Le bébé «clone» reste dans l'ombre
Le premier bébé cloné revendiqué par la secte des Raéliens, est rentré hier «à la maison», mais pas aux États-Unis, et un prélèvement génétique devrait avoir lieu dès aujourd'hui pour confirmer la réalité du clonage, a affirmé la présidente de Clonaid, Brigitte Boisselier.
«Le bébé rentre à la maison aujourd'hui. Je ne vais pas être plus spécifique que ça», a déclaré hier à l'AFP Mme Boisselier, jointe par téléphone.En entrevue, de son côté, le chef de la secte, Raël, a affirmé qu'environ 2000 personnes sont actuellement prêtes à se faire cloner moyennant 300 000 $ chacune.
La société de clonage humain, Clonaid, dont les bureaux se trouvent à Las Vegas (Nevada), a été fondée par les Raéliens, une secte ufologique installée au Canada et qui professe que des extraterrestres ont créé l'espèce humaine par clonage il y a 25 000 ans.
Mme Boisselier a refusé d'indiquer le lieu du domicile des parents d'Ève, qui sont selon elle un couple d'Américains.
Vendredi, lors d'une conférence de presse en Floride, la scientifique française avait affirmé — mais sans en apporter la moindre preuve — qu'une petite fille conçue par clonage et surnommée «Ève» était née par césarienne jeudi dans un hôpital, dans un pays en dehors des États-Unis, et qu'elle rentrerait à la maison «dans trois jours».
Plusieurs médias rapportaient hier que le bébé était en route pour les États-Unis. Des experts cités par ces médias, doutaient qu'un bébé obtienne un passeport aussi rapidement ou qu'il puisse prendre l'avion si peu de temps après sa naissance.
L'andrologue américain Panayiotis Zavos, également lancé dans la course au clonage humain, a affirmé sur la chaîne de télévision CNN que «d'un point de vue médical, un bébé venu au monde par des voies naturelles ne doit pas voyager par avion avant deux semaines et un bébé né par césarienne pas avant quatre semaines».
Interrogée à ce sujet, Mme Brigitte Boisselier a éclaté de rire: «Je ne sais pas qui a parlé d'histoire d'avion, et il ne rentre pas forcément aux États-Unis. J'ai dit seulement qu'il rentrait à la maison.»
À la question de savoir si le domicile des parents américains en question se trouvait donc à l'étranger, elle a affirmé: «Ben voilà!»
La scientifique française a accepté de donner à un journaliste américain «indépendant» accès à la mère et au bébé pour des tests d'ADN qui prouveraient de manière indiscutable qu'Ève est bien un clone.
Les prélèvements d'échantillons d'ADN, qui serviront à établir l'empreinte génétique du bébé et de sa mère, vont avoir lieu aujourd'hui et le résultat des analyses sera disponible dans environ une semaine, a précisé Mme Boisselier à l'AFP.
C'est la mère, une Américaine de 31 ans, qui a été clonée, selon Mme Boisselier. Le bébé serait donc sa copie génétique, sa «jumelle» à 31 ans d'intervalle.
Liste d'attente
Par ailleurs, Raël, de son vrai nom Claude Vorilhon, a affirmé que Clonaid, la compagnie qu'il a fondée en 1997, mais dont il s'est distancé depuis, aurait une liste d'attente de 2000 noms de personnes prêtes à se faire cloner, contre 300 000 $.
«[Clonaid] est une entreprise commerciale et son objectif est de gagner le plus d'argent possible, et j'espère qu'elle en gagnera le plus possible», a dit Raël, dimanche, lors d'une longue entrevue accordée au Miami Herald, en Floride, où il a ses quartiers d'hiver.
Selon lui, le présumé clonage de la petite Ève est une très belle «étape». «Mais c'est juste une étape», a-t-il dit.
«L'objectif ultime est de procurer la vie éternelle à l'humanité grâce au clonage. La prochaine étape, qui sera découverte bientôt, consistera à ce que nous appelons la multiplication cellulaire accélérée.»
«Donc, au lieu d'avoir besoin de neuf mois, puis de 18 ans pour faire un adulte, avec une technologie spéciale, un adulte pourra faire une copie de lui-même en quelques heures. Cette copie ne sera qu'un ruban vierge, vide de mémoire et de personnalité.»
Raël s'attend à ce que l'«étape trois» se matérialise à peu près au même moment. Avec les progrès de la neurologie et de l'informatique, d'ici 20 ou 25 ans, les scientifiques pourront, croit-il, transférer le contenu du cerveau d'une personne âgée dans celui de son clone.
«Au moment où vous êtes prêt à mourir, vous créez un — jeune — clone adulte de vous-même et vous téléchargez votre mémoire et votre personnalité à l'intérieur de ce nouveau corps, et c'est ainsi que vous vivez pour toujours.»
Selon lui, sa «religion», qui se trouve à l'avant-garde de la philosophie et de la science, prend en considération de nouvelles technologies que les autres religions se refusent à intégrer à la foi.
«Nous vivons dans un monde qui est devenu compliqué. Le problème tient au fait que vous avez des hommes d'aujourd'hui avec des technologies de l'avenir et une philosophie du passé», a-t-il soutenu.
«Les gens sont perdus, mal guidés par des religions primitives [É] qui tentent de ralentir la science. Rien ne peut ralentir la science.»
Perquisitions
En Corée du Sud, les autorités judiciaires ont annoncé hier avoir procédé à des perquisitions dans des locaux de la filiale sud-coréenne de Clonaid, BioFusion Tech Inc.
Située dans la ville de Daegu, dans le sud, cette société, elle aussi liée aux Raéliens, fait l'objet d'une enquête depuis juillet, après que ses responsables eurent déclaré que trois Sud-Coréennes participaient à une expérience de clonage humain et que l'une d'elles était enceinte d'un clone.
«Ils n'y trouveront rien de toute façon. C'est vraiment un coup de force tout à fait inutile et déplorable», a réagi Mme Boisselier hier.
Aux États-Unis, l'Agence fédérale pour la sécurité alimentaire et pharmaceutique américaine (FDA) a annoncé dimanche qu'elle allait lancer sa propre enquête «sur les circonstances entourant ce supposé clonage».