Le PNUD tente de maintenir des populations en Syrie
Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) travaille avec plus de 1000 partenaires locaux pour apporter une réponse à la crise syrienne, avec un budget de 418 millions de dollars pour l’année 2015. Ses actions recouvrent plusieurs secteurs (l’accès aux services et aux infrastructures de base, l’apport de moyens de subsistance, le renforcement de la cohésion sociale, le renforcement des capacités des autorités locales) et se déploient en Syrie ainsi que dans les pays hôtes limitrophes : Irak, Liban, Jordanie, Turquie et Égypte. Sima Bahous, directrice du bureau du PNUD pour les États arabes, a insisté en entrevue sur la nécessité d’adopter une approche globale sur le long terme pour s’attaquer aux causes de cette crise, et non à ses seuls symptômes.
Comment accueillez-vous les appels et engagements de la communauté internationale à accueillir davantage de migrants syriens ?
Nous accueillons positivement l’initiative des gouvernements occidentaux. Elle arrive peut-être un peu tard. Les Nations unies ont lancé une alerte sur cette crise et sur le manque de financement de la communauté internationale il y a déjà un an. Seuls 37 % de notre appel à des donations, fait lors de la troisième Conférence internationale sur la Syrie au Koweït, en mars, ont été financés : 3,6 milliards de dollars sur les 8,4 milliards de dollars requis. La communauté internationale rencontre des contraintes financières sévères, mais c’est, au final, une décision politique. Il ne faut pas se concentrer sur les seuls chiffres. La durée du conflit rend les réfugiés encore plus pauvres. Près d’un tiers des réfugiés vit sous le seuil de pauvreté en Jordanie, la moitié au Liban.
Ce qui est positif aujourd’hui, c’est qu’il y a une nouvelle approche de la crise, la prise de conscience que nous ne pouvons pas seulement l’appréhender comme une crise de réfugiés et de déplacés, mais qu’il faut adopter une approche globale sur le long terme. On est passé d’une action d’urgence, à court terme, à une action de développement, sur le long terme. Le secrétaire général des Nations unies a dit que nous avons l’obligation morale de regarder les symptômes, mais aussi les causes de cette crise. Cela veut dire qu’il faut à la fois répondre aux problèmes des réfugiés et des déplacés, mais aussi remédier à la situation en Syrie et en Irak, en travaillant au renforcement de la cohésion sociale.
Comment cette approche se traduit-elle dans le travail du PNUD ?
Nous oeuvrons pour améliorer les conditions de vie des réfugiés là où ils sont, mais aussi pour répondre aux causes de cette crise. Une solution politique risque de ne pas se réaliser demain, mais nous pouvons travailler sur d’autres aspects : la pauvreté, l’exclusion, le sentiment de ne pas être un citoyen à part entière, l’inclusion des jeunes, le chômage, tous ces facteurs qui sont une bombe à retardement. Nous avons lancé en 2014 à Tunis une action dédiée à la jeunesse, pour développer son accès à l’emploi et à l’éducation.
Nous nous battons pour maintenir des populations en Syrie, dans les zones sécurisées. Il faut préserver les régions qui sont encore stables et offrir aux Syriens la possibilité de rester vivre chez eux. C’est un défi. On travaille avec les jeunes, les femmes, pour les aider à rester où ils sont : réhabilitation, aide financière, infrastructures… La question de l’accès est un sérieux problème en Irak et en Syrie. L’Irak n’a pas le même problème, en matière de volume de réfugiés, que la Syrie, mais il y a le problème des déplacés internes, dont 96 % sont au Kurdistan irakien. Il y a des endroits où on n’a aucun accès, mais on apporte de l’aide par le biais des ONG locales.
Il faut aider les réfugiés à s’intégrer dans les communautés hôtes. Les programmes doivent s’adresser autant aux réfugiés et aux déplacés qu’aux pays hôte. Les réfugiés sont le résultat d’un conflit, pas d’un tsunami, ce qui veut dire qu’il y a des questions délicates et complexes à prendre en compte. Même si la paix est signée en Syrie, ils ne reviendront pas immédiatement dans leur pays. Les pays hôtes s’inquiètent de devoir accueillir ces réfugiés à long terme. Il faut reconnaître le poids immense qu’assument les communautés hôtes limitrophes, le rôle historique qu’elles jouent. La communauté internationale, le PNUD, la Banque mondiale essaient de déterminer des actions pour les soutenir.
Vous allez lancer le Plan régional 2015-2016 pour les réfugiés et la résilience en réponse à la crise syrienne, en quoi consiste-t-il ?
Les pays hôtes sont des pays à revenus moyens où il est facile de trouver des ressources et où l’on peut s’appuyer sur les structures municipales. L’idée est de s’appuyer sur les communautés existantes et les acteurs locaux. On prépare les populations du Liban ou de la Jordanie, par exemple, à cette crise et à celles qui suivront en renforçant les capacités locales. Nous voulons éviter un afflux majeur de réfugiés en travaillant sur la pauvreté, l’inclusion, la participation des femmes et des jeunes pour éviter de nouvelles crises à l’avenir. Ce programme regroupe 200 partenaires : cinq gouvernements (Égypte, Irak, Jordanie, Liban et Turquie), 22 agences des Nations unies et des partenaires locaux.
Êtes-vous optimistes quant à votre capacité à gérer cette crise ?
On doit être optimistes. C’est un problème qui doit être résolu. On doit continuer à travailler sur tous les aspects de cette crise. C’est la crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale. Quand elle a commencé, personne ne pensait que nous entrerions un jour dans sa cinquième année. On essaie de trouver de nouvelles façons d’y répondre.