Feu vert aux lesbiennes pour l'insémination artificielle

Tenu par une pipette d’un bord et troué par une micro-perceuse de l’autre, cet embryon de trois jours issu de la fécondation in vitro doit passer le test. Si la cellule prélevée pour analyse s’avère être impeccable, il sera alors implanté da
Photo: Tenu par une pipette d’un bord et troué par une micro-perceuse de l’autre, cet embryon de trois jours issu de la fécondation in vitro doit passer le test. Si la cellule prélevée pour analyse s’avère être impeccable, il sera alors implanté da

Ottawa - Le gouvernement fédéral s'apprête à écrire noir sur blanc dans ses lois qu'il est illégal d'empêcher les lesbiennes d'avoir recours aux nouvelles techniques de reproduction, y compris l'insémination artificielle.

C'est par son nouveau projet de loi C-13 portant sur les techniques de reproduction assistée, lequel est toujours à l'étude, qu'Ottawa apportera cette précision. Le projet de loi sera voté en troisième et dernière lecture d'ici une dizaine de jours.

L'amendement apporté aux principes du projet de loi prévoit en effet qu'il est discriminatoire d'interdire l'accès à ces techniques de reproduction sur la base de l'orientation sexuelle de la personne ou de son statut marital. En d'autres mots, les lesbiennes tout comme les femmes seules ne pourront plus se faire interdire l'insémination artificielle. C'est le député bloquiste Réal Ménard qui avait piloté cette modification du projet de loi. «C'est un changement assez majeur», a-t-il expliqué en entrevue avec Le Devoir.

Le changement avait été suggéré par l'Association des mères lesbiennes du Québec. «Nous portons des enfants, que nous ayons ou non accès à ces services, alors... », laisse tomber Mona Greenbaum, la coordonnatrice de l'organisme. Selon elle, il fallait réduire les risques pour la santé. Faute de solutions de rechange, certaines femmes recueillent le sperme d'un ami pour avoir un enfant, mais cela les expose quand même au risque de contracter des maladies transmises sexuellement.

Au Québec, l'insémination artificielle est accessible pour ces femmes dans seulement trois cliniques, dont l'une se trouve à Québec et les deux autres à Montréal, soit Procrea et le Centre de fertilité de Montréal. Les comités d'éthique des autres cliniques refusent de traiter ces femmes. «Quelqu'un qui habite à Sherbrooke n'a pas accès à ce service», explique Mme Greenbaum, mais ce n'est pas le cas dans les autres provinces, comme l'Alberta ou le Nouveau-Brunswick. Avec cette législation, tout le monde devra suivre le pas.

John Fisher, du groupe Égale, rappelle qu'une cause impliquant un couple de lesbiennes s'étant vu refuser des services de fertilité en Colombie-Britannique a atterri devant les tribunaux il y a quelques années. Les femmes avaient gagné leur cause. Au cabinet de la ministre de la Santé, Anne McLellan, on insiste pour dire qu'on ne crée pas un nouveau droit avec le projet de loi, qu'on ne fait que «souligner un droit».

Le projet de loi d'Ottawa interdit 13 pratiques médicales, dont le clonage humain à des fins de reproduction et de recherche. De plus, il comprend une longue liste de pratiques qui seront réglementées, comme la recherche sur les cellules souches provenant d'embryons humains ou encore toutes les activités des cliniques de fertilité (qui ne sont pour l'instant soumises à aucune norme uniforme).

Le projet de loi fait face à une forte opposition, dont des mesures dilatoires de l'Alliance canadienne. Le gouvernement n'entend pas pour autant limiter les débats avant de tenir le vote final dans deux semaines. «Il ne sera pas nécessaire de mettre le bâillon, a indiqué en entrevue le leader en Chambre, Don Boudria. Le vote à l'étape du rapport [l'avant-dernier vote à la Chambre des communes], c'est là que ç'a été difficile. J'étais nerveux. Mais là, il n'y a plus de problème.»

M. Boudria indique toutefois que ce sera un vote de confiance et que tous les députés libéraux devront voter avec le gouvernement. Car certains d'entre eux sont opposés au projet de loi, en particulier les membres du «caucus pro-vie», avec le député Paul Szabo en tête. «L'Alliance canadienne, aidée par certains députés libéraux, veut en faire un débat pro-vie/pro-choix», soutient Réal Ménard. Judy Wasylycia-Leis, député néo-démocrate, abonde dans ce sens, mais les principaux intéressés s'en défendent bien. «Ce n'est pas à propos de l'avortement du tout», lance l'allianciste Rob Merrifield.

Le Bloc québécois, bien que d'accord avec le fond du projet de loi, votera contre puisqu'il y voit une série d'empiétements sur les compétences provinciales.

Le Nouveau Parti démocratique aussi s'y opposera, car il considère que le projet de loi ne va pas assez loin. Le NPD aurait notamment voulu inscrire dans la loi que le conseil d'administration de la future Agence canadienne de contrôle de la procréation assistée, qui sera responsable de toute la réglementation du domaine, soit formé majoritairement de femmes. Cet amendement a été refusé par la ministre.

On aurait aussi voulu au NPD interdire la présence de représentants de l'industrie pharmaceutique au conseil de l'Agence afin d'éviter tout conflit d'intérêts. Une demande également rejetée par le gouvernement.

L'Alliance canadienne demandait aussi cette protection et c'est une des raisons de son opposition au projet de loi.

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