Avantage Erdogan pour le deuxième tour de la présidentielle en Turquie

Le dernier comptage accorde  49,5% des suffrages à Recep Tayyip Erdogan, contre 45% à son rival social-démocrate, Kemal Kiliçdaroglu.
Photo: Emrah Gurel Associated Press Le dernier comptage accorde  49,5% des suffrages à Recep Tayyip Erdogan, contre 45% à son rival social-démocrate, Kemal Kiliçdaroglu.

Annoncé comme usé et perdant après vingt ans de pouvoir, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, 69 ans, sort renforcé du scrutin-test de dimanche et part en position de force pour le second tour de la présidentielle, qui sera organisé le 28 mai.

Le « reis » Erdogan conserve également sa majorité au Parlement.

Le dernier comptage, qui accorde 49,5 % des suffrages au chef de l’État contre 45 % à son rival social-démocrate, Kemal Kılıçdaroglu, ne laisse plus de doute sur la tenue de ce nouveau rendez-vous électoral, confirmé lundi après-midi par la commission électorale.

L’issue du second tour s’annonce plus qu’incertaine pour l’opposition, malgré sa confiance répétée dans sa victoire. Elle dépendra pour partie d’un troisième homme, l’ultranationaliste Sinan Oğan, qui a recueilli 5,2 % des voix au premier tour et n’a pas encore annoncé s’il soutiendrait l’un des deux candidats.

La crise économique et le séisme dévastateur du 6 février, qui a fait au moins 50 000 morts, n’ont pas eu les effets envisagés par les analystes. La réponse du gouvernement, jugée tardive, avait pourtant suscité la colère de nombreux rescapés. Mais ce sentiment ne s’est pas traduit dans les urnes, les provinces fortement touchées ayant massivement reconduit leur confiance au président, qui a promis de reconstruire au plus vite 650 000 logements dans les zones affectées.

« La Nation accorde sa confiance à Erdogan », titrait en une lundi le quotidien progouvernemental Sabah, qualifiant l’arrivée en tête du président sortant au premier tour de « formidable réussite ».

« Respecter » le scrutin

Jusqu’à dimanche, le camp de l’opposition, une vaste coalition emmenée par le CHP (social-démocrate, laïque) — le parti de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne — appelait à « en finir au premier tour ». Mais le vice-président du parti a reconnu en mi-journée lundi que les « quelque 300 urnes du vote de l’étranger non décomptées ne changeront pas la donne ». « Nous l’emporterons certainement au second tour », a-t-il toutefois réaffirmé.

Malgré des tentatives de contestation des résultats dimanche soir de la part de l’opposition, les observateurs européens du Conseil de l’Europe et de l’OSCE ont jugé que les élections avaient offert aux Turcs un vrai choix politique. Et ce, malgré un « avantage injustifié » accordé par les médias officiels au président Erdogan.

Les deux candidats se sont dits prêts à se retrouver et se sont tous deux engagés à « respecter » le verdict des urnes.

Faisant face pour la première fois à un ballottage, alors qu’il avait été réélu en 2018 dès le premier tour de la présidentielle, le chef de l’État a affiché sa confiance. « Je crois sincèrement que nous continuerons à servir notre peuple ces cinq prochaines années », a-t-il lancé dans la nuit à ses partisans exultants.

Le pari de la stabilité

Pour Bayram Balci, chercheur au CERI-Sciences Po à Paris et ancien directeur de l’Institut français d’études anatoliennes à Istanbul, « les Turcs ont joué la stabilité et la sécurité ». « Ils ont refusé d’accorder leur confiance à une coalition hétéroclite de partis aux intérêts divergents, se demandant comment ils parviendraient à gouverner ensemble. »

« Tayyip Erdogan va gagner. C’est un vrai leader, les Turcs ont confiance en lui et il a une vision pour la Turquie », a affirmé lundi à l’Agence France-Presse Hamdi Kurumahmut, un habitant d’Istanbul travaillant dans le tourisme.

Le principal indice de la Bourse d’Istanbul affichait lundi un plongeon de 6 %. La livre turque se trouvait pour sa part à un niveau historiquement bas, autour de 19,7 livres pour un dollar.

« L’issue des élections sera déterminante pour l’économie turque », a estimé l’analyste Bartosz Sawicki. « La Turquie va-t-elle poursuivre sur sa lancée hétérodoxe, ses politiques déséquilibrées ou bien reprendre la voie des réformes et du redressement ? » s’est-il interrogé.

L’économie « pas si importante »

La chute de la livre turque, qui a fait grimper l’inflation jusqu’à 85 % à l’automne, était vue comme une épine dans le pied du président Erdogan.

Mais le chef d’État, qui a relevé par trois fois en un an le salaire minimum, a multiplié les promesses de campagne, parmi lesquelles le doublement du salaire des fonctionnaires.

Ces « mesures populistes » ont convaincu une frange de l’électorat, dans une Turquie où « le vote économique n’est pas aussi important que l’affirment les commentateurs », soutient Berk Esen, chercheur en science politique à l’Université Sabanci, située à Istanbul.

Pour remettre l’économie sur les rails, l’opposition promettait de relever les taux d’intérêt afin de ramener l’inflation « à un chiffre d’ici deux ans ».

Umit Akçay, professeur d’économie internationale, juge que ces promesses de l’opposition, susceptibles de freiner l’activité, « n’ont pas suscité d’enthousiasme chez les personnes déjà en difficulté ».

Agence France-Presse



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