Le président turc montré du doigt après les séismes dévastateurs

Une survivante du tremblement de terre réagit alors que des sauveteurs recherchent des victimes et d'autres survivants à Antakya, en Turquie, au lendemain du séisme de magnitude 7,8.
Photo: Bulent Kilic Agence France-Presse Une survivante du tremblement de terre réagit alors que des sauveteurs recherchent des victimes et d'autres survivants à Antakya, en Turquie, au lendemain du séisme de magnitude 7,8.

Les sauveteurs sont arrivés mardi en Turquie, pour tenter de porter secours aux rescapés des séismes survenus lundi dans le pays et en Syrie voisine. Mais au lendemain de la tragédie, la colère gronde au sein de la population turque.

De plus en plus de soupçons planent quant à la responsabilité du gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan et sa mauvaise préparation face au risque pourtant concret de tremblements de terre dans la région.

 

« Le gouvernement semble être plus concerné par son image que par l’idée de sauver des gens », lance le doctorant à l’Université de Montréal et spécialiste de la Turquie Vahid Yücesoy.

Selon lui, « la gestion de ce tremblement de terre et de tout ce qui l’entoure peut déterminer les résultats des prochaines élections », qui auront lieu en juin. Le séisme « semble avoir en parti ébranlé la popularité d’Erdoğan, qui était déjà en chute », estime-t-il.

De nombreuses personnes accusent le chef d’État de corruption, le soupçonnant particulièrement d’un non-respect des normes de construction. « En Turquie, Erdoğan a fondé son propre genre de capitalisme de copains. Une panoplie d’entrepreneurs, qui sont plutôt dans la construction, reçoivent des contrats juteux de la part [du chef d’État] », indique M. Yücesoy.

Erdoğan aurait fait fi des normes de construction mises en place après le tragique tremblement de terre de 1999, qui a fait 17 000 victimes. « Beaucoup de constructions bâties après l’entrée en vigueur de ces règlements se sont effondrées, note le chercheur. Et ces pratiques corrompues semblent avoir coûté la vie des gens… »

La double secousse et ses 185 répliques ont fait plus de 7800 morts, dont 5894 en Turquie et 1932 en Syrie, et 20 434 blessés, selon les plus récents bilans. Mais les experts et intervenants humanitaires s’accordent pour dire que le bilan ne devrait pas cesser de s’alourdir.

Vingt-trois millions de personnes sont « potentiellement exposées, dont environ cinq millions de personnes vulnérables », a averti l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a promis son soutien. L’OMS avait auparavant dit redouter « des bilans huit fois plus élevés que les nombres initiaux ».

Une aide mal déployée

L’aide internationale promise a commencé à arriver mardi en Turquie, où un deuil national a été décrété pour sept jours. Un important soutien international s’était en effet manifesté après la catastrophe.

Lundi, le président américain, Joe Biden, a promis à M. Erdoğan « toute l’aide nécessaire, quelle qu’elle soit ». Deux détachements américains de 79 secouristes chacun se préparaient à se rendre sur place, selon la Maison-Blanche.

Mardi, la Chine a annoncé, selon un média d’État, l’envoi d’une aide de 5,9 millions de dollars, incluant des secouristes spécialisés en milieu urbain, des équipes médicales et du matériel d’urgence.

Même l’Ukraine, malgré l’invasion russe, a dit envoyer en Turquie 87 secouristes.

Mais le déploiement de cette aide à travers le territoire ne s’avère pas très efficace, indique M. Yücesoy.

Photo: Adem Altan Agence France-Presse Les secouristes sont engagés dans une véritable course contre les heures qui passent et le froid glacial, comme ici, à Kahramanmaras, en Turquie.

« Les conditions météorologiques sont peu propices à la propagation de l’aide. Et les routes endommagées mettent à mal le transport et l’arrivée des secouristes. » Plusieurs zones sinistrées sont en effet ensevelies sous la neige.

Selon M. Yücesoy, la non-efficacité témoigne surtout d’une mauvaise préparation du gouvernement. Même si la Turquie est située sur l’une des principales zones sismiques du globe, « il n’y a pas de plan d’action. Tout le monde paie une taxe de tremblement de terre, censée être utilisée pour préparer les villes aux séismes. Mais comme il n’y a pas d’imputabilité, pas de transparence sur le terrain, on ne sait pas où va cet argent. »

Un énorme incendie frappe le port turc d’İskenderun

Dans la province du Hatay — Un énorme incendie qui s’est propagé à des dizaines de conteneurs continuait de brûler mardi soir pour la deuxième journée de suite dans le port turc d’İskenderun, dans le sud de la Turquie et près de la frontière syrienne, conséquence du violent séisme de lundi. Les images diffusées par les télévisions turques montrent une énorme colonne de fumée noire, grasse et épaisse volant au-dessus des conteneurs colorés, rangés sur un quai de ce port de la Méditerranée. La province du Hatay, à la frontière syrienne, est l’une des zones les plus touchées par le séisme.

Agence France-Presse

Avec l’Agence France-Presse



À voir en vidéo