Le nouveau gouvernement Nétanyahou avantage les colons

Jérusalem – Le puissant lobby des colons israéliens voit son poids renforcé dans le nouveau gouvernement de Benjamin Nétanyahou, qui va prêter serment lundi, nombre de portefeuilles clés étant attribués à d’ardents promoteurs de la colonisation.
Après six semaines d’âpres négociations, le premier ministre a réussi à mettre sur pied un gouvernement très ancré à droite, dont les analystes prédisent qu’il se traduira par « un renforcement considérable du pouvoir des colons. »
Bien que la nouvelle coalition comprenne les mouvements centristes Yesh Atid (19 sièges) et HaTnuah (6), ouverts à un règlement de paix avec les Palestiniens, elle est largement dominée par des tenants de la droite nationaliste et/ou religieuse : l’alliance Likoud-Israël Beiteinou (31) et le Foyer juif (12) très proche des colons.
« La plupart des positions clés vont être attribuées à des colons et à ceux qui les soutiennent », relève Barak Ravid dans le quotidien de gauche Haaretz, expliquant que cela revenait à « faire entrer le renard dans le poulailler ».
Selon les accords de coalition signés vendredi, le ministère de la Défense et celui du Logement, qui jouent tous les deux un rôle crucial dans l’approbation des constructions dans les colonies, ont été attribués à des partisans déclarés de l’expansion des implantations.
Le likoudnik et ex-général Moshé Yaalon, nouveau patron de la Défense, est connu pour son soutien aux colons et sa farouche opposition à tout gel de la construction.
« Dans une période aussi cruciale pour la sécurité d’Israël, alors que toute notre région est en ébullition, il est important qu’à ce poste se trouve une personnalité très expérimentée comme Moshé Yaalon. Au nom de tous les citoyens du pays, je lui souhaite bonne chance », a déclaré M. Nétanyahou.
Âgé de 62 ans, Moshé Yaalon est considéré comme un partisan d’une ligne dure sur la colonisation - il s’est opposé au retrait israélien de Gaza en 2005 - mais se montre plus circonspect sur le programme nucléaire iranien.
« Je suis déterminé à mener avec responsabilité et conscience Tsahal [l’armée israélienne] et les forces de sécurité vers de nouveaux sommets afin de répondre aux défis de l’avenir », a-t-il écrit sur sa page Facebook peu après l’annonce de sa nomination.
L’ancien chef d’état-major a énuméré les défis auxquels Israël devrait faire face, citant notamment « le programme nucléaire militaire iranien qui continue de constituer une menace pour Israël ; les bouleversements dans le monde arabe ; les menaces venant du Nord [le Liban] et de la bande de Gaza ».
M. Nétanyahou avait signé vendredi des accords de coalition avec Yesh Atid, un mouvement de défense des classes moyennes dirigé par un ex-journaliste vedette de la TV, Yaïr Lapid, et le Foyer juif de Naftali Bennett, parti nationaliste religieux très proche des colons.
Le premier ministre sortant, reconduit en dépit d’une victoire étriquée lors des élections législatives du 22 janvier, avait obtenu un ultime délai du président Peres afin de présenter un nouveau cabinet avant le 16 mars.
Le collègue de Yaalon au Logement, Uri Ariel, N° 2 du Foyer juif, qui habite une colonie de Cisjordanie, est quant à lui totalement opposé à la création d’un État palestinien.
« Ça démarre bien avec le Likoud et le Foyer juif […] Nous espérons que cela se traduira par un développement supplémentaire des implantations de Judée-Samarie », s’est félicité Avi Roeh, le nouveau président du Conseil de Yesha, organisme représentant les colons de Cisjordanie, sur le site d’information Ynet.
Inquiétudes
Le coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de paix au Proche-Orient, Robert Serry a récemment fait part de son inquiétude face à la nomination du faucon Uri Ariel.
« Si cette nomination se traduit par une vague de nouvelles constructions dans les colonies, son but aura été de détruire toute chance de parvenir à un compromis et à la paix entre les deux peuples (palestinien et israélien) », a-t-il averti.
Le mouvement anticolonisation La Paix maintenant n’est guère plus rassuré.
« Le ministre du Logement détient un rôle important dans la construction des colonies et peut créer des faits accomplis sur le terrain », explique à l’AFP Hagit Ofran, la spécialiste du dossier au sein de l’ONG.
« N’oublions pas que ses électeurs sont les colons et qu’il vit lui-même dans une colonie », observe-t-elle.
Le Foyer juif, mené par un jeune entrepreneur, Naftali Bennett, qui a modernisé l’image de la droite nationale-religieuse, va également contrôler la puissante commission parlementaire des Finances, qui joue un rôle capital dans la distribution des budgets.
Toutes les autorisations de construction en Cisjordanie doivent recevoir l’aval du ministère de la Défense et la présence de Moshé Yaalon à la tête du ministère rassure la direction des colons et inquiète ses détracteurs.
« Yaalon est très proche des colons », relève Hagit Ofran, rappelant qu’il avait qualifié La Paix maintenant de « virus » en raison de l’activisme de son mouvement.
Pourtant, certains restent prudents, comme Guershon Messika, président du Conseil régional de Samarie, qui administre plus de 30 colonies : « Yaalon à la défense et Ariel au Logement, ça ressemble à un rêve, mais on ne peut jamais savoir de quoi l’avenir sera fait ».
« Quand Ariel Sharon a été élu, nous avons fait la fête et on sait ou ça nous a menés », souligne-t-il, faisant allusion au retrait unilatéral de la bande de Gaza en 2005 et au démantèlement des 21 colonies juives de ce territoire.
***
Le Tribunal Russell sur la Palestine réclame la saisine de la CPI
Bruxelles – Le « Tribunal Russell sur la Palestine », qui était parrainé par Stéphane Hessel, a réclamé dimanche que la Cour pénale internationale (CPI) enquête sur les « crimes » d’Israël dans les territoires palestiniens, lors d’une séance à Bruxelles concluant quatre années de travaux. Ce « tribunal d’opinion », fondé en 2009 sur le modèle du célèbre Tribunal Russell sur le Vietnam, entend depuis lors attirer l’attention de l’opinion internationale sur le sort des Palestiniens vivant dans les territoires occupés par Israël, qui les soumet selon son « jury » à un régime comparable à celui de l’Apartheid autrefois en vigueur en Afrique du Sud.