La déprime frapperait plus fort à Montréal qu'à Toronto

Les Torontois seraient vraisemblablement moins déprimés que les Montréalais parce que l'heure à laquelle ils sautent du lit se rapproche davantage du lever du soleil que celle de la métropole québécoise. Ainsi en se lovant moins longtemps dans les bras de Morphée, les Torontois se protégeraient de la dépression, qui serait induite par un excès de sommeil profond.

Le Dr Henry Olders, professeur au département de psychiatrie de l'université McGill, en est venu à cette hypothèse après avoir comparé les taux de dépression observés dans cinq villes états-uniennes et neuf cités européennes voyant le soleil se lever à des moments différents de la journée. Dans la capitale de l'Islande, par exemple, où le soleil pointe ses rayons assez tard dans la matinée, on compte presque trois fois moins de personnes déprimées qu'à Londres où l'astre apparaît beaucoup plus tôt.

Contrairement aux agriculteurs qui se lèvent toujours à l'aube pour être en phase avec leurs animaux, les citadins se synchronisent plutôt sur l'heure affichée à leur horloge, souligne le Dr Olders, psychiatre à l'Hôpital général juif de Montréal. Alors que les Londoniens et les habitants de Reykjavik se lèvent en moyenne vers 7 heures pour arriver à leur lieu de travail vers 9 heures, les Islandais sortent du lit bien avant les premières lueurs du jour tandis que les Britanniques s'éveillent alors que le soleil se hisse à l'horizon. «On en déduit donc que plus les personnes se réveillent tôt par rapport au lever du soleil, moins elles sont nombreuses à sombrer dans la déprime», affirme le Dr Olders.

Bien que Toronto et Montréal se situent dans le même fuseau horaire de l'Est, le soleil se lève 25 minutes plus tard sur la ville Reine que sur sa jumelle située plus à l'Est, rappelle le chercheur. En raison de cette différence, «on peut donc prédire qu'il doit y avoir des taux de dépression moins élevés à Toronto qu'à Montréal», déclare le professeur.

Mais pourquoi se lever aux aurores serait-il efficace pour prévenir la dépression? «En se levant tôt, on supprime la plus longue période de sommeil paradoxal de la nuit, souligne le Dr Olders. Or, trop de sommeil paradoxal favorise l'apparition de la dépression.»

Le sommeil paradoxal correspond à ces courtes périodes de rêve pendant lesquelles les yeux bougent rapidement, et qui reviennent toutes les 90 minutes en alternance avec des périodes de sommeil lent. De très courtes durées au début de la nuit, ces moments de sommeil profond peuvent atteindre 45 minutes au petit matin. Or en se levant une heure plus tôt chaque matin, on élimine ainsi la plus longue phase de sommeil paradoxal.

Comme il semble possible de diminuer la prévalence de la dépression en calquant nos habitudes sur les mouvements du soleil, le Dr Olders suggère notamment de revoir les limites de nos fuseaux horaires. Montréal devrait adopter l'heure de l'Atlantique, qui devance actuellement de 60 minutes les aiguilles de nos montres, propose-t-il. Mieux encore, la ville aux cent clochers devrait demeurer à l'heure avancée en hiver et allonger les soirées d'été de deux heures supplémentaires par rapport à l'heure normale.

Il serait également préférable d'éliminer le changement d'heure à l'automne qui déclenche de nombreuses dépressions saisonnières. «Le retour à l'heure normale à la fin d'octobre permet soudainement aux habitants des villes de dormir une heure additionnelle le matin, explique Henry Olders. Or, cette grasse matinée permise subitement accroît la quantité de sommeil paradoxal que la personne traverse au cours de la nuit.»

Le temps de sommeil plus que la lumière serait en cause dans l'apparition des symptômes de la dépression, croit le Dr Olders qui ne nie toutefois pas l'impact bénéfique de la lumière. La preuve: les habitants de Reykjavik, qui sont plongés dans le noir plus longtemps que les Londoniens durant l'hiver, sont par contre moins frappés par la dépression que les Britanniques.

Le chercheur interprète même le cours de l'histoire de ce pays... «Compte tenu du fait que cette maladie entraîne une grande perte de productivité, la prévalence plus élevée de dépression à Montréal qu'à Toronto expliquerait peut-être le déménagement des sièges sociaux de plusieurs grandes entreprises et maisons financières de Montréal à Toronto, avance-t-il. Peut-être même que l'adoption des fuseaux horaires au Canada en 1883 a joué un rôle dans le fait que Montréal a perdu son titre de métropole économique du Canada.»

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