L’Iran condamne à la prison un célèbre couple de danseurs

Dix ans et six mois de prison pour avoir… dansé. Face à une mobilisation populaire sans précédent qui réclame depuis septembre dernier plus de liberté en Iran, le régime des mollahs a une nouvelle fois cette semaine attisé sa répression en condamnant à l’emprisonnement un jeune couple dont le seul crime a été d’avoir dansé de manière romantique devant la tour Azadi à Téhéran.
C’est ce que vient de décider le tribunal révolutionnaire de Téhéran contre Astiyazh Haghighi et son fiancé, Amir Mohammad Ahmadi, tous deux âgés d’une vingtaine d’années, a rapporté mardi Human Rights Activists News Agency, une organisation de défense des droits de la personne ayant pignon sur rue aux États-Unis. Le couple a été arrêté en novembre dernier, dans la foulée des manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini, cette jeune fille de 22 ans qui a péri entre les mains de la police des moeurs de Téhéran après son arrestation pour « port de vêtements inappropriés ».
La danse, filmée et mettant en scène Mme Haghighi ne portant pas de voile, un affront au régime théocratique, était devenue populaire et virale sur le réseau Instagram. Une femme n’a pas le droit de danser en public en Iran. Le duo a été reconnu coupable d’« encouragement à la corruption et à la prostitution publique », ainsi que de « rassemblement dans l’intention de perturber la sécurité nationale ».
« En considérant un couple qui danse comme une menace, le régime des mollahs envoie certainement un signal sur sa fragilité et sur ses failles », commente en entrevue au Devoir France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada, qui appelle, samedi, à un grand rassemblement à Montréal en soutien aux revendications des Iraniens. Après presque cinq mois, le cri de la liberté du peuple iranien se fait toujours entendre dans les rues de Téhéran comme ailleurs dans la République islamique, mais il risque de plus en plus de heurter le mur de l’indifférence dans les démocraties lointaines, estime Mme Langlois, tout comme le collectif Femme, vie, liberté MTL qui orchestre également le rassemblement.
« Nous avons besoin, ici comme ailleurs, d’une mobilisation de la population québécoise dans son ensemble en soutien à la résistance qui s’exprime en Iran et qui a besoin d’être appuyée de partout pour atteindre ses objectifs », dit-elle.
« Plus on va être nombreux et plus on va attirer l’attention. C’est le nombre qui crée la pression autant sur les politiques et que sur les régimes, même ceux atroces comme celui des mollahs en Iran. Et puis, nous voulons envoyer un message à la population iranienne, lui dire qu’elle n’est pas toute seule dans son combat », ajoute la militante.
Soutien « sans faille »
Mercredi, plus de 480 personnalités publiques ont pris la plume pour apporter leur soutien « sans faille » aux Iraniens déterminés à faire tomber le régime théocratique de Téhéran et ramener ainsi la démocratie et la liberté dans leur pays.
La romancière Margaret Atwood, les ex-premiers ministres canadiens Kim Campbell et Stephen Harper, l’ancienne secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, l’acteur Richard Gere ou encore l’écrivaine biélorusse lauréate du prix Nobel Svetlana Alexievich sont au nombre des signataires de la lettre diffusée par l’organisme Freedom House. Ils estiment que la liberté doit triompher en Iran pour « relancer la vague mondiale de démocratisation qui était si forte à la fin du XXe siècle, mais qui s’est affaiblie face à la contre-attaque autoritaire ».
Une victoire des manifestants « serait synonyme de délivrance d’un régime qui nie les élections libres, la liberté d’expression, l’application juste de la loi et la liberté personnelle dans des domaines aussi simples que le choix d’un vêtement », peut-on lire dans la déclaration.
Depuis le début de la contestation en septembre dernier, le gouvernement d’Ebrahim Raïssi, surnommé le «boucher de Téhéran» pour son implication dans la mort et l’exécution de milliers de personnes en Iran au cours des 40 dernières années, a ordonné l’exécution par pendaison de quatre manifestants. Plus d’une vingtaine de ces opposants, arrêtés pour avoir pris part à des marches de contestation, attendent toujours dans le couloir de la mort, dénonce Amnistie internationale Canada. La peine capitale est devenue le nouvel outil des mollahs pour faire taire la jeunesse.
« Ce qui se passe en Iran est horrible, dit France-Isabelle Langlois. Des gestes et des revendications simples, comme danser devant un bâtiment public, deviennent des actes de bravoure qui en disent long sur la détermination et l’état d’esprit de la population iranienne. À un moment, ça va craquer, et il faut que l’on s’assure de partout dans le monde que ce soit le régime qui craque avant la population. »
Et elle ajoute : « Nous devons garder à l’esprit la beauté de ces gestes face à l’horreur de la répression et continuer, avec les moyens que nous avons, de souffler sur ces braises pour être sûrs que le feu ne s’éteigne pas ».
Avec l’Agence France-Presse