Le ministre Barrette contre le Dr Barrette

Gaétan Barrette
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Gaétan Barrette

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, ne fera pas la part belle aux médecins cette fois, semble-t-il. On aurait préféré évidemment qu’un ministre de la Santé mette fin à l’hémorragie bien avant. Et il est ironique par ailleurs que ça soit celui qui a largement contribué à cette décennie d’augmentations insoutenables de la rémunération médicale (alors qu’il présidait la Fédération des médecins spécialistes) qui décide aujourd’hui de se poser en garde-fou des hausses démesurées.

Comme le mentionnait Michel David dans une chronique récente, le ministre s’appuie ces jours-ci sur les mêmes données qu’il y a quelques mois, lorsque l’IRIS a publié une note sur la rémunération médicale et a proposé de la réduire de 12 %. En répliquant à notre proposition, le ministre Barrette utilisait « le coût des médecins par habitant au Québec » pour dire qu’il est le plus bas au Canada et que, par conséquent, on ne peut songer à le diminuer.

Cette fois, le ministre utilise à nouveau « le coût des médecins par habitant au Québec (875 $) » pour dire qu’il est de 10,9 % inférieur à celui de l’Ontario (970 $) et que cet écart est adéquat étant donné le coût de la vie supérieur dans cette province.

En somme, le ministre s’appuie sur les mêmes chiffres pour dire un jour qu’on ne doit pas diminuer la rémunération des médecins et pour affirmer quelques mois plus tard qu’on ne doit pas non plus hausser la rémunération des médecins.

Évidemment, si l’on annule les sommes que le gouvernement a reportées et que l’on annule également la clause-remorque qui conférait aux médecins les mêmes augmentations que les salariés du secteur public (comme si ceux-ci étaient des sous-fifres dont le niveau de rémunération devait être maintenu à distance de celui de la caste médicale supérieure), on fait deux pas dans la bonne direction. Mais c’est largement insuffisant.

Les gouvernements sont allés beaucoup trop loin avec leurs largesses à l’endroit des médecins, alors que le Québec leur verse désormais une somme plus grande que le reste du Canada, en pourcentage du PIB. Ils doivent corriger le tir et réduire la rémunération médicale. Peut-être d’ailleurs que viser le niveau de l’Ontario (–12 %, selon la méthode basée sur le coût de la vie relatif que nous avons empruntée à l’économiste Pierre Fortin) est insuffisant ?

En 2014, les médecins gagnaient 7,6 fois plus qu’un Québécois moyen. Peut-être vaudrait-il mieux se demander combien de fois le salaire moyen nous estimons acceptable de verser aux médecins pour qu’ils fassent leur travail. Il y a dix ans, les médecins gagnaient six fois plus que la rémunération moyenne québécoise…

Une rémunération médicale moyenne réduite de 12 % aurait permis au gouvernement d’épargner plus de 900 millions pour l’année 2014-2015. Si l’on réduisait de 12 % l’enveloppe totale prévue pour les médecins pour 2017-2018 et qu’on accordait ensuite annuellement des hausses équivalentes à celle des « autres » salariés du secteur public, la rémunération médicale pèserait 2,5 milliards de moins que prévu dans le budget du Québec une fois parvenus à 2020-2021.

Dommage que le gouvernement ne montre pas autant d’ardeur à couper chez les plus riches que chez les plus pauvres en sabrant l’aide sociale ou en mettant la hache dans les services à la population, ce qui affecte d’abord et avant tout celles et ceux qui ne peuvent pas s’en procurer sur le marché privé.

Les intérêts que sert ce gouvernement deviennent extrêmement clairs lorsqu’il est question de santé et le réveil tardif de Gaétan Barrette, le pyromane pompier, est largement insuffisant pour renverser la tendance de la dernière décennie.

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