Les défis du prochain chef

Le 9e chef du Parti québécois subira une batterie de tests d’ici aux prochaines élections générales, prévues le 1er octobre 2018. L’exercice ne sera pas sans douleur.
Les participants du caucus présessionnel croisés par Le Devoir dans les couloirs de l’hôtel Hilton DoubleTree de Gatineau s’entendent sur une chose : la première tâche du nouveau chef consistera à recoller les morceaux. La formation politique risque d’être « plus divisée que jamais » dans la foulée de l’élection du nouveau chef le 7 octobre prochain, laisse tomber l’un d’eux. Pourtant, Pierre Karl Péladeau avait été élu sans trop d’égratignures en mai 2015. Le statut de grand favori dont il jouissait dissuadait ses adversaires d’étriller ses propositions, soutient un ex-apparatchik péquiste. Or, ni Paul St-Pierre Plamondon, ni Martine Ouellet, ni Jean-François Lisée, ni même Alexandre Cloutier n’exercent à l’heure actuelle un « ascendant moral » semblable à celui de l’actionnaire de contrôle de Québecor sur l’ensemble du caucus. Au cours des 35 prochains jours, « il y aura des coups sous la ceinture », prédit-il, pointant les accrochages survenus entre les aspirants-chefs durant le caucus présessionnel du PQ mercredi et jeudi à Gatineau.
Cela dit, la perspective de l’élection d’un chef n’étant pas le premier choix d’une majorité de membres en terrifie plus d’un au sein de la formation politique. Tous les chefs du PQ sans exception ont jusqu’ici été élus au premier tour ou encore été couronnés — ce qui ne les a pas pour autant immunisés contre la remise en question de leur leadership au cours de leur mandat.
Dompter le parti

La formation de l’équipe d’officiers — leader parlementaire, whip, président du caucus, etc. — et du cabinet fantôme ainsi que le redéploiement du personnel politique de l’aile parlementaire risquent de donner des maux de tête au successeur de « PKP ». S’il est élu chef, M. Cloutier, qui compte à ce jour sur l’appui de 12 députés, fera nécessairement des mécontents. Le député de Lac-Saint-Jean aura toutefois moins de difficulté à dompter l’« establishment » du PQ, du moins selon ses détracteurs.
Au Salon bleu, le nouveau chef devra réussir à « dominer par sa stature » le premier ministre Philippe Couillard ainsi que le chef du deuxième groupe d’opposition, François Legault. « Les libéraux vont s’ajuster au nouveau chef. Ils vont le mettre à l’épreuve, c’est sûr. Ça va se jouer beaucoup à la période des questions », estime le député de Rimouski, Harold Lebel, tout en rappelant que trois des quatre candidats à la chefferie sont des parlementaires aguerris.
La CAQ prise pour cible
« Le vrai adversaire du PQ, ce n’est pas le PLQ, c’est la CAQ », répète-t-on comme un mantra dans un PQ décidé à reprendre les commandes de l’État en 2018.
Plusieurs membres demeurent hantés par les résultats du scrutin de 2012. Écarté du pouvoir depuis plus de neuf ans, le PQ s’était vu confier les rênes d’un gouvernement minoritaire. La CAQ de François Legault avait joué les trouble-fêtes en mettant la main sur 19 circonscriptions. Malgré les allégations persistantes de corruption, le PLQ de Jean Charest avait quant à lui recueilli l’appui de pas moins de 31,20 % de l’électorat (contre 31,95 % pour le PQ).
À deux semaines de la rentrée parlementaire, le chef intérimaire Sylvain Gaudreault a sonné la charge. « Ce n’est certainement pas la Coalition avenir Québec, qui est un “one man show” autour de François Legault, qui est une droite populiste […],qui est un gouvernement en attente », a-t-il déclaré.

Les positions du PQ et de la CAQ sur des enjeux liés à l’identité québécoise revêtiront une importance particulière au cours des deux prochaines années, selon un ancien conseiller politique du gouvernement Marois. Les sorties des deux formations politiques au sujet du nombre d’immigrants à accueillir au Québec au cours de la dernière semaine constituent un avant-goût des tentatives des deux partis d’opposition pour s’imposer comme la solution de remplacement au gouvernement libéral en cette matière, et ce, tout particulièrement auprès de l’électorat francophone.
En privilégiant sans détour un fléchissement important du nombre de nouveaux arrivants à admettre au Québec, la CAQ a réussi à attirer l’attention des opposants à la politique d’immigration de l’équipe Couillard. Le PQ, qui dit ne pas être « contre » le maintien des seuils d’immigration en échange de ressources additionnelles pour l’intégration des immigrants, a été relégué au second plan du débat. « La CAQ fait exactement au PQ ce que le PQ lui a fait pendant le débat sur la charte des valeurs québécoises », est d’avis l’ex-conseiller politique.
Le PQ devra aussi préciser et marteler ses idées en matière d’économie, d’éducation et de santé tout en s’approchant de l’échéance électorale de 2018. « On le sent sur le terrain, les gens veulent se débarrasser des libéraux. Maintenant, c’est quoi l’alternative ? » dit M. Lebel.
Vers le congrès de 2017
Les qualités de leadership du nouveau numéro 1 du PQ seront rapidement mises à l’épreuve. En effet, il devra user de son pouvoir de persuasion afin que ses propositions de campagne à la chefferie se retrouvent sans grand changement dans le prochain programme politique du PQ, dont la version définitive sera adoptée par les membres lors du congrès national de septembre 2017. « Il ne faut pas l’oublier : aussitôt que la course à la chefferie sera finie, la proposition principale sera déposée. Au Parti québécois, il y a toujours des débats… », souligne M. Lebel dans un échange avec Le Devoir.« À mon avis, le chef aura à être beaucoup sur le terrain… Aller voir ce qui se passe dans chaque comté, c’est une job à gérer. On ne peut pas manquer notre congrès. »
Se voulant rassurant, le président du PQ, Raymond Archambault, soutient que « le parti est aujourd’hui beaucoup plus discipliné qu’autrefois ». « À l’époque, ça brassait au Parti québécois. Les congrès étaient houleux. C’était souvent difficile pour les chefs », fait remarquer l’ancien journaliste à Radio-Canada.
Les électeurs péquistes voteront à la fois pour un programme et pour une personnalité. « On choisit un chef pour ses idées. On choisit un chef aussi parce qu’on pense que c’est lui ou elle qui peut nous faire gagner l’élection. Je pense qu’il y a autant d’arguments d’un côté qu’il y a d’arguments de l’autre », fait valoir M. Archambault.
À cet égard, un ancien membre de l’état-major du PQ doute fort de la capacité de M. Cloutier de bénéficier d’un « effet Trudeau » au moment de la campagne électorale, en dépit de ce que plusieurs analystes politiques anticipent. « Il a une belle gueule, mais il n’a pas le “swag” de Trudeau. Cloutier, c’est un gars plate », résume-t-il.
Consultez notre tableau comparatif des principaux engagements et propositions des quatre candidats à la direction du Parti québécois:
Qui peut voter? Seuls les membres en règle du Parti québécois
Combien sont-ils? 70 000
Débats à venir 11 septembre à Sherbrooke et 25 septembre à Montréal
Déroulement du vote
• Chaque électeur inscrit reçoit par la poste un NIP et l’information détaillée concernant le vote téléphonique et par Internet.
• Au moment du vote, les électeurs inscrivent leur choix sur le bulletin (possibilité d’inscrire un premier, un deuxième et un troisième choix).
• S’il n’y a pas de majorité absolue dès le premier décompte, la candidature ayant obtenu le moins de votes ainsi que toutes les candidatures n’ayant pas obtenu 10 % des voix seront éliminées. Au deuxième décompte, les votes de deuxième choix des candidats éliminés seront reportés sur les candidatures toujours en lice.
Dévoilement des résultats 7 octobre