Ça sent le fromage… fermier !

Peut-être qu’en 2017, sur des centaines d’étiquettes de fromages québécois, apparaîtra un fier « fromage fermier ». Plus d’un an après le dépôt officiel auprès du Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV) d’une demande en ce sens, la phase d’analyse se boucle.
Cet été, des agents du comité de travail des termes valorisants, plongé depuis juin 2015 dans le dossier de demande de reconnaissance « fromage fermier », ont visité une dizaine de membres de l’Association des fromagers artisans du Québec pour valider certaines choses sur le terrain, à savoir si tel terme susceptible d’être retenu représente bien la réalité des demandeurs en question. Parce que même si le postulat de départ précise qu’un fromage fermier est fabriqué à la ferme exclusivement à partir du lait produit par les animaux de cette ferme (peu importe le type de lait : vache, brebis, chèvre) et qu’il concerne les producteurs-transformateurs de moins d’un million de litres de lait annuel (le groupe de demandeurs), certains points requièrent des éclaircissements ou des consensus. « À un moment donné, il faut trancher, être capable de dire que c’est telle chose qui sera retenue comme critère et pas telle autre », explique Normand Côté, président de l’association depuis novembre 2015.
La présence de robots d’affinage en est un bel exemple. Fromage fermier ? On imagine tout de suite un artisan en train de retourner manuellement et amoureusement ses fromages sans aucune aide, du 100 % manuel. Pourtant, la réalité des petites fromageries peut être tout autre, immergée dans la modernité. Le manque de personnel et la fatigue physique ont notamment fait entrer des équipements de pointe, comme ces machines rutilantes aux bras d’acier qui retournent les meules.
« Après consultation auprès de nos membres, nous avons demandé à inclure ce point technique dans la nouvelle version du document du CARTV, car plusieurs petites fermes fromagères pensent à s’équiper de robots d’affinage. Nous ne sommes plus au XVe siècle, lance le président de l’association, aussi propriétaire de la Fromagerie Médard. Autre condition : les bâtiments de production [étable] et de transformation [fromagerie] ne doivent pas être situés à plus d’un kilomètre l’un de l’autre. » Et ainsi de suite.
« Il y a plein d’autres affaires de la sorte dans la dernière version du document du CARTV », explique Normand Côté. Des critères qui viennent ainsi baliser la future norme « fromage fermier ». Car comme nous l’explique Marjolaine Mondon, coordonnatrice des projets d’appellation déposés au CARTV, du point de vue du législateur, il s’agit d’une demande de norme encadrant ces termes précis. Pour le CARTV, « un terme valorisant identifie une caractéristique particulière d’un produit, généralement liée à une méthode de production ou de préparation, recherchée par le consommateur ».
Donc, si la norme « fromage fermier » entre en vigueur au cours de l’année 2017*, quelles seront les conséquences ? « Nous aurons alors au Québec un fromage fermier normé », se réjouit Normand Côté.
En tant que mangeur de bonnes croûtes, on saura alors que tel fromage a été produit à la ferme avec le lait des animaux vivant et nourris sur place. Ce sera une manière de valoriser et de repérer le travail des petites productions fromagères sur le marché intérieur, de s’y retrouver parmi des termes souvent galvaudés, comme fromage artisanal ou fromage du terroir.
Par rapport aux fromages provenant de l’extérieur, cela protégera les productions locales d’éventuelles contrefaçons. Un fromage importé, s’il se dit fermier, devra lui aussi se sacrifier sur l’autel de la nouvelle norme établie au Québec. Cela promet de beaux échanges et pourparlers administratifs entre les instances compétentes si l’attaque « massive » de fromages européens se produit tel qu’annoncé ! Qu’en est-il d’ailleurs ?
Alors que tout le monde tremblait à l’idée de voir débouler sur nos tablettes plus de 17 000 tonnes de fromages européens, avec la sortie du Royaume-Uni le 23 juin dernier, l’échéancier concernant l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne — dit Accord économique et commercial global (AECG) — s’avère plutôt ébranlé. On les attendait en 2016, débarqueront-ils en 2017 ? « Plus ça retarde et mieux c’est pour nous », conclut le fromager fermier Normand Côté !
* Si tout va bien, d’ici six à douze mois, après les autres étapes obligatoires que sont la consultation publique (d’une durée de 60 jours) puis le dépôt d’une recommandation auprès du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. « Encore quelques questions auxquelles le groupe de demandeurs doit répondre et nous devrions arriver à la consultation publique », confirme Marjolaine Mondon.
Précision
Dans ma chronique du 10 septembre, « Sur la route du marc de café » , je vous suggérais de garder vos résidus de marc pour nourrir vos plantes. Allez-y tout de même mollo ! Point trop n’en faut !