Trois enjeux qui s’imposent au Sommet de l’Union africaine

«Dans un contexte où persistent des suspicions légitimes quant à la capacité des pays africains à gérer la pandémie, le Sommet de l’UA devrait être l’occasion de trouver des mesures pour atténuer les conséquences humanitaires et socio-économiques de la pandémie», estime l'auteur.
Photo: Samir Tounsi Agence France-Presse «Dans un contexte où persistent des suspicions légitimes quant à la capacité des pays africains à gérer la pandémie, le Sommet de l’UA devrait être l’occasion de trouver des mesures pour atténuer les conséquences humanitaires et socio-économiques de la pandémie», estime l'auteur.

Les 6 et 7 février, les chefs d’État et de gouvernement des 55 États membres de l’Union africaine se réunissent pour leur 34e sommet. L’occasion pour ceux-ci de décider des actions qu’ils entendent mener collectivement au cours de l’année à l’échelle du continent. Le thème choisi pour 2021, « Arts, culture et patrimoine : des leviers pour construire l’Afrique que nous voulons », annonce que les débats seront surtout centrés sur les actions pour revitaliser, promouvoir et sauvegarder le patrimoine culturel africain tel que prévu dans l’Agenda 2063 : l’Afrique que nous voulons. Or, trois autres enjeux de taille s’imposent et devraient faire l’objet d’une attention particulière lors du sommet.

Le premier porte sur l’accélération des réformes institutionnelles de l’UA. Cela fera bientôt six ans que ce chantier a été lancé, avec l’ambition de doter l’organisation régionale des ressources et de moyens suffisants pour qu’elle puisse mettre en œuvre ses programmes visant la croissance et le développement de l’Afrique. Des progrès notables ont été faits par l’équipe responsable sous le leadership du président du Rwanda, Paul Kagame, mais il reste beaucoup à faire. La mise en œuvre du volet « Financement durable » enclenché en 2017, par exemple, accuse des retards notoires. Sans ressources financières adéquates, prévisibles et durables, l’UA ne pourra atteindre ses objectifs, aussi louables soient-ils.

Afin que les États membres respectent leurs obligations financières à l’égard de l’UA et réduisent ainsi sa forte dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds étrangers, l’organisation avait décidé de prélever 0,2 % des importations admissibles dans les pays africains. Or, il y a à peine un an, seuls 17 des 55 États membres avaient obtempéré. Qui plus est, certains d’entre eux n’avaient même pas transféré les fonds dans leur intégralité… Le sommet sera donc l’occasion d’avancer des mesures pour inciter les États à se conformer, mais aussi pour accommoder les États dont les conditions financières les rendent temporairement incapables de s’acquitter de leurs contributions.

Le deuxième enjeu porte sur l’évaluation du projet « Faire taire les armes à l’horizon 2020 ». Lancé en 2013, ce projet était le thème du Sommet de l’UA en 2020. Force est de constater aujourd’hui que l’objectif est loin d’avoir été atteint. Les armes continuent de crépiter bruyamment dans toutes les régions du continent. Aucune n’est à l’abri des conflits. Ceux-ci sont même accentués par la montée en puissance du terrorisme et la persistance de la criminalité transfrontalière.

Pour le sommet qui vient, il faudrait procéder à une évaluation des progrès réalisés (ou non), déterminer les défis persistants et entrevoir des solutions pour à tout le moins réduire le volume de ces violences. Des mesures concrètes devraient aussi être envisagées pour activer les composantes de l’architecture africaine de paix et de sécurité qui demeurent en suspens et pour renforcer la promotion des principes de bonne gouvernance, de respect des droits de la personne et des valeurs partagées de l’UA.

Le troisième enjeu porte sur la gestion de la pandémie de COVID-19. Bien que peu touchée à ses débuts, l’Afrique fait à présent face à une importante augmentation de contaminations, y compris des nouveaux variants plus virulents. Le continent compte près de 90 000 décès et plus de 3,5 millions de cas confirmés.

Dans un contexte où persistent des suspicions légitimes quant à la capacité des pays africains à gérer la pandémie, le Sommet de l’UA devrait être l’occasion de trouver des mesures pour atténuer les conséquences humanitaires et socio-économiques de la pandémie. On pourrait notamment envisager la multiplication des appels à financer le Fonds africain anti-COVID-19, la réitération d’appels à annuler et à suspendre la dette de certains États, la promotion d’ententes bilatérales entre les États africains et les entreprises pharmaceutiques afin d’obtenir des vaccins et la mise en œuvre d’une stratégie diplomatique visant à convaincre les producteurs de partager leur technologie et savoir-faire avec les pays du continent afin qu’ils puissent produire des vaccins.

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