tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes au CSM. Selon la direction, du moins, qui tentait hier de minimiser la délicate question des salaires impayés tout comme la «pause» soudaine prise par son personnel. «Ce sont des rumeurs, il faut faire attention avec les rumeurs. La concurrence est peut-être derrière», a poursuivi M. Laplante.

À l'origine de ces «rumeurs»? Une simple question de «réorganisation et de rationalisation nécessaires pour tourner le collège vers le futur», explique-t-il... avant d'avouer: «Nous rencontrons en ce moment un problème de liquidité structurel. Mais tout a été réglé aujourd'hui.» Pour la quinzaine d'enseignants donnant des cours en ce moment, du moins, qui à 15h30 hier avaient finalement obtenu leur dû. Quant aux autres, en vacances depuis fin juillet et ce jusqu'à la rentrée de septembre, «cela va être réglé la semaine prochaine», s'est contenté de dire Carmen Bossé, directrice pédagogique au CSM.

Les déboires du Collège supérieur de Montréal n'ont visiblement pas étonné le ministère de l'Éducation du Québec, qui subventionne une grande partie des activités de l'établissement scolaire. Car le MEQ a le CSM à l'oeil, a indiqué Nicolas Girard, du cabinet du ministre, Sylvain Simard, «afin de s'assurer que les élèves ne soient pas pénalisés et puissent terminer leur scolarité sans encombre».

En juin dernier, le ministère a d'ailleurs devancé le versement d'une mensualité «pour pallier un problème de liquidité du collège», explique M. Girard. Ce qu'il pourrait faire de nouveau. «Dans les derniers jours, la direction du CSM s'est de nouveau adressée à nous», poursuit-il, sans plus de détail.

Au bord de sa piscine, Maryse Perreault l'espère bien. «La crédibilité du CSM, c'est la qualité des enseignants qui l'a faite. Nous sommes le coeur de ce collège. Et aujourd'hui, le coeur est malade. Malade de ne pas être payé», dit-elle un trémolo dans la voix.

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