Double talent révélé

Dominick Parenteau-Lebeuf et Éléonore Goldberg
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Dominick Parenteau-Lebeuf et Éléonore Goldberg

Le trait au pinceau est noir, dense, mais il livre au final une poésie redoutable, d’une sensualité étonnante, dans cette Demoiselle en blanc (Mécanique générale), adaptation en bande dessinée par Éléonore Goldberg d’une pièce de théâtre imaginée il y a quelques années et recadrée ici par Dominick Parenteau-Lebeuf pour les besoins de la cause.

L’action se joue en partie dans la chambre noire abandonnée d’une maison de Berlin que la modernité vient de condamner à la destruction. On est 20 ans après la chute d’un célèbre mur et l’effacement de la trame urbaine de ses derniers stigmates. Depuis 1932, une jeune fille incrustée dans le négatif d’une pellicule photographique y attend pour y être révélée sur du papier. Elle trompe l’ennui en se divertissant avec un félin gribouillé sur un coin de table et surtout en comptant les jours qui la séparent de cet instant où, sur les dunes de l’île de Sylt, dans le nord de l’Allemagne, un photographe a volé son image et son intimité alors qu’elle commençait à se dévêtir pour se jeter à l’eau.

Tout est en évocation et en hypersymbolisme dans ce récit, inspiré par une série de nus photographiques du dadaïste franco-allemand Raoul Hausmann, qui, en passant par un négatif explore le thème de l’incarnation, du devenir d’une jeune fille qui se questionne sur les noirs, les blancs, lalumière et les contrastes qui vont finalement donner un sens à son existence.

Le texte de Dominick Parenteau-Lebeuf, à l’origine pleine d’images, trouve ici son complément parfait dans le coup de pinceau d’Éléonore Goldberg. Avec une certaine finesse, elle arrive parfaitement à traduire les ambiances, l’éclairage, le grain, l’esprit des photos d’Hausmann, à l’origine de toute cette histoire, dans un tout mis en dessin où la symbiose des corps avec la nature maritime, entre l’improbable et le fabulé, entre le négatif et ce qu’il révèle vraiment, est ici magnifiée.

Les rencontres entre le théâtre et la bande dessinée sont plutôt rares. Elles peuvent, comme ici, être pleines de charme.

La demoiselle en blanc

Dominick Parenteau-Lebeuf et Éléonore Goldberg, Mécanique générale, Montréal, 2016, 310 pages



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