Syrie: 755 prisonniers sont libérés, mais les violences se poursuivent
Beyrouth — Le gouvernement syrien a libéré aujourd'hui 755 prisonniers arrêtés ces neuf derniers mois, suite au mouvement de contestation contre le régime du président Bachar al-Assad. Parallèlement, des observateurs de la Ligue arabe ont circulé dans divers quartiers de Homs, épicentre des affrontements, pour voir si le régime respecte l’accord signé le 19 décembre visant à mettre fin à la répression sanglante, qui a fait plus de 5000 morts depuis la mi-mars, selon l’ONU.
La Syrie a pourtant connu de nouvelles violences aujourd'hui, des militants affirmant que dans le centre du pays, deux personnes avaient été tuées dans le quartier de Bab Amr, à Homs, et au moins six autres à Hama où il y a aussi eu de nombreux blessés. Dans cette ville, les forces de sécurité ont tiré sur plusieurs milliers de manifestants antigouvernementaux pour les disperser, alors que ceux-ci voulaient participer à un sit-in.Selon des militants, des observateurs de la Ligue arabe devraient se rendre demain à Hama, Idlib et Deraa (sud).
Embuscade
Par ailleurs, quatre soldats de l’armée syrienne ont été tués et 12 autres blessés lors d’une embuscade tendue par des déserteurs dans la province de Deraa, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. L’embuscade visait un convoi de soldats et membres des forces de sécurité circulant entre les localités de Khirbet Ghazaleh et Dael, dans la province de Deraa d’où est parti en mars le mouvement de contestation. Les attaques de déserteurs contre des membres de l’armée régulière se multiplient ces derniers temps.
La libération de plusieurs centaines de prisonniers, annoncée par l’agence de presse officielle SANA, intervient après les accusations de Human Rights Watch (HRW) selon lesquelles les autorités syriennes ont dissimulé plusieurs centaines de détenus aux observateurs arrivés depuis peu sur le terrain.
L’ONG américaine, basée à New York, a affirmé que les prisonniers avaient été transférés sur des sites militaires éloignés des zones où les observateurs sont susceptibles de se rendre, et elle a exhorté ces derniers à insister pour bénéficier d’un accès total à tous les sites où pourraient se trouver des personnes détenues.
Damas assure de son côté que les observateurs de la Ligue arabe pourront accéder librement à tous les endroits en proie à des troubles, mais qu’ils ne seront pas autorisés à visiter les sites militaires sensibles.
«La Syrie a montré que rien ne l’arrêtera pour saper» le travail des observateurs, juge Sarah Leah Whitson, spécialiste du Moyen-Orient à HRW. Selon elle, il est essentiel pour la Ligue arabe de «tracer des lignes claires» concernant l’accès aux détenus, et de dénoncer quand ces lignes sont franchies.
D’après SANA, aucun prisonnier ayant du «sang sur les mains» ne figure parmi ceux qui ont été libérés aujourd'hui.
En novembre, les autorités de Damas avaient libéré 2645 prisonniers, mais selon des militants, des milliers d’autres arrêtés ces derniers mois restent derrière les barreaux.
Les observateurs «sont des otages»
Arrivés en Syrie la veille au soir, une soixantaine d’observateurs de la Ligue arabe ont entamé hier leur mission, qui doit durer un mois. Il s’agit des premiers observateurs étrangers autorisés à entrer dans le pays depuis mars et le début du soulèvement.
Certains se sont directement rendus à Homs, où selon un responsable de la municipalité au moins quatre d’entre eux se trouvaient toujours aujourd'hui, se rendant dans différents quartiers.
Majd Amer, militant de Homs, a confié que des membres de l’opposition souhaitaient rencontrer les observateurs, mais qu’ils ne savaient pas comment faire. «Ils [les observateurs] sont des otages entre les mains du régime [...] Ils sont totalement dépendants des autorités pour se déplacer, téléphoner ou même avoir de quoi manger et boire», a-t-il affirmé.
Hier, les chars qui pilonnaient Homs depuis plusieurs jours se sont retirés de la ville, juste avant l’arrivée des observateurs. Profitant de l’accalmie, des dizaines de milliers d’habitants y sont à nouveau descendus dans les rues pour défier le régime.
Interrogé sur le fait que le chef des observateurs de la Ligue arabe, le général soudanais Moustafa Dabi, ait qualifié la situation de «rassurante» à Homs, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero, a jugé aujourd'hui que «la brièveté de leur séjour n’a pu leur permettre d’apprécier la réalité de la situation prévalant» sur place. Leur présence n’a en tous cas «pas empêché la poursuite de la répression sanglante dans cette ville, où des manifestations importantes ont été violemment réprimées, faisant une dizaine de morts», a-t-il souligné lors du point de presse électronique du Quai d’Orsay.
Selon des militants, au moins 39 personnes — neuf mardi et 30 lundi — ont été tuées par les forces de sécurité dans le pays depuis l’arrivée des observateurs arabes.