La Chambre autorise Bush à frapper
Washington - La Chambre des représentants des États-Unis a autorisé hier à une large majorité le président George W. Bush à recourir à la force contre l'Irak. Au moment de mettre sous presse, le Sénat devait lui emboîter le pas; il devrait le faire aujourd'hui au plus tard.
La résolution, adoptée par 296 voix contre 133, invite néanmoins le président à poursuivre ses efforts auprès des Nations unies pour obtenir le désarmement de Bagdad avant de recourir à une éventuelle initiative militaire.Les sénateurs s'étaient auparavant prononcés par 75 voix contre 25 en faveur d'un vote final sur la résolution dont les termes ont été négociés par la Maison-Blanche et les représentants du Congrès.
Richard Armey, président de la majorité républicaine à la Chambre des représentants, passé du scepticisme au franc soutien, a affirmé que régler le sort de Saddam Hussein est un enjeu central de la guerre contre le terrorisme et de la défense des États-Unis.
«Si nous menons une guerre contre le terrorisme, alors il nous faut faire obstacle à cet individu, qui est sûrement le plus à même d'armer les terroristes avec ce qu'il y a de plus effrayant pour nous, a-t-il souligné. Une initiative militaire contre Saddam Hussein est une part intégrante, une part nécessaire, de la guerre contre le terrorisme.»
Le camp démocrate s'est quant à lui montré divisé sur le sujet.
«Je pense que, globalement, la résolution intègre la notion essentielle par laquelle nous souhaitons accorder à la diplomatie autant de chances que possible pour résoudre le conflit, mais nous sommes prêts à prendre de plus amples mesures si nécessaire pour défendre notre pays», a expliqué le président du groupe démocrate, Richard Gephardt, élu du Missouri, qui a joué un rôle essentiel dans les négociations avec la Maison-Blanche.
Nancy Pelosi, élue démocrate de la Californie et numéro deux de la formation à la Chambre des représentants, a pour sa part souligné le risque de recrudescence des activités terroristes et les possibles dissensions au sein de la coalition antiterroriste levée par les États-Unis en cas d'intervention en Irak.
Quelques heures après avoir invité les États-Unis à venir inspecter «immédiatement» deux sites irakiens que ceux-ci accusent de produire des armes de destruction massive, l'Irak a ouvert hier l'un de ces sites, celui de l'usine An-Nasr, à la presse internationale.
Situé dans la région d'Al-Taji, à 30 kilomètres au nord de Bagdad, le site a été présenté par son directeur, Tahsin Sleiman, comme une usine de production de structures métalliques et plastiques, de jointures et de moules à ciment.
Fort du soutien de la Chambre des représentants, l'administration républicaine n'a montré aucun signe de souplesse dans ses négociations avec les autres membres permanents du Conseil de sécurité à propos de la rédaction d'une nouvelle résolution sur l'Irak.
«Rien n'a changé. La position reste [en faveur] d'une résolution stipulant clairement les conséquences si Saddam Hussein refuse de s'y plier. La clause sur les conséquences doit faire partie de la résolution. Le président [Bush] l'a clairement dit», a affirmé le porte-parole de la Maison-Blanche, Ari Fleischer.
Interrogé sur la possibilité de voir Washington décider d'une action militaire contre Bagdad sans attendre le vote d'une nouvelle résolution de l'ONU, le porte-parole a affirmé que «la notion selon laquelle les États-Unis pourraient agir unilatéralement est absolument fausse».
«La seule question est de savoir si une action multilatérale aura lieu sous l'égide des Nations unies ou si elle sera entreprise par une large coalition que les États-Unis rassembleront parce que l'ONU n'aura pas réussi à agir.»
Entre-temps, les discussions à l'ONU sur une nouvelle résolution du Conseil de sécurité sur l'Irak tournent au bras de fer entre la France et les États-Unis.
La France refuse l'idée d'une seule résolution prévoyant un recours éventuel à la force. Soucieuse de garantir l'autorité des Nations unies, elle préconise une approche en deux temps, avec une première résolution sur les inspections en désarmement, suivie éventuellement d'une deuxième résolution prévoyant un recours à la force si Bagdad ne se conformait pas à la volonté de l'ONU.
La Russie et la Chine, deux autres membres permanents du Conseil de sécurité, soutiennent cette approche alors que la Grande-Bretagne s'est rangée à l'avis des États-Unis.
Alors que Washington, impatient, a une nouvelle fois réclamé une décision rapide du Conseil de sécurité, Moscou s'est inquiété du retard du départ des inspecteurs de l'ONU en Irak, estimant qu'il n'y a aucun obstacle «juridique» ou «technique» à leur retour dans ce pays.
Le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, a lui aussi estimé qu'il faut agir rapidement pour permettre le retour rapide des inspecteurs de l'ONU en Irak après les récents progrès enregistrés à Vienne et à New York.
Le vice-premier ministre irakien Tarek Aziz a appelé à la prudence et «à faire face» aux menaces américaines lors d'un déplacement à Beyrouth. «Nous devons être prudents quant aux menaces américaines de frapper l'Irak et à la manière d'y faire face», a-t-il déclaré.
Pour sa part, le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, de retour d'une tournée au Proche-Orient et dans le Golfe consacrée à la crise irakienne, a fait preuve d'optimisme, affirmant que «les choses bougent dans le bon sens» en ce qui a trait à la mise au point d'une nouvelle résolution sur l'Irak.
Pour tenter de convaincre la Russie, le premier ministre britannique Tony Blair a entamé hier une visite de deux jours à Moscou, où il s'entretiendra de l'Irak avec le président Vladimir Poutine.
À New York, un débat public sur l'Irak au Conseil de sécurité a été demandé hier par l'Afrique du Sud au nom du groupe des pays non alignés, selon des diplomates. Aucune date n'a dans l'immédiat été fixée pour ce débat qui donnerait la possibilité à tous les États membres de l'ONU d'exprimer leur position sur la politique à suivre vis-à-vis de Bagdad.
En Irak, les autorités irakiennes ont fait état du troisième bombardement en deux semaines de l'aéroport international de Bassorah et de la destruction de son radar. L'armée américaine a de son côté indiqué avoir bombardé un radar de défense antiaérienne et un site de missiles sol-air dans le sud de l'Irak.