Irak - Des attentats s'ajoutent à la tourmente politique

Bagdad — Une dizaine d'explosions ont frappé hier des quartiers chiites de Bagdad, faisant au moins 72 morts et 217 blessés moins d'une semaine après le retrait des derniers soldats américains.
Ces attaques coordonnées contre la communauté chiite sont le signe supplémentaire d'un regain de tension en pleine crise entre chiites et sunnites au sommet de l'État.«Le moment et les lieux choisis pour ces attaques confirment [...] la nature politique des cibles», a déclaré le premier ministre chiite, Nouri al-Maliki, dans un communiqué.
Dans une attaque apparemment coordonnée, plus d'une douzaine de bombes ont explosé, pour la plupart en pleine heure de pointe matinale. Au même moment près de Baqouba, une famille de cinq personnes, dont le père et le fils étaient membres de la milice tribale sunnite Sahwa, qui combat al-Qaïda, a été abattue par des insurgés, ont annoncé des responsables de la sécurité et de la santé.
Et à Mossoul, deux militaires ont été tués lorsqu'un point de contrôle tenu par l'armée a été criblé de balles, a-t-on indiqué de source policière.
Il s'agit des premières attaques depuis le début de la crise politique qui fait craindre un retour des violences confessionnelles. Le vice-président sunnite, Tarek Hachémi, est accusé d'avoir financé des attentats et le premier ministre chiite, Nouri al-Maliki, a menacé de cesser de partager le pouvoir au sein du gouvernement d'union nationale laborieusement mis sur pied il y a un an.
Dans la capitale, les attentats «n'ont pas visé des institutions ou des postes de sécurité», mais plutôt «des écoles, des travailleurs, l'agence anticorruption», a affirmé le général Qassim Atta, porte-parole de la sécurité de Bagdad, précisant qu'il était encore «trop tôt» pour savoir qui était derrière cette attaque. La plupart des attentats ont touché des quartiers majoritairement chiites.
Le plus meurtrier a été mené par un kamikaze au volant d'une voiture piégée qui a explosé devant les bureaux de l'agence anticorruption, tuant 23 personnes, dont 5 enquêteurs de haut rang, a indiqué un responsable du ministère de l'Intérieur.
Le président du Parlement irakien, le sunnite Oussama al-Noujaifi, a appelé à une réunion d'urgence des dirigeants des blocs politiques aujourd'hui.
L'ambassade américaine a estimé «particulièrement important pendant cette période critique que les dirigeants politiques de l'Irak résolvent leurs différends pacifiquement». La chef de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton, et le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, ont aussi appelé les protagonistes irakiens au dialogue.
Ces cinq derniers jours, un mandat d'arrêt a été lancé contre le vice-président sunnite, le bloc parlementaire Iraqiya, soutenu par les sunnites, a décidé de boycotter l'Assemblée et le gouvernement, et M. Maliki a réclamé le limogeage du vice-premier ministre sunnite. Deuxième groupe parlementaire, Iraqiya accuse M. Maliki d'accaparer le pouvoir. Le premier ministre a menacé mercredi de remplacer les neuf ministres d'Iraqiya s'ils continuaient de boycotter le gouvernement.
Il a aussi appelé les autorités du Kurdistan irakien à remettre à la justice M. Hachémi, qui se trouve actuellement à Erbil, la capitale de cette région autonome. Le vice-président est soupçonné d'avoir financé et soutenu des attentats menés par ses gardes du corps. Il a rejeté ces accusations, estimant qu'elles avaient été montées de toutes pièces, et s'est dit prêt à être jugé, à condition que le procès se déroule au Kurdistan.
Cette crise intervient quelques jours après que les derniers soldats américains ont quitté le pays, laissant derrière eux un Irak «souverain, stable, autosuffisant, avec un gouvernement représentatif», selon les termes du président américain, Barack Obama.
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Avec Reuters