Vif débat en Iran autour d’une loi sur le port du voile

Le pouvoir judiciaire et le gouvernement iranien ont proposé en mai un projet de loi qui viendrait renforcer les sanctions, notamment financières, contre « toute personne retirant son voile dans les lieux publics ou sur Internet », mais sans aller jusqu’à ce qu’elle puisse être emprisonnée.
Agence France-Presse Le pouvoir judiciaire et le gouvernement iranien ont proposé en mai un projet de loi qui viendrait renforcer les sanctions, notamment financières, contre « toute personne retirant son voile dans les lieux publics ou sur Internet », mais sans aller jusqu’à ce qu’elle puisse être emprisonnée.

Un projet de loi sur le port du voile en Iran suscite un vif débat au sein du pouvoir, les conservateurs se mobilisant contre le refus d’un nombre grandissant de femmes de se couvrir la tête.

Depuis la Révolution islamique de 1979, la loi iranienne impose à toutes les femmes le port d’un hidjab recouvrant la tête et le cou dans les lieux publics.

Toutefois, de plus en plus d’Iraniennes apparaissent tête nue dans la rue, une tendance qui s’est accentuée avec le mouvement de contestation déclenché par la mort en détention en septembre de Mahsa Amini, une jeune femme arrêtée pour infraction au strict code vestimentaire.

Majoritaires au sein du pouvoir et au Parlement, les conservateurs défendent passionnément l’obligation du voile et estiment que sa disparition lancerait un processus qui modifierait en profondeur les « normes sociales ».

Dans ce contexte, le pouvoir judiciaire et le gouvernement ont proposé en mai un projet de loi dénommé « Soutien à la culture du hidjab et de la chasteté » afin de « protéger la société » et de « renforcer la vie familiale ».

Ce texte suggère que soient renforcées les sanctions, notamment financières, appliquées contre « toute personne retirant son voile dans les lieux publics ou sur Internet ». Mais sans aller jusqu’à ce qu’elle puisse être emprisonnée.

« Ce projet de loi propose de reclasser le retrait du hidjab de crime à délit, semblable à une infraction au Code de la route, mais avec des amendes plus lourdes », explique à l’Agence France-Presse le sociologue Abbas Abdi.

Car depuis la mort de Mahsa Amini, la société « n’accepte plus qu’on emprisonne une femme parce qu’elle ne porte pas le voile », estime-t-il.

Ces derniers mois, les autorités ont déjà pris une série d’initiatives, allant de la fermeture de commerces, notamment de restaurants, à l’installation de caméras dans les rues, pour traquer celles qui bravent l’interdit.

Dans les derniers jours, au moins trois responsables ont été limogés ou interpellés pour ne pas avoir empêché l’accès à des sites historiques à des femmes non voilées.

« Pas assez dissuasif »

Le projet de loi, dont le texte a été publié dans les médias affiliés au pouvoir, prévoit que les contrevenantes reçoivent d’abord un texto d’avertissement de la part de la police.

En cas de récidive, elles risquent une amende de 500 000 à 6 millions de tomans (environ 14 $ à 173 $ dollars canadiens), une somme importante pour de nombreux Iraniens. À cela peuvent s’ajouter la privation des droits sociaux et la confiscation de la voiture pendant 10 jours pour les conductrices.

Le chef du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejeï, a défendu l’équilibre du texte, soulignant la nécessité de ne pas diviser la société tout en disant comprendre les « préoccupations des croyants » heurtés par le non-respect du port du voile.

En attendant d’être examiné par le Parlement, le projet de loi suscite la colère des ultraconservateurs, très actifs dans l’actuel Parlement, pour lesquels il n’est « pas assez dissuasif ».

Le journal Kayhan a ainsi jugé qu’il allait encourager « l’expansion d’un phénomène répugnant » en « levant des barrières juridiques » pour les femmes ne portant pas de voile.

Les promoteurs de la loi « ne savent pas que l’ennemi » cherche, en supprimant le voile, à « détruire l’institution familiale et, in fine, à s’attaquer aux fondements du système islamique », avertit ce quotidien.

D’après certains ultraconservateurs, ces appels à la « désobéissance sociale » sont lancés par les réseaux sociaux et les médias étrangers, en particulier les chaînes de télévision diffusées en persan.

Au sein du pouvoir, « il n’existe pas de consensus sur le hidjab » entre ceux qui privilégient la voie de la répression et ceux qui « pensent que d’autres moyens doivent être essayés », observe M. Abdi.

Dans ce contexte, « le projet de loi ne satisfait ni les partisans du hidjab obligatoire ni, naturellement, les partisans de la liberté de se couvrir ou non », selon lui.

Certains observateurs font le parallèle avec une loi adoptée dans les années 1990 pour interdire l’utilisation d’antennes satellites. « Elle n’a été mise en oeuvre que pendant un certain temps avant d’être abandonnée », fait remarquer M. Abdi.



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