Pakistan - Meurtre d'un gouverneur de province modéré
Islamabad — Le gouverneur modéré de la province pakistanaise du Pendjab, Salam Taseer, membre en vue du Parti du peuple pakistanais (PPP) au pouvoir, a été abattu hier à Islamabad par un de ses gardes du corps qui s'est aussitôt rendu.
Arrêté sur le champ par la police et ligoté, ce dernier, Malik Mumtaz Hussain Qadri, a revendiqué son geste sourire aux lèvres devant les caméras de la chaîne de télévision Dunya, en présentant Taseer comme un «blasphémateur qui n'a eu que le châtiment qu'il méritait».Cet assassinat, en pleine crise politique intérieure créée par la défection du principal partenaire gouvernemental du PPP, est probablement dû, de fait, à l'opposition affichée de la victime à la législation sur le blasphème, avait supposé le ministre de l'Intérieur Rehman Malik.
Taseer avait reçu en novembre une mère de famille chrétienne condamnée à mort pour blasphème envers l'islam, qui se disait persécutée pour des motifs de voisinage et non de religion, et avait intercédé auprès du président Asif Ali Zardari pour obtenir sa grâce.
Mais la justice pakistanaise a interdit une semaine plus tard au chef de l'État de se prononcer sur la grâce de cette mEre de famille de 45 ans, Asia Bibi, et un imam de Peshawar proche des taliban avait offert il y a un mois une récompense de 5800 dollars à quiconque tuerait la chrétienne.
«Nous voulons qu'elle soit pendue, sinon nous demandrons aux moudjahidine et aux taliban de la tuer», avait-il lancé, en mettant en garde le gouvernement contre toute modification d'une législation controversée qui prévoit la peine de mort pour les blasphémateurs.
Cette loi, affirment ses détracteurs, est souvent utilisée pour régler des comptes personnels n'ayant rien à voir avec la religion musulmane, dont l'écrasante majorité des 170 millions de Pakistanais sont adeptes, la minorité chrétienne ne représentant que 4 % de la population.
L'assassinat de Taseer, abattu alors qu'il descendait de sa voiture sur le parking du centre commercial de Kohsar, prisé de la communauté étrangère de la capitale, intervient alors que le premier ministre Yusuf Raza Gilani cherche à réunir des soutiens après avoir été lâché par le Mouvement Qaumi Muttahida (MQM).
Celui-ci, qui représente notamment les «mohajir», musulmans pakistanais chassés d'Inde après la partition de 1947 et leurs descendants, a annoncé dimanche son passage dans l'opposition en invoquant la hausse du prix des carburants décidée par Gilani. Le départ du MQM, principale force politique à Karachi, la capitale économique, prive le gouvernement de sa majorité à l'Assemblée nationale et le place à la merci d'une motion de censure de l'opposition.
Principal parti d'opposition, la Ligue musulmane (PML-N) de l'ancien premier ministre Nawaz Sharif a estimé hier que voter la censure «nuirait à l'ensemble du pays», mais, pour la plupart des observateurs, Yusuf Raza Gilani n'ira pas au bout de son mandat qui expire en 2013.