L’intégrisme est un choix personnel, juge le premier ministre

Il ne faut pas confondre intégrisme et terrorisme. « Il y a beaucoup d’amalgames qui sont faits sur des concepts qui sont très distincts », a soutenu lundi Philippe Couillard.
Photo: Clément Allard La Presse canadienne Il ne faut pas confondre intégrisme et terrorisme. « Il y a beaucoup d’amalgames qui sont faits sur des concepts qui sont très distincts », a soutenu lundi Philippe Couillard.

Philippe Couillard n’a aucune intention de limiter le droit des intégristes de pratiquer une version radicale de leur religion, un choix personnel, selon lui, dans la mesure où ils respectent la loi.

« L’intégrisme, c’est une pratique religieuse poussée à l’extrême qui, tant qu’elle n’enfreint pas les droits des autres — des autres, exemple, les femmes —, bien sûr fait partie des choix personnels de chacun », a déclaré lundi Philippe Couillard, avant de participer au caucus présessionnel de ses députés.

Il ne faut pas confondre intégrisme et terrorisme. « Il y a beaucoup d’amalgames qui sont faits sur des concepts qui sont très distincts », a soutenu le premier ministre. Le terrorisme est « l’expression des extrémismes de tout type, bien sûr celui de l’islam radical, mais il y a d’autres extrémismes sur la planète. Mais celui-là est bien sûr celui dont on est préoccupé. »

Les propos de Philippe Couillard rejoignent ceux qu’a exprimés dans La Presse samedi Gérard Bouchard. « Il y a manifestement un lien entre intégrisme et terrorisme, mais l’un ne conduit pas nécessairement à l’autre. D’où la question : la prévention de la radicalisation religieuse conduira-t-elle à surveiller tous les intégristes et à restreindre leurs droits ? Ce serait inadmissible », juge l’historien et sociologue.

Le gouvernement Couillard travaille toujours sur un projet de loi portant sur la neutralité religieuse de l’État. « Il n’est pas exclu qu’il soit déposé lors de la [présente] session », a indiqué le premier ministre. Le contenu de ce projet de loi reprendra les mesures que le chef libéral a énoncées en janvier 2014 : obligation de donner ou de recevoir les services de l’État à visage découvert et balises en matière d’accommodements religieux. Il comprendra aussi des « outils » afin que la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) puisse intervenir plus efficacement.

Ce projet de loi, « c’est un élément parmi d’autres d’un ensemble beaucoup plus vaste », a signalé le premier ministre. Ainsi, la ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Kathleen Weil, doit présenter une nouvelle politique en matière d’immigration, qui précisera « le modèle d’accueil et d’intégration à notre communauté qui va faire en sorte que tout le monde puisse vivre en harmonie chez nous ».

En outre, Kathleen Weil préside un groupe de travail interministériel sur la lutte contre l’intégrisme, qui est chargé de définir un plan d’action et auquel participent les ministres de l’Éducation, Yves Bolduc, de la Protection de la jeunesse, Lucie Charlebois, de la Sécurité publique, Lise Thériault, de la Famille, Francine Charbonneau, et de l’Emploi et de la Sécurité sociale, François Blais.

La sécurité avant tout

 

Philippe Couillard a insisté sur l’enjeu de la sécurité de la population, un sujet qui était de toutes les discussions lors de son séjour en Europe. « Le premier mot toujours [qu’il a entendu] : sécurité, sécurité,sécurité. »

« On est quand même bien armés », a-t-il fait valoir, sans annoncer de nouvelles initiatives en matière de lutte antiterroriste alors que le gouvernement Harper s’apprête à déposer cette semaine un projet de loi qui accordera plus de pouvoirs aux policiers à cet égard. « La sécurité, encore une fois, c’est l’aspect important, mais ce n’est pas le seul aspect. Il faut prévenir, détecter dans les communautés et poser de multiples actions. »

Par ailleurs, Philippe Couillard a révélé qu’il s’était entretenu il y a quelques jours avec l’ambassadeur d’Arabie saoudite au sujet du cas de Raïf Badawi. Il ne croit pas à l’usage de sanctions à l’endroit du régime saoudien. « La plus certaine façon de les rendre encore plus radicaux et éloignés de nos valeurs, c’est de les maintenir dans l’isolement », estime le premier ministre.

Le malaise de Philippe Couillard

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, n’entend pas jouer au psy. Il a préféré s’abstenir de lier l’« insensibilité » du premier ministre Philippe Couillard aux questions identitaires québécoises avec son séjour en Arabie saoudite dans les années 1990, comme l’a fait le chef intérimaire du Parti québécois, Stéphane Bédard, jeudi dernier. « Dès qu’on parle de tous les dossiers qui sont identitaires, M. Couillard a un malaise. Ça vient d’où ? Il faudrait qu’un psychiatre s’assoie avec lui et regarde ça », a -t-il lancé en point de presse.

La réaction de M. Couillard après qu’il lui eut demandé trois fois plutôt qu’une à l’Assemblée nationale si un policier ou une policière doit arborer un signe religieux, était éloquente, selon M. Legault. « Il était choqué bien noir ! Il était tout rouge ! Il a un malaise évident. Pourquoi ? Je ne suis pas dans sa tête. Je ne sais pas. Même chose quand vient le temps de parler de la défense du français », a-t-il affirmé.

Le premier ministre libéral est « en contradiction avec ce que pensent la majorité des Québécois » de la plupart des enjeux identitaires. « Et ça, ça va le rattraper éventuellement », a averti M. Legault.
Marco Bélair-Cirino


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