L'urgence de diminuer la violence télévisée
La violence télévisée exerce une influence indéniable sur tous les enfants. Elle ne transforme pas tous les enfants en criminels et elle n'est pas seule à influencer les enfants. Mais les études effectuées conduisent toutes à la même conclusion: les risques qu'elle fait courir à un nombre grandissant d'enfants auront un jour des répercussions sur la qualité de vie et le sentiment de sécurité de l'ensemble de la société.
C'est dans ce contexte que les organismes signataires invitent la population québécoise à appuyer une demande au gouvernement fédéral afin de réglementer la violence télévisée présentée aux enfants.La présente campagne vise également à fournir aux parents des moyens concrets d'intervenir auprès de leurs enfants. Elle vise enfin à susciter dans les classes des interventions pédagogiques sur ce problème.
Historique
La première campagne d'envergure pour diminuer la téléviolence au Canada a eu lieu au Québec en 1989. Elle avait deux objectifs:
- éliminer des ondes les émissions pour enfants faisant la promotion de la violence comme façon normale de résoudre les conflits;
- renvoyer en fin de soirée la diffusion des films de grande violence afin d'en protéger les enfants.
La décision d'organiser cette campagne faisait suite à l'augmentation considérable de la violence en Amérique du Nord au cours des années qui précédaient. Le taux de crimes violents a en effet été multiplié par quatre au Canada, entre 1962 et 1989. Au cours de la même période, on a observé une croissance exponentielle de l'incitation à la violence en provenance des États-Unis, cela autant par l'entremise de la télévision que de nombreux autres véhicules culturels: jouets, jeux vidéo, musique...
Dès le départ, des artistes de renom, reconnus pour leur prise de position sur la liberté d'expression, ont appuyé cette campagne. La censure n'est en effet pas en cause ici. Les adultes qui tiennent absolument à voir des films de grande violence, peuvent facilement les enregistrer à l'aide de leur magnétoscope ou les louer au club vidéo. Les deux règlements proposés n'avaient pour but que d'économiser la santé mentale de nos enfants. S'ils avaient été adoptés, ils auraient permis d'envoyer un message clair sur les dangers de la téléviolence, comme cela a été fait avec la cigarette.
Le résultat fut une pétition de près de 200 000 noms, dont la signature s'est terminée deux semaines avant la tuerie de l'École polytechnique. La pétition a finalement pris un sens particulier quand il est devenu connu que l'auteur de la tuerie était grand amateur de films violents.
Au printemps 1990, le ministre des Communications, Marcel Masse, a par la suite mandaté le président du CRTC, Keith Spicer, pour former une table de négociation comprenant les directions des chaînes de télévision québécoises et les représentants de la pétition. Les discussions ont duré un an. Avec un résultat mixte. Elles ont d'abord conduit TVA à retirer des ondes les séries du style G.I. Joe. Cependant, il a été impossible de s'entendre sur une politique générale. Il faut souligner ici que les émissions visées provenaient presque toutes des États-Unis.
En 1993, à la suite de l'assassinat de sa soeur de 11 ans, la petite Virginie Larivière (13 ans) a repris le flambeau et recueilli 1,5 million de signatures, dont près de la moitié au Québec.
Devant un tel raz de marée, le premier ministre Mulroney a promis d'agir. Il invita les diffuseurs à s'autoréglementer. Les expériences étrangères avaient pourtant fait la démonstration que ce genre de solution ne fonctionne pas.
Un code d'autoréglementation sera effectivement mis en place par les télédiffuseurs, en janvier 1994.
Une campagne en 2003
Récemment, deux professeurs de l'Université Laval rendaient publique une étude montrant que la téléviolence a augmenté de 432 % dans les réseaux privés québécois depuis que les télédiffuseurs ont adopté leur code d'autoréglementation. Ces résultats illustrent une fois de plus qu'il est illusoire de compter sur la bonne volonté des diffuseurs pour diminuer la téléviolence.
Il semble donc urgent de réagir et d'obtenir, cette fois-ci, une réglementation permanente qui permette d'aider les parents et les écoles à prévenir la violence.
Nous invitons donc tous les organismes et conseils d'administration à adopter une résolution invitant le gouvernement fédéral à réglementer la violence télévisée. Les citoyens sont également invités à signer une pétition dans le même sens.
En parallèle, des outils pédagogiques ont été préparés à l'intention des enseignantes et des enseignants pour leur permettre de développer l'esprit critique des enfants face à ces héros violents qui leur sont quotidiennement offerts pour meubler leur imagination.
Enfin, il ne faut pas se contenter de demander au gouvernement d'agir; il existe aussi un «gouvernement familial» qui peut agir. C'est pourquoi nous proposons des conseils pratiques aux parents désireux d'intervenir auprès de leurs enfants.
Bref, il est urgent que tous les acteurs sociaux se mobilisent pour protéger nos enfants contre cette incitation à la violence qui ne cesse d'augmenter. Que sommes-nous donc en train de faire à nos enfants quand nous les inondons d'émissions violentes à l'heure où ils la regardent?
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Rose-Marie Charest
Présidente de l'Ordre des psychologues
Dr Yves Lamontagne
Président du Collège des médecins
Dr Pierre Gaudreault
Président de l'Association des pédiatres du Québec
Dr Dominique Cousineau
Porte-parole de l'Association des pédiatres du Québec
Dr Richard Lessard
Directeur de la Direction de prévention et de santé publique de Montréal-Centre
Michel Turcotte
Président de l'Ordre des conseillers et conseillères d'orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec
Marcel Renou
Vice-président de l'Ordre des conseillers et conseillères d'orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec
Louis Beaulieu
Président-directeur général de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec
Dr Brian Bexton
Président de l'Association des médecins psychiatres du Québec
Mgr Gilles Lussier
Président du comité des affaires sociales à l'Assemblée des évêques du Québec
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