Afghanistan - Un attentat fauche cette fois le maire de Kandahar

Une veillée funèbre sous haute surveillance.
Photo: Agence Reuters Ahmad Nadeem Une veillée funèbre sous haute surveillance.

La bombe était cachée dans le turban. Un kamikaze a tué, hier, Ghulam Haidar Hamidi, le maire de Kandahar, la grande ville du sud afghan. Selon le chef de la police provinciale, l'édile discutait avec quelques administrés dans la cour de l'hôtel de ville lorsque la bombe a explosé. L'attentat, revendiqué par les talibans, a également tué un civil et blessé un garde de sécurité. Les responsables de cette attaque «sont des terroristes qui ne veulent pas que l'Afghanistan soit reconstruit», a réagi le président Hamid Karzaï dans un communiqué. Cet assassinat, le quatrième d'un haut responsable de la province de Kandahar depuis le début de l'année, fragilise encore un peu plus le chef de l'Etat, déjà affaibli par l'annonce du retrait des troupes de l'OTAN d'ici la fin 2014.

Hamidi était l'un des proches d'Hamid Karzaï, appartenant à la même tribu pachtoune des Durrani. Après s'être exilé 20 ans au Pakistan, puis aux États-Unis, il n'était rentré en Afghanistan qu'en 2006, lorsque le chef de l'Etat lui avait proposé le poste de maire de Kandahar.

Sa disparition s'ajoute à celle d'Ahmed Wali Karzaï, chef du conseil provincial et demi-frère du président, assassiné le 12 juillet dernier par l'un de ses gardes. Les deux hommes régentaient la province, s'assurant de la protection des intérêts du clan présidentiel. Wali Karzaï était connu pour s'arroger un pourcentage sur les contrats de reconstruction et de sécurité financés par la communauté internationale. Selon des câbles diplomatiques révélés fin 2010 par Wikileaks, l'ambassade américaine à Kaboul le soupçonnait également d'être impliqué dans le trafic de drogue.

Rivalités tribales

Privé de ses deux principaux soutiens dans le sud du pays, le président afghan va devoir gérer une vacance du pouvoir envenimée par les rivalités tribales. Ancien gouverneur de la province de Kandahar, Gul Agha Sherzaï a fait savoir qu'il serait prêt reprendre ses fonctions. L'homme est puissant : actuel gouverneur de la province de Nangahar (est), il aurait accumulé, selon des diplomates occidentaux, plus de 150 millions de dollars à l'étranger. Surtout, il fait partie du clan des Barakzaï, principal rival de celui des Popolzaï auquel appartient la famille Karzaï. Donné candidat à l'élection présidentielle de 2009, il avait finalement renoncé à se présenter suite à des pressions du chef de l'État.

Ces incertitudes sur la gestion de la grande ville du sud afghan compliquent la tâche de l'OTAN. La majorité des 30000 soldats américains envoyés en renfort à l'été 2010 ont été déployés dans la province de Kandahar. L'OTAN y a enregistré des succès, reprenant aux talibans plusieurs districts qui entourent la ville. Mais les soldats étrangers ne parviennent pas à sécuriser la ville elle-même. Les talibans y multiplient les assassinats de responsables et d'Afghans jugés proches des forces étrangères et du gouvernement. Le 14 juillet, ils ont réussi à organiser un attentat suicide lors d'une cérémonie à la mémoire de Wali Karzaï à laquelle participaient plusieurs ministres.

L'incapacité de l'OTAN à sécuriser la ville de Kandahar est d'autant plus préoccupant que le retrait des troupes étrangères vient de débuter. Le Canada a déjà officiellement mis fin à ses opérations de combat dans la province et le rapatriement de ses 3000 soldats. Seuls 950 instructeurs resteront mais ils seront affectés dans le nord du pays.

L'instabilité règnant à Kandahar ruine enfin la stratégie des forces étrangères qui consistait à affaiblir l'insurrection pour pousser ses dirigeants à négocier. Des pourparlers entre des émissaires américains et des représentants talibans, dont Tayeb Agha, l'ancien secrétaire du mollah Omar, ont bien été engagés. Le gouvernement afghan est également en contact avec des responsables insurgés. Mais aucune de ses rencontres n'a abouti à un résultat concret, les discussions restant à des stades préliminaires.

La coalition ne peut donc plus compter que sur un renforcement des forces de sécurité afghanes pour compenser le départ des soldats étrangers. Un pari qui laisse sceptique Gilles Dorronsoro, chercheur à la Fondation Carnegie. «L'armée afghane ne sera pas capable de contenir une insurrection qui se renforce, écrit-il dans un rapport publié en juin dernier. Si la transition est menée à son terme, elle aboutira à la chute du régime Karzaï.»

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