Le QI croît avec l'usage de la musique
Elle a fasciné les mathématiciens et les philosophes de l'Antiquité, qui l'ont érigée en art suprême. La musique, cette nourriture de l'âme, n'a pas manqué de leur donner raison en multipliant les génies au cours de l'histoire. Or voilà qu'une étude montre clairement que son apprentissage rend plus intelligent. À vos archets!
Après l'«effet Mozart», l'«effet Léopold»? Le premier, ainsi baptisé par les scientifiques, décrit le lien existant entre l'écoute passive de la musique et le développement de certaines facultés intellectuelles. Le second pourrait bien découler d'une récente étude, parue dans le Psychological Science du mois dernier, qui attribue à l'apprentissage de la musique un accroissement significatif du quotient intellectuel. Or Léopold, faut-il le rappeler, était le père et professeur du petit Wolfgang Amadeus Mozart...Selon les expériences menées par un professeur de l'université de Toronto, les petits qui suivent des leçons de musique affichent par la suite un QI supérieur qu'auparavant. Bien sûr, le simple fait d'aller à l'école stimule déjà l'intellect, et l'étude vient aussi renforcer cette thèse. Mais l'accroissement serait plus marqué chez les petits Mozart en herbe que chez ceux qui reviennent à la maison après les classes ou qui suivent des cours de théâtre.
Pour arriver à ces conclusions, Glenn Schellenberg a recruté 144 enfants juste avant qu'ils n'entrent en première année du primaire. «On a publié une petite annonce dans le journal pour offrir des cours d'art gratuitement à des jeunes de six ans, raconte le professeur du département de psychologie. On a eu énormément d'appels... Ils pouvaient suivre des leçons de clavier, de voix, d'art dramatique, ou pas de leçons du tout — avec promesse de cours pour l'année suivante.» Les quatre groupes ainsi formés ont fait un test de QI standard (le Wechsler Intelligence Scale for Children) avant et après leurs 36 semaines de cours (ou d'absence de cours). «Ils ont passé trois heures au labo durant l'été avant leur première année, puis à nouveau entre leur première et leur seconde année», décrit-il. Les parents ont aussi rempli un questionnaire portant sur leurs habiletés sociales.
Or les groupes de musique ont vu grimper leur QI de sept points tandis que celui des jeunes sans leçons ou issus des classes d'art dramatique a connu une hausse moyenne de seulement quatre points. L'augmentation peut sembler légère; elle se mesure à l'aune d'une seule année de cours. Mais «l'écart entre les deux groupes de référence est statistiquement significatif», juge M. Schellenberg. Rappelons que l'intelligence moyenne de la population en général se situe à 100, selon une courbe statistique normative. À moins de 70, on souffre d'un retard mental; pour être dans le groupe Mensa, cette société particulière de gens brillants, il faut avoir un QI de plus de 130.
La communauté scientifique avait déjà établi un lien entre les aptitudes musicales et d'autres aptitudes spécifiques connexes, comme la mémoire verbale, les aptitudes à lire et à visualiser mentalement le mouvement dans l'espace, etc. Cette étude-ci a le mérite de prouver que l'apprentissage — ou la pratique — de la musique a un impact bénéfique sur l'intellect de manière globale, tel que représenté par le QI.
Aussi, les études précédentes comparaient les résultats de jeunes inscrits à des cours de musique à ceux d'enfants n'ayant suivi aucune activité parascolaire. C'est la première fois que l'hypothèse d'une causalité entre musique et intelligence est mise à l'épreuve auprès d'enfants ayant suivi des cours de différentes disciplines artistiques afin d'en distinguer les résultats. «Les leçons d'art dramatique n'avaient pas le même effet, souligne M. Schellenberg. Les enfants qui les ont suivies se rapprochaient davantage de ceux qui n'ont pas eu de cours du tout. Mais ils ont toutefois développé leurs aptitudes sociales.»
Cette nuance suffit, selon le professeur, à refuser à la musique le statut spécial que les philosophes lui réservaient jadis, et ce, même si cette forme d'art livre des résultats particuliers par rapport à l'art dramatique. «Ça prouve plutôt que certaines activités parascolaires sont bonnes pour le développement intellectuel, tient-il à préciser. Mais ça n'exclut pas que d'autres activités que la musique, comme les mathématiques ou les échecs, pourraient avoir le même effet. Peut-être que la particularité de la musique est simplement due au fait qu'elle est agréable pour les enfants.» Et voilà le jeu infini des hypothèses scientifiques qui reprend...