Le congrès devra suivre le Oui massif, dit Lévesque
Rassuré par l’écrasante victoire du Oui au référendum interne qu’il avait ordonné, M. René Lévesque ne songe plus à démissionner de la présidence du Parti québécois et il croit que le congrès spécial du week-end prochain n’a d’autre choix que de suivre la voie tracée par les membres et les associations de comtés.
C’est entre deux séances de la réunion spéciale de trois jours que son cabinet poursuit à l’auberge Alpine Inn de Sainte-Marguerite que le premier ministre a rencontré les représentants de la presse pour commenter les résultats du référendum. Dans une proportion de 95 %, des 143 000 suffrages exprimés, les membres du parti ont voté en faveur d’une révision des décisions du congrès de décembre dernier concernant les trois principes fondamentaux de l’accession démocratique à la souveraineté, de la souveraineté assortie d’une offre d’association économique avec le reste du Canada et du respect des minorités ethniques et culturelles.
Pour M. Lévesque, les résultats du référendum constituent un « précédent extraordinaire », une preuve de vivacité qui « donne le vrai visage du parti », un visage que les « esprits les plus sombres » et les adversaires politiques ne « pourront plus déformer ». Cette marque de confiance que les membres du parti viennent de lui témoigner lève la menace de démission que M. Lévesque laissait planer depuis le congrès de décembre dernier : « Cela m’enlève le goût d’y penser. »
Aux sceptiques qui ont longtemps cru qu’il s’agissait d’un bluff et qu’il n’a jamais vraiment eu l’intention de démissionner, M. Lévesque objecte que sa remise en question était tout à fait authentique et qu’il n’aurait jamais pu vivre la présidence de ce parti avec les orientations décrétées par les congressistes de décembre. Il a donc confiance que, dans un premier temps, le conseil national à huis clos prévu pour vendredi soir permettra de faire les mises au point qui s’imposent et de tirer les leçons de cette consultation auprès des 292 000 membres du parti.
Quelle est la marge de manoeuvre des délégués du congrès spécial convoqué à Montréal pour le week-end prochain ? Le président du PQ admet qu’elle est bien mince, sinon nulle. M. Lévesque a pleine confiance que les congressistes sauront tenir compte des volontés exprimées par la base militante et accepteront, à leur tour, d’endosser les trois principes énoncés dans la question du référendum : accession à la souveraineté moyennant l’accord majoritaire de la population québécoise, l’obligation pour un gouvernement souverain issu du PQ d’offrir au reste du Canada une véritable association économique et respect des droits, institutions et établissements scolaires des minorités ethniques et culturelles.
Après un plébiscite aussi retentissant en faveur du chef du parti, qu’advient-il du sort des dissidents et des « agitateurs » qui avaient « manipulé » le congrès de décembre ? M. Lévesque se défend bien d’avoir jamais eu l’intention de les expulser du parti. « Ce n’est pas un parti cloîtré et personne n’a les pouvoirs d’y empêcher la liberté de discussions ». Ceci dit, M. Lévesque rappelle que la
Dévoilés plus tôt dans la journée hier par Mme Louise Cuerrier, les résultats du référendum indiquent par ailleurs que le taux de participation a été de moins de 40 % chez les militants de 16 associations de comtés et qu’elle fut seulement de 25,6 % dans le comté de Drummond. Un phénomène d’abstention que la présidente du scrutin a expliqué par les nombreux déménagements de résidants de cette région. Par contre, les plus forts taux d’opposition à la question du référendum ont été enregistrés dans les comtés d’Abitibi-Est, d’Argenteuil, d’Iberville, de Mont-Royal, de Notre-Dame-de-Grâce, de Sainte-Anne, de Saint-Henri et de Mercier. Contre les 95 % de répondants qui ont voté Oui, seulement 3,5 % ont voté Non, tandis que 1,5 % de bulletins furent rejetés.
Pour sa part, le vice-président du parti, M. Sylvain Simard, a émis l’opinion que le PQ venait de franchir une importante étape dans sa marche vers l’indépendance et que la réponse massive des militants de la base prouve que ce parti est plus uni et vivant que jamais.
Lors de la conférence de presse qu’il a donnée en fin de journée à l’auberge Alpine Inn, le premier ministre Lévesque était flanqué du ministre d’État au Développement économique et membre de l’exécutif national M. Bernard Landry, qui a dit voir dans les résultats de ce référendum une unanimité qui n’existait pas au lendemain du congrès de décembre. Dans l’esprit de M. Landry, le parti projette maintenant une image « plus claire et homogène ».
Les délibérations du cabinet spécial de Sainte-Marguerite se déroulent dans un climat de méfiance à l’endroit des représentants de la presse. Depuis l’élection du PQ en 1976, de telles mesures de sécurité ne s’étaient jamais vues. Les journalistes ont strictement accès au hall d’entrée de l’Alpine Inn et, chaque fois qu’ils sentent le besoin d’aller aux vespasiennes ou de téléphoner à leur direction de l’information, ils doivent se faire accompagner d’un garde-du-corps ou encore de l’attachée de presse du premier ministre. Ce déploiement des forces de l’ordre a intrigué les journalistes, qui ont profité de la conférence de presse pour obtenir les explications du premier ministre. « C’est tout à fait légitime », a répliqué M. Lévesque, qui allègue que la gravité des sujets discutés commandait de telles précautions. Et il s’est dit convaincu que les journalistes n’auraient même pas osé soulever la question s’il s’était agi du premier ministre Trudeau et de son entourage.
Les ministres terminent aujourd’hui leurs discussions sur la crise des finances publiques.
Le Devoir