Le Liban se dote d'un gouvernement d'union nationale

Beyrouth — Le Liban s'est doté hier d'un gouvernement d'union nationale à l'issue de tractations laborieuses entre majorité et opposition, et d'un an et demi de crise politique ayant culminé en mai avec des combats meurtriers entre les deux camps.

Le cabinet de 30 membres a été formé après la levée des obstacles sur la répartition des portefeuilles, a déclaré lors d'une conférence de presse le secrétaire général du conseil des ministres, Souheil Bouji.

Pour la deuxième fois depuis sa création en 1982, le mouvement chiite Hezbollah, fer de lance de l'opposition, est représenté au gouvernement en la personne de Mohammad Fneich, nommé ministre du Travail. Celui-ci avait déjà hérité d'un poste de ministre dans l'ancien gouvernement, formé en 2005 par M. Siniora.

Le nouveau cabinet compte 18 nouveaux ministres, choisis notamment parmi la communauté maronite, représentée par six nouveaux ministres.

Il est conforme à l'accord de Doha, signé en mai entre la majorité antisyrienne, appuyée par les Occidentaux, et l'opposition, soutenue par Damas et Téhéran, qui octroie 16 portefeuilles à la majorité, 11 à l'opposition et trois nommés par le chef de l'État.

Le président Michel Sleimane a ainsi nommé trois ministres, des personnalités considérées comme neutres: les ministres de l'Intérieur Ziad Baroud, de la Défense Elias Murr (inchangé) et le ministre d'État Youssef Takla.

Parmi les postes obtenus par l'opposition, cinq reviennent au Courant patriotique libre dirigé par le chrétien Michel Aoun, dont celui de vice-premier ministre.

Outre un ministère, le Hezbollah a notamment obtenu deux autres postes pour ses alliés, le ministère de la Jeunesse et des Sports qui revient au Druze Talal Arslan, et un ministère d'État pour l'ex-président du Parti national social syrien, Ali Kanso.

Côté majorité, les portefeuilles ont été répartis de manière à satisfaire les dirigeants chrétiens, membres de ce bloc. Quant à la formation du dirigeant druze Walid Joumblatt, elle obtient deux ministères.

La députée Bahia Hariri, soeur de l'ex-premier ministre Rafic Hariri assassiné en 2005, fait son entrée au gouvernement comme ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur.

«Le gouvernement d'union nationale est le gouvernement de tous les Libanais, a déclaré lors de la conférence de presse M. Siniora, dont les consultations pour former le cabinet avaient débuté fin mai. Il est certain que nos divergences ne seront pas éliminées du jour au lendemain, mais le plus important, c'est la manière nous allons les traiter: en acceptant l'autre ou en recourant aux armes et à la violence dans la rue», a-t-il ajouté.

En mai, des combats meurtriers avaient fait 65 morts entre partisans des deux camps, les pires depuis la guerre civile (1975-90). Et cette semaine, des affrontements entre factions rivales ont fait cinq morts à Tripoli (nord), selon un nouveau bilan.

La formation du gouvernement a été saluée à l'étranger. Paris a estimé qu'elle constituait un «signe très encourageant» et qu'elle ouvrait «des possibilités de traiter de sujets qui sont sur la table depuis un certain temps».

L'Union européenne y a vu «une étape importante dans la mise en oeuvre de l'accord de Doha».

Téhéran s'est également félicité de cette annonce, espérant que le gouvernement pourra «renforcer l'union nationale parmi les Libanais et apporter une stabilité interne».

Le Qatar, qui a joué un rôle clé dans la conclusion de l'accord interlibanais, a appelé la communauté internationale à «soutenir» le nouveau gouvernement «et à coopérer» avec lui, alors que le Conseil de coopération du Golfe (CCG, Qatar, Arabie saoudite, Koweït, Émirats arabes unis, Bahreïn et Oman) a pour sa part salué une «réalisation historique».

L'accord de Doha a permis l'élection de M. Sleimane à la présidence le 25 mai, après six mois de vide à la tête de l'État et 18 mois de paralysie institutionnelle.

Alors que, durant toute cette période, la majorité a accusé la Syrie d'ingérence au Liban, M. Sleimane doit rencontrer aujourd'hui à Paris son homologue syrien, Bachar al-Assad, en présence du président français Nicolas Sarkozy et de l'émir du Qatar, cheikh Ahmad ben Khalifa al-Thani.

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