Au royaume des sous-héros, les zérosexuels

Jamil: «Moi, je cherche ma mère, c’est clair!»
Photo: Jamil: «Moi, je cherche ma mère, c’est clair!»

Pour les mêmes raisons que je ne le laisse pas écouter Les Parent — parce ce qu'on apprend par imitation et que je n'ai pas l'intention de devenir aussi névrosée que le personnage d'Anne Dorval —, je ne voudrais pas que mon B tombe sur Les Invincibles, même dans dix ans.

Des plans pour qu'il fasse de ce quatuor d'invertébrés ses zéros de conduite, sa guerre des étoiles sentimentale. Plus couillons, plus poltrons, plus irresponsables, plus médiocres, tu peux encore espérer t'en tirer avec la justice et avec certaines femmes.

D'ailleurs, à la fois impitoyables et sûres d'elles, ces blondes-copines prennent de plus en plus de place dans Les Invincibles, troisième mouture. Elles endossent clairement une position maternante et infantilisante qui n'est pas sans rappeler le personnage national de la matante. Dans le second épisode, elles les envoient même réfléchir durant une semaine comme on expédie un enfant dans sa chambre. «Chut! J'veux pas t'entendre! J'ai dit!», tranche Line-la-pas-fine, la plus nazie d'entre elles.

Même si nous frôlons la caricature côté garçons, même si les masculinistes pourront une fois de plus déplorer la féminisation des hommes, côté filles, le portrait demeure plus ou moins fidèle: des femmes archi-contrôlantes aux prises avec une dynamique tordue côté coeur. Côté cul, on est en droit de se demander si une telle relation nécessite des moyens contraceptifs ou si la castration psychologique suffit.

La question reste entière: qu'est-ce que ces filles, qui semblent avoir complété leur secondaire V, trouvent à Steve, P-A, Rémi et Carlos? À la loterie de l'amour, ces sous-hommes versant dans la demi-portion sont tout ce qu'elles pensent mériter? Elles n'ont pas d'estime d'elles-mêmes et cherchent à expier une faute grave? Elles n'ont jamais songé à devenir lesbiennes, à s'expatrier au Brésil ou à suivre les traces de mère Teresa à Calcutta?

Pitié pour les bums

J'ai visionné le premier épisode deux fois. La seconde, en compagnie de Jamil, mi-Marocain, mi-Français, Québécois d'adoption, chanteur et musicien, propriétaire des bars Le Petit Medley et du Gainsbar dans Rosemont. Des mecs, il en fréquente, il en observe et il en écoute. Jamil a même commis un album qui s'intitule Pitié pour les bums après avoir remporté un beau succès avec son Pitié pour les filles.

Malgré ses 48 berges, son nouveau statut de célibataire et ses expériences personnelles et professionnelles sur trois continents, le bum en question prétend ne toujours rien comprendre à l'amour. Mais Jamil est plutôt perspicace pour ce qui est de saisir les motivations qui y mènent: «Le gars se fait toujours choisir. La fille lui signale s'il peut ou pas. Il suit ses fantasmes. S'il n'est pas heureux, il part suivre d'autres fantasmes. Simple comme ça.»

Ma copine Mimi, 70 ans, dit toujours que les gars sont menés par le désir et les filles, guidées par leurs scénarios. «On les "marie" avant de les connaître», soupire-t-elle. Ça ne semble jamais aussi évident que dans un épisode des Invincibles. Le mariage de Carlos, c'était le scénario de Line-la-pas-fine. Les alliances en retard apportées par P-A, celui de Marie-Ange. La limo conduite par Rémi, celui de Vicky, et les centres de table perdus par Steve, celui de Cynthia.

Selon Jamil, ces Invincibles frôlent tellement la caricature qu'il a peine à embarquer: «Ce sont des émissions produites pour les filles. Je te dis pas que ça n'existe pas, mais en huit ans, dans mes deux bars confondus, j'ai dû en rencontrer quatre qui ressemblent à ça. C'est très loin d'être une généralité. Rentrer bourré, c'est une exception, ce n'est même pas encouragé et ça ne fait pas de toi un héros», me dit celui qui achète son pinard au prix du gros et monte sur scène avec son verre de vin. Et si la lucidité est la blessure la plus proche du soleil (René Char), Jamil est probablement le mec le plus ensoleillé que je connaisse.

Chercher sa mère et la trouver

«Moi, je cherche ma mère, c'est clair; elle est super, ma mère!, confesse Jamil. Ma mère est d'accord, les filles, non. Parlez-vous, crisse! C'est quoi le problème?» Ce qui ne l'empêche pas de remarquer au bout de dix minutes de visionnement en compagnie de nos quatre anti-héros: «Pourquoi les femmes se responsabilisent toujours à notre place? Ces filles-là on choisi des mecs faciles à manipuler, c'est tout.»

Et nos Invincibles cumulent bourdes par-dessus bourdes pour mieux se faire pardonner, le remords entre les jambes quand ce n'est pas la torche électrique... «Ça, c'est peut-être une façon d'aller vérifier si la fille t'aime vraiment», glisse Jamil, toujours conscient de chercher l'amour inconditionnel de sa maman. Y a vraiment des torches électriques au derrière qui se perdent. Comme chantait Piaf: «Johnny, Johnny / Depuis que le monde est né / Il faut tout vous pardonner.»

Très loin du répertoire français, je suis retombée sur une phrase que Patrice Robitaille (Steve/la torche) avait échappée devant moi il y a trois ans: «Les filles aiment les vrais bums, pas les trous-de-cul naïfs mais les trous-de-cul compliqués qu'elles vont essayer de changer.» On se rapproche de plus en plus du soleil, même en janvier sous zéro.

«Comme disait une de mes amies: on fait tout pour essayer de les changer pis après... on change, rigole Jamil. Le vrai problème, c'est qu'il n'y a plus de gagnant dans l'arrangement. Avant, le mec pourvoyait; il y avait au moins un gagnant sur deux. Maintenant, on se fait tout reprocher. T'es trop comme ci, t'es trop comme ça. Écoute ma chanson Je ronfle, c'est ce que je raconte. Ce ne sera jamais parfait, c'est une quête. T'as remarqué? Les mecs ont beaucoup plus de défauts depuis qu'ils n'assurent plus l'essentiel.»

Et au fond, c'est peut-être ce qu'on leur reproche inconsciemment. De ne plus nous sécuriser comme un épisode de Papa a raison.

cherejoblo@ledevoir.com

***

«Boys will be boys, dans l'cul!» - Line-la-pas-fine, Les Invincibles

«Tu dis que tu m'aimes comme je suis, mais j'ai jamais été comme tu m'aimes.» - Jamil, Je ronfle

***

Joblog - Les Sednasexuels

Mes marins passent l'hiver sur le voilier Sedna, immobilisés dans la neige et la glace du Vieux-Port. Cette semaine, j'essayais de leur expliquer ce qu'est un métrosexuel, un ubersexuel, un hobosexuel, un biosexuel, un nitrosexuel, un gastrosexuel et un zérosexuel. «Et nous, on est quoi?», se sont-ils demandé, vaguement inquiets.

Ils étaient quatre, de la vingtaine à la cinquantaine, les yeux rivés sur moi. «Vous entrez dans la catégorie Sednasexuels, pour l'instant», ai-je décrété.

Ces jours-ci, mes Sednasexuels sont pâmés sur une fille de 34 ans, tous la même. Elle s'appelle Samantha Davies et mène son cheval de course de 18 mètres, Roxy, au Vendée Globe. Vous irez visionner ses vidéos, elle est étonnante.

Mes marins veulent tous partir en mer avec elle et je soupçonne qu'ils cherchent l'éternel féminin dans la mer, mais bon, on peut se tromper. C'est peut-être Samantha qu'ils recherchent, tout simplement. www.vendeeglobe.org.

www.chatelaine.com/joblo

***

Visité: le blogue Hier j'tais chaud écrit par Goyette et Michaud, deux autres «invincibles» très imbibés (ou c'est peut-être un seul qui voit double) qui connaissent un certain succès dans la blogo, surtout auprès de leur public masculin. En date du mercredi 14 janvier, Goyette répond à un questionnaire du Centre de réadaptation pour personnes alcooliques.

1. Il m'arrive de consommer de l'alcool pour fuir les tracas.

«Pas particulièrement pour fuir les tracas, donc non. Il m'arrive plus souvent de fuir pour consommer de l'alcool, si vous voulez vraiment savoir.»

2. Ma consommation d'alcool m'aide à fonctionner.

«Je dirais non en général. Ma consommation m'empêche de marcher ou de conduire décemment, alors c'est plutôt le contraire. Tu parles d'une question.»

Vous irez lire la suite sur le blogue si intérêt... http://hierjtaischaud.blogspot.com.

Déprimé: en lisant des extraits de Presque 39 ans, bientôt 100 de Fred Dompierre (Boréal), le récit d'un autre zérosexuel affligé du syndrome Peter Pan et doublé d'un pochard de première. «La nuit dernière, j'ai bu tout le gin du monde, après deux mois d'abstinence. Quand je bois, je ne bois que le soir ou la nuit, presque jamais le jour, et ce qui m'emmerde le plus le matin venu, hormis la gueule de bois, c'est de devoir attendre au soir pour continuer», écrit l'auteur qui a 43 ans aujourd'hui. On ne sait trop s'il est affligé du syndrome de la Tourette, de maniacodépression, d'alcoolisme ou d'un mal de vivre littéraire de bon ton. Personnellement, j'ai trouvé ça vomitif et je n'avais rien bu. J'ai abandonné le livre, et le mec.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

À voir en vidéo