Perspectives - Sharon part pour Washington avec son «plan Gaza»
Jérusalem — Contesté, voire insulté dans son propre camp, en chute libre dans les sondages en raison d'une possible inculpation dans une affaire de pots-de-vin, Ariel Sharon, loin de se laisser abattre, fidèle à son image, a choisi l'attaque. Il a quitté Israël cette nuit à destination de Washington pour un rendez-vous capital avec George W. Bush à la Maison-Blanche. Objectif: arracher un engagement du président américain à soutenir son plan de séparation unilatéral d'avec les Palestiniens.
Il table sur cet engagement pour remporter le référendum à haut risque qu'il a décidé d'organiser dès la fin avril sur ce plan auprès des 200 000 membres du Likoud, son parti, où pour beaucoup, il n'est plus le «roi Arik».Son plan iconoclaste, prévoyant l'évacuation de la bande de Gaza où quelque 7000 colons israéliens vivent depuis plusieurs générations, est en effet ressenti à droite comme une «trahison». Plusieurs de ses ministres grondent ouvertement contre ce plan, mais aucun, jusqu'ici, n'a osé publiquement brandir l'étendard de la rébellion au sein du Likoud.
Sharon arrive à Washington dans un contexte on ne peut plus difficile. Aux prises avec une sérieuse dégradation de la situation en Irak, le président Bush a d'autres chats à fouetter que de toucher au brûlot du conflit israélo-palestinien toujours dans l'impasse.
La «feuille de route», le dernier plan de paix international lancé en grande pompe par le président Bush, en juin 2003, à Aqaba (Jordanie), aux côtés de Sharon et de son homologue palestinien d'alors, Mahmoud Abbas, est restée lettre morte pour cause d'attentats suicide et de raids israéliens meurtriers.
Le dernier en date, qui a coûté la vie à cheikh Ahmad Yassine, le chef spirituel et fondateur du mouvement islamiste Hamas, a rapproché Israël des «portes de l'enfer», à en juger par les déclarations des dirigeants islamistes qui ont juré de venger sa mort par des attaques sans précédent. Depuis la liquidation de cheikh Yassine, les territoires palestiniens sont bouclés et Israël est sur le qui-vive.
Le dixième rendez-vous Sharon-Bush aura lieu demain matin à la Maison-Blanche. Une importante délégation israélienne l'a précédé pour mettre la dernière main aux préparatifs de la rencontre. Aujourd'hui, Sharon aura un ultime entretien avec Condoleezza Rice, la conseillère du président américain pour la sécurité nationale. Israël, conscient du contexte difficile de la rencontre et très attentif aux conséquences néfastes que pourrait avoir pour lui et l'ensemble de la région une déconfiture américaine en Irak, veut convaincre son puissant allié que son plan de séparation unilatérale ne scelle pas définitivement le sort de la «feuille de route». Ce plan, selon Sharon, représente au contraire «un pas historique» susceptible de remettre le processus de paix sur les rails.
À en juger par l'accueil chaleureux et démonstratif que, selon la radio israélienne, le président Bush s'apprête à réserver à Sharon, il semble que les efforts ont payé. Bush donnera son appui au plan Sharon, occasion d'un «changement historique» pour la région.
Sharon entend revenir avec de quoi faire taire ses opposants. Un engagement américain à soutenir son plan de séparation qui prévoit, notamment, l'évacuation de la bande de Gaza, celle de quelques colonies isolées du nord de la Cisjordanie, un redéploiement des troupes israéliennes sur le tracé controversé de la barrière de séparation construite en Cisjordanie et qui englobe les quatre grands blocs de colonies juives de Cisjordanie, dont celui de Maalei Edoumim, au sud-est de Jérusalem, sur la route de Jéricho. C'est d'ailleurs à Maalei Edoumim, une véritable ville de 20 000 habitants surgie du désert, que Sharon a fêté hier soir la Mimouna, la fin de la semaine pascale juive, avant d'embarquer pour Washington.
Dimanche, Ariel Sharon, s'était rendu chez le président israélien Moshe Katzav. Il s'est déclaré convaincu que son plan de séparation était «bon pour la sécurité d'Israël et permettrait, une fois le pays libéré de pressions superflues, un essor de l'économie israélienne et l'ouverture d'une perspective pour le processus de paix».
Le référendum au Likoud sur son plan était prévu pour le mois de mai. Sharon, décidé à prendre ses opposants de vitesse, l'a fixé au 29 avril. S'il est plébiscité par sa base, il entend exploiter sa victoire en soumettant, dès le 2 mai, son plan à l'approbation du gouvernement et, le lendemain, à celle du Parlement.