Riyad maintient le blocus au Yémen

Sanaa — Flambée des prix et début de pénurie de carburant : les habitants de Sanaa souffrent de plus en plus du renforcement du blocus, qui pourrait conduire le Yémen vers « la plus grande famine » des dernières décennies, selon l’ONU.
Déjà éprouvés par la guerre civile et le blocus de fait imposé par la coalition sous commandement saoudien depuis plus de deux ans, les habitants de la capitale yéménite sous contrôle des rebelles craignent maintenant que la situation empire de jour en jour.
Réuni à huis clos mercredi, le Conseil de sécurité de l’ONU a souligné « la situation humanitaire catastrophique » dans ce pays et « l’importance de garder tous les ports et aéroports du Yémen en état de fonctionnement ».
En annonçant la fermeture « temporaire » des ports, aéroports et accès routiers au Yémen, la coalition a affirmé vouloir « combler des lacunes » après des « transferts » d’armes d’Iran vers les rebelles yéménites et le tir, par ces mêmes Houthis, d’un missile balistique en direction de Riyad, intercepté près de la capitale saoudienne.
Ce tir a provoqué une vive passe d’armes entre Riyad et Téhéran, les deux grands rivaux du Moyen-Orient qui soutiennent des camps opposés au Yémen.
Ressortissants saoudiens au Liban
Jeudi soir, le président français, Emmanuel Macron, s’est rendu à Riyad, pour une brève visite dans l’espoir de faire baisser la tension entre l’Arabie saoudite et l’Iran.
M. Macron avait annoncé en début de soirée à Dubaï un déplacement de « deux heures » à Riyad, le temps de rencontrer le jeune prince héritier Mohammed ben Salman, l’homme fort d’Arabie saoudite.
« Il est important de parler avec tout le monde », a-t-il souligné, ajoutant que la France avait un rôle « pour construire la paix ».
Il a indiqué qu’il entendait discuter avec le prince héritier saoudien de l’Iran, le Yémen et le Liban, dont le premier ministre Saad Hariri a brutalement annoncé sa démission samedi à Riyad.
À ce propos, l’Arabie saoudite a appelé jeudi ses ressortissants à quitter « le plus vite possible » le Liban.
« Vu la situation au Liban, le royaume demande à ses ressortissants en visite ou résidant au Liban de le quitter le plus tôt possible, et conseille à ses ressortissants de ne pas s’y rendre », a indiqué le ministère des Affaires étrangères.
Le 4 novembre, M. Hariri a annoncé dans une déclaration télévisée faite depuis l’Arabie saoudite sa démission en accusant le Hezbollah libanais et l’Iran de « mainmise » sur son pays et en disant craindre pour sa vie. Cette démission a pris de court toute la classe politique au Liban et fait craindre que le pays, aux équilibres fragiles, ne plonge dans de nouvelles violences.
M. Hariri, dont l’épouse et les enfants vivent en Arabie saoudite, n’a pas dit s’il reviendrait au Liban.
Famine et choléra
Avant le week-end, la devise du Yémen s’échangeait au taux de 370 riyals contre un dollar, mais ce chiffre a bondi à 402 riyals en quelques jours, ont indiqué des changeurs de Sanaa.
Le prix de l’essence à la pompe a grimpé de 50 % et celui du diesel a presque triplé, tandis que les bonbonnes de gaz avaient tout simplement disparu, avant une reprise partielle jeudi de l’approvisionnement à la suite de l’intervention de responsables rebelles.
Les prix des produits de première nécessité ont augmenté dans une fourchette de 10 à 20 % en quelques jours, selon des habitants.
« Ne vous étonnez pas de voir des gens crever dans la rue en cas de maintien du blocus », prédit, l’air sombre, Mohammed Wassabi, un employé du secteur privé.
La ville n’a jamais compté autant de mendiants, dont le nombre a quadruplé depuis le début de la guerre, selon des associations caritatives.
Certains fonctionnaires n’ont pas reçu de salaire depuis 10 mois, ce qui a contraint nombre d’entre eux à chercher un autre emploi.
Pour calmer la grogne générale, l’administration rebelle, à court d’argent, est parvenue à débloquer récemment la moitié des salaires impayés.
« C’est la pire situation humanitaire dans le monde : sept millions de personnes au bord de la famine, un enfant meurt toutes les dix minutes de maladie, presque un million de malades du choléra », a indiqué le représentant suédois adjoint à l’ONU, Carl Skau.
Quinze organisations humanitaires s’étaient déjà insurgées mercredi contre le blocus qui entrave les opérations humanitaires au Yémen.
Jeudi, d’autres ONG et agences de l’ONU ont souligné dans un communiqué que le stock de vaccins du pays pourrait s’épuiser dans un mois si le blocus était maintenu.