L'Iran teste des missiles pouvant atteindre Israël
En mettant à l'essai neuf missiles dont un avait deux fois la portée nécessaire pour atteindre Israël, l'Iran a brusquement fait monter la tension, hier, dans la guerre larvée qui l'oppose aux États-Unis et à l'État hébreu.
Ces tirs, qui ont été annoncés par la télévision iranienne, font partie des grandes manoeuvres militaires actuellement en cours dans la république islamique. Ces jeux de guerre se déroulent un mois après que l'aviation et la marine israéliennes eurent procédé en Méditerranée à des exercices préfigurant une éventuelle attaque contre des cibles iraniennes.Mardi, Téhéran avait menacé de frapper durement Israël et «des intérêts américains» — entendre les bases militaires situées dans les pays riverains du golfe Persique — si l'Iran était attaqué. Le geste d'éclat fait hier visait à donner du poids à ces arguments, comme l'a clairement indiqué un officier du corps d'élite des Gardiens de la révolution, responsable des tirs.
Téhéran souffle le chaud et le froid
En fait, Téhéran souffle le chaud et le froid depuis quelque temps. La semaine dernière, l'Iran a fait parvenir à l'Union européenne une réponse se voulant «constructive» aux dernières offres faites par l'Allemagne et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité pour convaincre ce pays de renoncer à son programme nucléaire controversé.
L'Iran procède depuis plusieurs années à l'enrichissement de l'uranium, affirmant vouloir maîtriser l'ensemble de la filière nucléaire de production d'électricité, comme le lui permet le traité de non-prolifération. Israël et plusieurs pays occidentaux, les États-Unis en tête, soupçonnent au contraire l'Iran de vouloir se doter ainsi d'un arsenal nucléaire.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté depuis 2006 trois résolutions enjoignant à Téhéran de cesser d'enrichir l'uranium et imposé des sanctions contre le régime islamique.
Hier à Washington, un porte-parole de la Maison-Blanche a demandé à l'Iran de cesser ses travaux sur les missiles balistiques et de renoncer à de nouveaux essais «s'il souhaite vraiment gagner la confiance de la communauté internationale».
Depuis des années, le président américain George W. Bush dit privilégier la diplomatie dans son contentieux avec Téhéran, tout en répétant que «toutes les options sont sur la table».
Les deux candidats à sa succession ont réagi hier aux tests iraniens. Le démocrate Barack Obama a de nouveau plaidé pour un dialogue direct avec Téhéran, assorti de sanctions économiques. «Nous devons avoir une diplomatie agressive qui, malheureusement, a fait défaut depuis plusieurs années, a-t-il affirmé sur les ondes de CNN. Si nous ne le faisons pas, nous allons continuer de voir s'accroître les tensions, ce qui pourrait déboucher sur de vrais problèmes.»
Pour le républicain John McCain, les essais prouvent que l'Occident doit se doter d'un système de défense «efficace» contre les missiles. Contrairement à son adversaire démocrate, il a rejeté l'idée d'un dialogue avec Téhéran. «Les récents essais de missiles par l'Iran témoignent de nouveau des dangers que ce pays représente pour ses voisins et toute la région, et particulièrement Israël», a-t-il plutôt martelé.
Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a estimé hier que les États-Unis et l'Iran ne s'étaient pas rapprochés d'une confrontation militaire, malgré la «gesticulation en cours». Dédramatisant lui aussi la situation, le sous-secrétaire d'État William Burns a noté la volonté iranienne de négocier, ajoutant que les sanctions en vigueur ont empêché les Iraniens de progresser autant qu'ils le prétendent dans les domaines nucléaire et balistique.
Selon la télévision iranienne, un des missiles tirés hier était du type Shahab-3, d'une portée de 2000 kilomètres, donc capable d'atteindre une demi-douzaine de pays d'Europe de l'Est, de même qu'Israël (situé à 600 kilomètres), la totalité de la péninsule arabe et l'Égypte.
Le test iranien survient au lendemain d'un accord conclu entre les États-Unis et la République tchèque pour la mise en place d'un radar faisant partie du «bouclier antimissile» américain. Un des buts affichés de cette infrastructure militaire est de défendre l'Europe contre une éventuelle attaque iranienne.
«Ceux qui affirment qu'il n'existe pas de menace iranienne contre laquelle construire des défenses antimissile devraient peut-être demander aux Iraniens la portée des missiles qu'ils viennent de lancer», a déclaré la secrétaire d'État Condoleezza Rice en Bulgarie.
En Israël, pays auquel le président iranien ne reconnaît pas le droit d'exister, le porte-parole du premier ministre Éhoud Olmert, Mark Regev, a dénoncé les tests balistiques, affirmant qu'«Israël ne menace pas l'Iran, mais [que] le programme nucléaire iranien, couplé à leur programme de missiles balistiques, est une source de grande inquiétude».
Dans ce contexte tendu, le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Javier Solana, doit se rendre à Téhéran d'ici la fin du mois.
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Avec l'Agence France-Presse et Reuters