Un «Bye Bye 2017» mordant et une spéciale d'Infoman qui vise juste

Marc Labrèche dans une imitation de Donald Trump
Image: Radio-Canada Marc Labrèche dans une imitation de Donald Trump

L’an dernier, l’équipe du Bye Bye 2016, sous la direction de Simon-Olivier Fecteau, avait mis la barre très haut pour son éventuel retour en 2017. Et cette année, plus que jamais, on avait drôlement, voire désespérément, besoin de rigoler un bon coup pour défoncer l’année. Pour mémoire, en 2016, on avait laissé tomber les effets spéciaux et les numéros à grand déploiement pour revenir à l’essentiel : se moquer de ceux qui ont fait l’événement. 

 

Punché, rythmé, sans esbroufe, le Bye Bye 2016, qui avait récolté des cotes d’écoute de près de quatre millions de spectateurs, reposait sur des textes solides et une distribution cinq étoiles : les « nouveaux venus » Marc Labrèche, mémorable en Jean-François Lisée, et Anne Dorval, frisant la perfection dans son imitation de Danièle Henkel, de même que Véronique Claveau, plus vraie que nature en Marina Orsini, Pierre Brassard, bluffant en Jean Leloup, et le joueur émérite Patrice L’Écuyer, qui a fait mouche en Justin Poppins. Dès les premiers instants du Bye Bye 2017, force a été de constater que Fecteau et compagnie ont eu le flair de miser sur les mêmes forces. Après tout, quand une recette fonctionne, pourquoi la changer?

 

Pour 2017, année « chaotique, pas facile à suivre et nécessaire » a-t-on dit peu avant le décompte, on avait promis un Bye Bye plus frontal, plus mordant, où on n’allait pas mettre de gants blancs pour s’attaquer aux sujets délicats. Eh bien, promesse tenue! Et pas qu’à peu près! Première victime : Mélanie Joly. Renommée Mélanie Djoly (Marc Labrèche), la ministre du Patrimoine devient la vedette d’une série sur « Mietflix », La spécialiste, où Justin Trudeau (Patrice L’Écuyer), qui passera au tordeur dans un numéro sur sa performance à l’ONU, l’envoie dans les pattes des journalistes pour leur servir des discours à leur faire exploser la cervelle. 

 

Les têtes roulent
 

Plus encore que le sketch sur le dossier Netflix, le public attendait impatiemment le traitement qu’André Ducharme (script-éditeur), Maxime Caron, Simon-Olivier Fecteau, Rafaëlle Germain et Guillaume Lambert allaient réserver au roitelet déchu de V et l’ex-grand manitou de Juste pour rire, tous deux incarnés par le toujours inspiré Marc Labrèche. 

 

Si Éric Salvail a eu droit à un condensé en mode quasi burlesque, incluant un plan tourné en pénis-cam, de ses inconduites sexuelles, Gilbert Rozon a goûté à la plume acide des auteurs dans un clin d’œil au film d’horreur de l’année, It (Ça). « Tu n’es qu’un clown dans un égout, tu n’es plus rien », lui lance une femme (Anne Dorval) ayant laissé échapper ses clés dans le caniveau. Qu’ajouter de plus sinon « ma baloune est pétée »?... Quant à Jean-Claude « Giovanni » Appolo (Anne Dorval), il tente de faire passer du « baloney » pour du steak d’autruche. On n’est pas si loin de la vérité.

 

D’autres têtes sont tombées pendant ce Bye Bye au rythme soutenu de Simon-Olivier Fecteau et son complice François St-Amant. Dans l’un des meilleurs flashs de la revue de fin d’année, Gaétan Barrette (Patrice L’Écuyer), Manon Massé (Véronique Claveau), Michaëlle Jean (Frédéric Pierre) sont devenus les sujets des pubs Bell cause pour la cause, respectivement pour cause de schizophrénie, de délire psychotique et de mégalomanie. 

 

Aussi bref que rentre-dedans! Philippe Couillard (Patrice L’Écuyer, remarquable) est apparu en homme méprisant dans une parodie des épiceries Maxi. À l’instar d’Olivier Morin dans PaparaGilles, Marc Labrèche a livré l’une de ses plus désopilantes prestations en Céline Dion, fashionista et vendeuse de sacoches qui aime les patates. 

 

 

 

Distribution d’enfer

Si ce Bye Bye n’a pas provoqué l’hilarité à tout moment, il faut saluer ce moment d’anthologie, Passe-Partrump, qui a ravi la génération Passe-Partout, où l’on tirait à boulets rouges sur Donald Trump (Marc Labrèche) et Kim Jong-un (Anne Dorval, dans l’une de ses plus étonnantes performances), insupportables enfants terribles, où Grand-Papa Bi est devenu Grand-Papa Trans, où Doualé est contrainte de retourner dans son pays faute de papier. Un sketch fourmillant de sujets chauds où les auteurs s’en sont donné à cœur joie en transformant les chansons de Passe-Partout en comptines assassines. 

 

Qui dit Bye Bye, dit émissions télé. Et l’année 2017 n’y a pas échappé. Ont ainsi défilé des parodies réussies d’Occupation double, de Génial, de District 31 (merci aux Coulisses du Bye Bye qui nous a permis de découvrir que Jean-Sébastien Girard se cachait sous le maquillage de Michel « Bruno » Charrette!), de TVA nouvelles, avec Pierre Brassard campant un Pierre Bruneau forçant l’admiration, où les gags sur l’UPAC, l’immigration, sur la Formule E, sur Valérie Plante (Anne Dorval) et sur l’entrevue controversée de Louis-Philippe Ouimet (Simon-Olivier Fecteau) avec Gilbert Sicotte (Pierre Brassard). 

 

La bande de Simon-Olivier Fecteau s’est aussi moquée (gentiment) du Bye Bye en y allant de sa version du ver d’oreille de l’année, Despacito, où l’on a eu droit à l’apparition d’Adib Alkhalidey. Autre apparition remarquée que celle de Laurent Paquin en Denis Coderre, qui s’est fait dire « bye bye » par les Montréalais, peu avant le décompte. 

 

Si les acteurs se sont surpassés dans leur imitation, l’équipe du CCM (costume, coiffure, maquillage) mérite certainement des Gémeaux pour leur travail impeccable. En somme, peu ont été épargnés cette année, pas même les Canadiens de Montréal, ni la Meute (menée par l'humoriste Jonathan Roberge), ni les dirigeants de Bombardier. Et c’est tant mieux! On aime les Bye Bye qui frappent là où ça fait mal. Et dans le genre, la redoutable bande à Fecteau ne donne pas sa place. 

 

Infoman fidèle à lui-même

 

En une heure, le regard oblique de Jean-René Dufort réussit à éclairer l’année plus sûrement qu’une éphéméride, fût-il exhaustif. La formule est éprouvée; le rythme toujours aussi efficace, sans trace visible d’essoufflement pour cette mouture 2017 d’Infoman qui a radiographié l’année avec sa justesse habituelle. 

 

C’est une Charlotte Cardin chantant l’amour au temps des catastrophes, qui a lancé la revue avec un bel aplomb. Baveuse à souhait, sans être bêtement méchante, la vue d’ensemble a permis de mesurer le chemin parcouru sur le plan social en 2017, année pour le moins explosive sur le front des inégalités. 

 

Mention spéciale à cet effet au set carré inclusif animé par Chantal Lamarre qui a trouvé une jolie manière d’aborder nos questionnements lancinants entourant les notions de genre, de race et de consentement. L’humoriste et comédien Fabien Cloutier a fait le reste avec sa chienne «Magraine» illustrant les limites à ne pas franchir en société, jouant férocement sur les niveaux de discours. 

 

Par comparaison, le surplace politique n’aura paru que plus criant sous la loupe de Jean-René Dufort qui excelle dans l’art de piquer ceux qui nous dirigent en les cuisinant sur leur année en dents de scie. Hélas, l’aparté réservé au discours décousu d’une Mélanie Joly fidèle à sa réputation est tombé à plat. Il n’était pas nécessairement mauvais, mais le Bye Bye a frappé plus fort en poussant la logique plus loin, et ce, avec une inventivité autrement jouissive. 

 

L’équipe d’Infoman a visé plus juste avec Philippe Couillard, Andrew Scheer, Justin Trudeau ou même avec Valérie Plante, allant jusqu’à appeler la science à la rescousse pour ébaubir cette dernière avec ses «superpouvoirs». Amusante aussi, cette parodie des «Jokes de papa» sur le web par des députés visiblement bons joueurs. 

 

Surréaliste enfin, le passage de Jean-René chez l’homme le plus armé des États-Unis, alors que les tueries se suivent dans une Amérique déchirée en deux camps. Le mot de la fin a été laissé au chanteur Émile Bilodeau et à tous ceux qui, comme lui, en ont plein leur casque de 2017 (du pa-ma-trimoine, de Despacito, de Netflix…), année plaquée avec fougue par le footballeur québécois Laurent Duvernay-Tardif. 2018 a intérêt à bien se tenir.

Bye Bye 2017 et Infoman

Radio-Canada, en rediffusion lundi, 20 h et 21 h

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