Barrette engage un autre combat avec les médecins

Le ministre de la Santé Gaétan Barrette
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Le ministre de la Santé Gaétan Barrette

D’avis que le rattrapage salarial est aujourd’hui « fait et complété », le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, veut rouvrir les ententes signées avec les fédérations médicales qui visent à combler l’écart avec les autres provinces. Alors que le ministre presse les médecins de faire preuve « de conscience sociale », les médecins l’accusent de renier sa signature.

La nouvelle série de négociations entre le ministère de la Santé et les fédérations médicales s’annonce corsée. Le ministre Barrette a jeté un pavé dans la mare lundi matin et ouvert le bal des discussions en réclamant la réouverture complète des mesures d’étalement prévues jusqu’en 2021.

« Il faut arriver à une autre entente. Le Québec ne peut aller là, il n’en a pas les moyens » 

 

Selon le ministre, les cibles visées par ces ententes n’ont plus leur raison d’être puisque « l’esprit » et l’objectif de ces mesures ont été atteints. Selon M. Barrette, les médecins du Québec jouissent désormais de conditions salariales comparables à celles de leurs collègues de l’Ontario.

« Les ententes négociées en 2006 l’ont été sur la base de projections faites sur 10 ans. Malheureusement, ou heureusement, les prévisions ne se sont pas réalisées », explique le ministre. Le ralentissement économique qui a frappé le Canada et l’Ontario a ralenti la progression des salaires versés aux médecins de ces deux provinces, et a accéléré le rattrapage des médecins québécois.

« Il faut arriver à une autre entente. Le Québec ne peut aller là, il n’en a pas les moyens », a-t-il insisté.

Cavalier seul

 

Les fédérations médicales, informées de la déclaration du ministre Barrette 30 minutes avant les médias, ont dénoncé la manière cavalière d’entamer ces négociations qui s’annoncent pour le moins ardues.

« Encore une fois, le ministre fait cavalier seul. Il annonce à l’avance les résultats de la négociation qui n’est pas commencée. Comment peut-on accorder de la crédibilité à Gaétan Barrette lui qui renie sa première signature, en novembre 2014, en tant que ministre de la Santé ? », a pourfendu la Dre Diane Francoeur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Quéebc (FMSQ).

Cette dernière a rappelé qu’en 2014, le réétalement de l’entente de 2006 et l’ajout d’une clause de parité salariale accordant aux médecins la même hausse de salaire que celle versée aux employés de l’État étaient des propositions faites par Gaétan Barrette lui-même.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) accuse elle aussi le ministre de trahir ses engagements. En 2014, les omnipraticiens ont consenti d’importantes concessions, estime la FMOQ, sans recourir à des moyens de pression. « Si l’État renie continuellement sa signature et ses engagements, comment faire confiance à nos élus dans un tel contexte et à quoi bon négocier tout simplement », a soulevé le Dr Louis Godin, président de la FMOQ.

Moins de deux heures après la conférence de presse, le ministre a déclaré sur le réseau social Twitter : « Pas une négo d’enrichissement, mais de bon sens. »

Nouvelle donne

 

Le ministre Barrette, qui avait lui-même réclamé ce rattrapage salarial en 2006 avec Québec alors qu’il présidait la FMSQ, a soutenu hier qu’il n’avait pas changé d’idée sur la question. Selon lui, il respecte toujours « l’esprit initial » qui prévalait au moment de la signature, à savoir l’atteinte de la parité avec les autres médecins canadiens. Mais les conditions économiques ont changé, dit-il.

Quand ces ententes ont été renégociées en 2014, la situation était tout autre, l’écart entre le salaire versé aux médecins québécois et leurs confrères ontariens se chiffrait alors à 47 %.

Or, selon les données du ministre, cet écart n’est plus que 10,9 % en 2016, si l’on calcule l’effort consacré par l’État en fonction de la rémunération des médecins par habitant. L’Ontario verse 970 $ par habitant pour payer ses médecins, tandis que le Québec y consacre désormais 875 $. Un chiffre que le ministre considère comme tout à fait correct, compte tenu des différences entre le coût de la vie au Québec et en Ontario.

Le fossé séparant les revenus médicaux du Québec et de l’Ontario atteignait 70 % en 1991, mais il a depuis fondu à 47 % en 2006, puis à près de 10 % en 2016. Dans la foulée, le ministre souligne que l’Alberta a réduit à 1,5 % la hausse salariale qu’elle prévoit verser à ses médecins d’ici deux ans et que l’Ontario a fixé à 2,5 % celle qu’elle accordera à sa profession médicale.

Une «impossibilité»

De 7,3 milliards de dollars, l’enveloppe consacrée aux honoraires des médecins devait atteindre 9 milliards en 2020-2021 au terme de la présente entente. Mais cette hausse, équivalente à 40 %, est « une impossibilité », a indiqué le ministre. Ce dernier juge d’ailleurs que les médecins ne feraient pas un bon choix « politique » en contestant en cour la révision des ententes, puisque le ministre dit jouir de l’appui de la population, et « probablement de la majorité des médecins. »

Le ministre Barrette a annoncé par la même occasion lundi qu’il entamait une étude comparative sur la productivité des médecins du Québec et de l’Ontario, afin de pouvoir mesurer de façon pointue la charge de travail des médecins dans chaque province. Selon ce dernier, cet élément fait défaut dans le débat actuel sur la comparaison actuelle des enveloppes salariales.

À Québec, la critique du Parti québécois en matière de la santé, Diane Lamarre, a soutenu que la volte-face de Gaétan Barrette était une preuve de « l’échec » des ententes conclues en 2014 pour étaler les hausses de rémunération des médecins. Des hausses concédées sans amélioration notable des services de santé. Celle dont le parti réclame un gel du salaire des médecins demande qu’un comité d’experts pilote les prochaines négociations pour s’assurer que les services à la population soient améliorés.

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