D²eux, une nouvelle fenêtre sur la jeunesse

Fonder une nouvelle maison d’édition dans le contexte de surabondance actuel, vraiment ? Quand on sait que plusieurs éditeurs peinent à vendre, que la durée de vie d’un livre rétrécit comme peau de chagrin, on peut remettre l’idée en question. Après avoir passé 20 ans à la barre des 400 coups et enseigné pendant 35 ans, Yves Nadon trouvait la vie bien calme, trop calme : « J’avoue que le projet est venu d’abord très égoïstement… Je ne me voyais pas ne plus faire d’édition et tant qu’à me lancer, je voulais tenir les rênes de tout. » C’est ainsi qu’est née D²eux.
La petite boîte créée par Yves Nadon et sa conjointe, France Leduc, publiera avant tout des albums. Modestement, prévient M. Nadon. « Je ne veux pas déborder. On veut garder ça petit. » Leur modèle dans le monde de l’édition québécoise ? Comme des Géants, répond-il sans hésiter. « Sans rien enlever aux autres, il y a une variété de gens intelligents qui proposent des livres aux enfants, mais Comme des Géants se démarque. »
Soucieux d’offrir des ouvrages de qualité, l’objectif premier de l’éditeur est d’atteindre les enfants là où ils sont : « J’espère d’abord qu’on va se rendre dans les classes. Puis, ouvrir une brèche et arriver à en vendre. » Il sait toutefois que la trajectoire est hasardeuse et la réception, souvent imprévisible.
Il raconte par exemple qu’Elliot, un magnifique album sur l’abandon (Julie Paerson, 400 coups), s’est vendu à environ 1000 exemplaires. « Quand on sait qu’il y a au Québec environ 1640 écoles primaires, ça veut dire même pas un titre par école… » Il souhaite que ses livres soient lus, travaillés, aimés par les professeurs et les élèves et que cet amour contribuera à développer leur goût de la lecture.
Et le contenu
D²eux, qui sera officiellement lancée en avril au congrès de Mots et de Craies — congrès sur la lecture organisé par Yves Nadon —, fera paraître cette année huit albums en plus de deux titres pédagogiques. Peu de titres, donc, mais de gros noms et des albums costauds écrits et illustrés autant par des Québécois que des étrangers, le tout dans un bouquet des plus diversifiés.
Parmi ces albums on pourra lire À qui sont ces grandes dents ? (Sandrine Beau, Marjorie Béal), un album graphiquement épuré dans lequel on aborde le thème de la peur dans une finale pleine de tendresse. En mars, on trouvera sur nos rayons un texte poétique sur les conséquences d’une séparation intitulé Lili entre deux nids, de la méconnue Jonna Lund Sorensen.
Fraîchement paru, et donc prêt à être déposé entre de petites mains, Tempête sur la savane frappe fort. Sur un texte hilarant de Michaël Escoffier et des illustrations de Manon Gauthier, ce conte étiologique combine habilement deux histoires décuplant instantanément le plaisir de lire. Paraîtront aussi en cours d’année un titre de Chris Van Allsburg, bien connu pour son célèbre Boréal Express, ainsi qu’un album bouleversant signé Thierry Lenain. Voilà un riche menu en perspective pour une maison inspirée et inspirante.